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Irak: Falloujah et la province d'al-Anbar sous la coupe des islamistes radicaux

Les extrémistes sunnites de l'Etat islamique d'Irak et du Levant ont pris le contrôle de Falloujah et de certains quartiers de Ramadi, villes situées à l'ouest de Bagdad. Aujourd’hui, le clivage entre sunnites et chiites n’a jamais été aussi dangereux pour l’unité du pays. Retour sur la province d’al-Anbar, poudrière irakienne.
Article rédigé par Catherine Le Brech
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Familles sunnites qui fuient Falloujah, le 6 janvier 2014. (AFP PHOTO / AHMAD AL-RUBAYE)

Pour se positionner dans la région (138.000km², le tiers de l’Irak), les combattants de l'Etat islamique d'Irak et du Levant (EIIL) se sont appuyés sur leurs liens avec la Syrie, où ils combattent le régime de Bachar al-Assad. Le groupe y est devenu un acteur majeur du conflit, comme l’écrit Daniel Byman, expert du Moyen-Orient, dans Brookings.
 
Les violences à Falloujah, deuxième plus grande ville de la province avec 500.000 habitants, et à Ramadi sont le dernier avatar du conflit qui couve depuis longtemps entre chiites et sunnites. Conflit arrivé à un paroxysme, deux ans après le départ des dernières troupes américaines, dont la présence avait mis entre parenthèses ces combats fratricides.
 
L'Etat islamique d'Irak et du Levant, les forces anti-gouvernementales du «Conseil militaire des tribus» affrontent sur le terrain les forces gouvernementales et leurs alliés tribaux.

Image de combattants de l'Etat islamique d'Irak et du Levant, prise à partir d'une vidéo diffusée le 4 janvier 2014.  ( AFP PHOTO / AL-FURQAN MEDIA )

Retour au chaos depuis le retrait américain
Al-Anbar, vaste région désertique frontalière avec la Syrie et la Jordanie, est un ancien bastion (sunnite) de l'insurrection qui a suivi l'invasion américaine de 2003. C’est dans cette province que les troupes US ont subi leurs plus lourdes pertes : 1.500 des quelque 4.500 soldats américains tués en Irak (51.778 blessés). L’Irak compte quelque 50% de chiites, 46% de sunnites.
 
Al-Anbar est devenue depuis un fief des combattants de l'EIIL qui voudraient y installer un gouvernement indépendant. Ainsi qu’un haut lieu de la contestation contre M.Maliki. De confession chiite, le Premier ministre est accusé d'accaparer le pouvoir et de marginaliser la communauté sunnite.
 
Le 6 janvier 2014, Nouri al-Maliki a appelé les habitants de Falloujah et ses tribus à chasser les insurgés ayant pris le contrôle de la ville, pour éviter un assaut de l'armée. Un assaut qu’«il est pour le moment impossible de lancer», selon le ministère irakien de la défense, en raison du risque de «faire couler le sang de ses habitants». Craignant une attaque, «plus de 50% des habitants de Falloujah ont fui vers les régions voisines», précisait le 6 janvier un témoin interrogé par Bloomberg. Soit plus de 13.000 familles, a indiqué le Croissant rouge irakien.

 
Une situation inextricable
Car comment déloger les combattants de Falloujah et de Ramadi, là où les Américains y ont laissé des plumes quelques années auparavant? Vaste problème, d’autant qu’il est difficile d’évaluer leur nombre et leur motivation à défendre leurs positions.  
 
François Géré, président de l’Institut français d’analyse stratégique, suppute dans Atlantico que «les combattants se disperseront avant d’être écrasés.»
 
Le 5 janvier 2014, le secrétaire d'Etat américain John Kerry a apporté un soutien réservé aux autorités irakiennes : «Nous les aiderons dans leur combat mais c'est un combat qu'elles doivent à terme gagner elles-mêmes et j'ai confiance dans le fait qu'elles peuvent y parvenir», a-t-il assuré, tout en précisant ne pas envisager «de renvoyer des troupes au sol».

Quoi qu’il en soit, «les Etats-Unis ne laisseront pas s'installer sur la frontière syro-irakienne une sorte d'embryon d'Etat islamique extrémiste, ce serait trop dangereux», précise le chercheur François Géré.
 
Donc, les aider… Oui, mais comment ?
En accélérant les livraisons de missiles et de drones notamment, histoire «d’isoler les groupes affiliés à al-Qaïda afin que les tribus qui coopèrent avec les forces irakiennes puissent les chasser des zones  habitées», a suggéré le colonel américain Warren. Certains «chefs de ces tribus en Irak ont ​​déclaré une révolte ouverte contre l'Etat islamique d'Irak et du Levant», a déclaré la porte-parole du département d'Etat US, Marie Harf.
 
Quant à l'Iran voisin, à majorité chiite, il s'est dit de son côté prêt à fournir des équipements militaires et des conseils à l'Irak pour soutenir à sa lutte contre al-Qaïda. Une proposition qui laisse sceptique François Géré, selon qui «l'arrivée de conseillers militaires iraniens donnerait le sentiment que l'opération militaire de l'Etat irakien se transforme en opération chiites contre sunnites».

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