L’immolation par le feu, forme symbolique et extrême du cri
Le 17 décembre 2010, Mohamed Bouazizi, jeune vendeur à la sauvette tunisien dans la région de Sidi Bouzid, s’immolait par le feu devant la préfecture. Il se sentait victime d’une injustice policière l’ayant dépossédé de ses maigres biens, en l’occurrence sa carriole de fruits et légumes. Par ce geste désignant l’Etat de Ben Ali comme coupable de son malheur, il entraînait dans son sillage les Tunisiens s’identifiant à sa détresse. Leur colère conduira au départ du dictateur le 14 janvier 2011. 160 chômeurs lui emboîteront le pas avec le même type d’acte.
Le 16 août 1969, Ian Palach avait créé un précédent en Europe. Cet étudiant tchécoslovaque avait mis fin à ses jours de la même manière sur la place Wenceslas, à Prague. Il dénonçait, lui, l’invasion de son pays par l’URSS. Et signait ainsi la fin du printemps de Prague. Vingt-trois autres jeunes après lui en firent autant.
Dans les deux cas, ces garçons, érigés en icônes, souffrant au nom d’une cause, sont devenus les symboles de la contestation de tout un peuple.
Au Vietnam en 1963, ou aujourd’hui en Chine ou au Tibet, des religieux se suicident de cette manière en signe d’opposition. Dans le premier cas, Thich Quang Duc pour dénoncer la répression contre les bouddhistes menée par le président catholique sud-vietnamien Diem il y a 50 ans du temps de la guerre américaine ; dans le second, 108 bonzes tibétains (morts ou ayant tenté de se suicider de façon similaire depuis 2009, selon des organisations de défense des droits de l’Homme ; Pékin n’en admet qu’une vingtaine) pour protester contre la répression et la tutelle chinoises au Tibet.
Les immolations par le feu touchent également les femmes. Ainsi, Indiennes, Afghanes, Pakistanaises ou Iraniennes – refusant violences conjugales ou mariages forcés – rendent visibles leurs malheurs aux yeux de tous.
En Europe, la Bulgarie (deux immolations ont eu lieu les 18 et 20 mars, portant à sept leur nombre depuis février) ou la France n’échappent pas au phénomène. Ailleurs, comme au Sénégal, en Algérie ou en Israël, ces formes de suicides sont légions.
A chaque fois, il s’agit d’un acte hautement symbolique, spectaculaire et sacrificiel (ces personnes montrent jusqu’où elles sont prêtes à aller tant leur situation est désespérée), qui heurte les imaginations par sa violence. Un acte public de revendication. Une mort douloureuse devant témoins, selon des psychiatres.
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