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Le Kurdistan proche de l’indépendance ?

Massoud Barzani, le président du Kurdistan irakien, a lancé le 3 juillet 2014 un projet de référendum sur l’indépendance de la région autonome. A Bagdad, le gouvernement central d’al-Maliki et les Etats-Unis s’opposent à cette décision jugeant que l’unité nationale doit être protégée à tout prix face à l’avancée des djihadistes de l’EIIL.
Article rédigé par Géopolis FTV
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Le 3 juillet 2014, des Kurdes irakiens manifestent devant le Parlement à Erbil pour réclamer un Etat indépendant. (AFP PHOTO / SAFIN HAMED)

La reprise de la ville de Kirkouk le 26 juin 2014 aux mains des combattants islamistes par les peshmergas – soldats kurdes – a retenti dans toute la région autonome comme le signal que l’indépendance approchait. Ainsi, dès le 3 juillet, Massoud Barzani demandait au Parlement du Kurdistan de «préparer l’organisation d’un référendum sur le droit à l’autodétermination».

La population kurde qui partage depuis près d’un siècle le rêve d’un Etat indépendant (le traité de Sèvres de 1920 prévoyait, dans le cadre de la division de l’Empire ottoman, l’autonomie des provinces kurdes et, à terme, la création d’un Etat indépendant. Trois ans plus tard, ce projet d’indépendance était annulé par le Traité de Lausanne) espère pouvoir tirer son épingle du sinistre jeu qui se déroule en Irak. 
 
Persécutés sous Saddam Hussein
Dès 1979, le régime de Saddam Hussein applique aux Kurdes d’Irak une politique de persécution. Accusés de trahison par le gouvernement irakien lors de la guerre Iran-Irak (1980-1988), ils subissent des attaques chimiques. Comme le 16 mars 1988 quand près de 5000 personnes succombent dans le village kurde d’Halabja.

Dans les rues de Bagdad on trouve des CD roms du procès de l'ancien dictateur. Ici en 2012, à l'occasion du 9e anniversaire de sa mort. (AFP PHOTO/AHMAD AL-RUBAYE)

En tout, ce sont près de 200.000 Kurdes qui trouvent la mort en 1988 lors de l’opération al-Anfal (butin de guerre). Le procès du dictateur irakien et d’«Ali le chimique», l’un de ses cousins et bras droit, s’ouvre en 2005. Les deux hommes sont inculpés de crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide.
 
Privilégier l’unité ?
Lorsque les Etats-Unis envahissent l’Irak et chassent Saddam Hussein du pouvoir en 2003, les Kurdes s’allient à la coalition armée. Alors que le pays se divise entre chiites et sunnites, ils apparaissent comme le seul groupe uni derrière un même but : obtenir un Etat indépendant. Dès lors, la région apparaît comme relativement stable dans un pays en proie à la guerre civile.
 
En juillet 2014, alors que les troupes de l’EIIL ont déclaré l’installation d’un califat à cheval sur l’Irak et la Syrie, Washington appelle à l’unité du pays et exhorte Kurdes, Arabes sunnites et chiites et Turkmènes à s’entendre afin de former un gouvernement d’union nationale.
 
Dès lors, la décision de Massoud Barzani de demander au Parlement kurde l’organisation d’un référendum est fortement condamnée par la Maison Blanche. «Nous continuons de croire que l’Irak est plus fort s’il est uni», a déclaré Josh Earnest, porte-parole de la présidence américaine.
 
Si les intentions américaines en Irak sont difficiles à déchiffrer, une certitude peut tout de même être avancée : les Etats-Unis ne veulent plus s’engager sur un terrain proche ou moyen-oriental. Barack Obama l’a martelé lors de son allocution devant la presse le 19 juin.
 
Quant à convoiter le pétrole irakien, selon Hamit Bozarslan, docteur en histoire et sciences politiques ainsi que directeur d’études à l’EHESS, il n’en est pas question : «Les Etats-Unis veulent vraiment obtenir leur indépendance vis-à-vis du pétrole moyen-oriental d’ici trois ou quatre ans. Il y a un recentrage sur le pétrole américain, y compris du Venezuela, et l’exploitation du gaz de schiste.»
 
Indépendance financière ?
Les Kurdes d’Irak ont connu un début d’indépendance financière grâce à la construction du pipeline Irak-Turquie qui relie Kirkouk à Ceyhan. Le pouvoir central irakien et Erbil étaient déjà en conflit depuis des années au sujet du partage des revenus pétroliers issus de la région autonome du Kurdistan. Considérant que le pétrole et le gaz produits dans cette région lui appartiennent, le gouvernement kurde a commencé à traiter directement avec les compagnies pétrolières. Au début de l’année 2014, les autorités d’Erbil ont même exporté leurs premiers barils de brut vers la Turquie.
 
L’initiative n’a pas plu au gouvernement de Bagdad qui estime que les matières premières de toutes les régions d'Irak appartiennent au pays entier. La Croix rappelle que «la Constitution irakienne de 2005 prévoyait qu’une loi fixe les règles du partage des revenus pétroliers entre les différentes régions de l’Irak (83% pour Bagdad et 17% pour les Kurdes) et le statut juridique des compagnies pétrolières qui opèrent sur le sol irakien.»

Le pipeline Irak-Turquie relie Kirkouk à Ceyhan. (Emrah Yorulmaz - Anadolu Agency)

Mais dans l’état actuel des choses, Bagdad aura-t-il encore longtemps une prise sur les exportations kurdes ? Hamit Bozarslan estime qu’Erbil devrait vendre cinq fois plus de pétrole, à l’Europe notamment via la Turquie, pour parvenir à une situation financière viable. «Ce qui est tout à fait réalisable», selon le chercheur.
 
L’accélération des exportations de brut kurde pourrait être un signe que le pays est bien en voie de division. L’essentiel du pétrole Irakien se trouve dans le sud du pays, majoritairement chiite, et pour l’instant à l’abri de l’EIIL. La crise actuelle pourrait en effet déboucher de facto sur une partition du pays : au nord-ouest, une zone sunnite dominée par l’EIIL, au nord-est, le Kurdistan irakien, indépendant financièrement grâce à son pétrole, et au sud une zone chiite.
 
Désintégration de l’Etat
La situation s’explique par l’avancée fulgurante du groupe djihadiste de l’EIIL mais, pour Hamit Bozarslan, c’est avant tout l’incapacité d’agir du gouvernement de Nouri al-Maliki qui l'a amenée.

Nouri al-Maliki s'est attiré nombre de reproches pour sa gestion confessionaliste du pays.  (AFP PHOTO / HO / IRAQI PRIME MINISTER'S MEDIA OFFICE)

«Ce n’est pas nous qui avons quitté l’Irak, c’est l’Irak qui nous a quittés», a martelé plusieurs fois Massoud Barzani dans ses discours. Un désengagement dont Maliki serait le principal responsable. «Les institutions irakiennes ne fonctionnnent plus depuis 6 ou 7 ans (...). Maliki a opté pour une politique de confessionnalisation à outrance sans même savoir qu’il n’avait pas les moyens de se défendre», souligne le chercheur.
 
Dans une situation que l’on a laissée se dégrader, les Kurdes ont simplement trouvé leur avantage. Hamit Bozarslan rappelle qu’après la prise de Fallouja le 4 janvier 2014, ils ont alerté l’Etat irakien et les Américains sur place sur une possible avancée djihadiste. «Le pouvoir aussi peut être autiste», lâche-t-il désabusé. 

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