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Mossoul reprise, l’Irak ne sera pas sorti d’affaire pour autant
La reprise de Mossoul par l’armée régulière irakienne n’est plus qu’une question de semaines, deux ou trois mois peut-être. Pour autant, l’avenir de l’Irak s’écrit toujours en pointillés. Le retour de la paix est hypothétique et le maintien de la relative union nationale sera difficile. Unité territoriale, lutte contre Daech, rapport sunnites-chiites... les écueils ne manquent pas.
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Le Kurdistan irakien est incontestablement le grand vainqueur de la lutte contre Daech. Le prestige des Kurdes et notamment des peshmergas est au plus haut. L’Occident voit en eux le premier rempart dressé contre le groupe Etat islamique. Il n’a pas hésité à armer les combattants kurdes et à les épauler par un appui aérien conséquent. Cela a permis notamment la reprise de la ville de Sinjar fin 2015, et surtout d’organiser un bloc offensif au nord des possessions djihadistes.
Une nouvelle frontière kurde?
Il semble que le gouvernement de la province autonome profite de ses victoires pour étendre son territoire. Ainsi, en novembre 2016, des combattants kurdes ont élevé une barrière de terre à quelque 60 km de la capitale Erbil. Officiellement, il s’agit de protéger les combattants des attaques suicides de Daech. Mais, «si les peshmergas entrent dans une zone et la libèrent, celle-ci restera (aux mains) des peshmergas», a affirmé un haut commandant kurde, le général Jammal Weis aux journalistes présents.
Massoud Barzani, à la tête de la région autonome depuis 1979, rêve d’en faire un Etat indépendant, ce que Bagdad n’est pas prêt d’accepter. Une indépendance tout aussi mal vue dans les pays voisins qui possèdent une forte minorité kurde (Syrie, Iran, Turquie). C’est le cas en particulier de la Turquie, en guerre contre le PKK, mouvement indépendantiste kurde en Turquie. Ankara procède régulièrement à des frappes sur le Kurdistan irakien, accusé de servir de base arrière au PKK. La question kurde sera inévitablement au cœur des relations entre ces pays. Ce sera aussi une source potentielle de conflits.
La puissance des milices
Créées en juin 2014, immédiatement après la prise de Mossoul par le groupe Etat islamique et suite à l’appel à la population de l’ayatollah Ali al-Sistani à prendre les armes pour combattre les «terroristes et défendre leur pays», les forces du FMP (Forces de mobilisation populaire, Hached al-Chaabi) compteraient aujourd’hui près de 80.000 volontaires. En majorité des chiites, mais elles comptent aussi des chrétiens, des sunnites et des Yézidis.
Comment va se passer le désarmement de ces troupes? Elles sont devenues une seconde armée nationale, incontournables lors de la reprise de Tikrit et de Ramadi, et pourraient devenir le bras armé d’un adversaire du régime. Cette puissance peut poser problème au matin de la reconstruction du pays.
Le gouvernement irakien
Les chiites soutiennent un gouvernement pro-réformes, dont la priorité annoncée est la lutte contre la corruption. De par sa personnalité plus modérée, Haidar al-Abadi (lien payant) a obtenu la confiance de l’ensemble de la classe politique irakienne, notamment celle des Arabes sunnites, ce qui faisait défaut à son prédécesseur.
Sur le plan politique, al-Abadi a en effet réalisé un sans-faute en arrivant à apaiser les relations entre le gouvernement de Bagdad et sa composante arabe sunnite et même au-delà, avec des tribus arabes sunnites.
la reconquête de la ville de Ramadi, facilitée par le soutien des tribus arabes sunnites, ainsi que par les forces aériennes de la coalition internationale, américaines notamment, est un succès important pour le Premier ministre. Il a démontré la capacité de l’armée irakienne à se passer des milices chiites pour reprendre une ville importante.
A l’heure de la reconstruction, quelle sera l’attitude de l’homme fort d’Irak, Moqtada al-Sadr? A la tête du mouvement chiite «les déshérités», il fustige sans relâche la classe politique irakienne, l’accusant d’être corrompue. Ces critiques n’épargnent pas les représentants chiites.
Daech vit encore
La capacité de nuisance des djihadistes vaincus à Mossoul ne serait pas totalement éliminée pour autant. Les frontières sont poreuses. Des colonnes de véhicules ont quitté l’Irak pour la Syrie quand le vent de la défaite a commencé à souffler sur Daech. Selon les Kurdes, il s’agissait de responsables islamistes avec leur famille, se mettant à l’abri. Depuis la Syrie, ils pourront piloter des attaques suicides, ce que l’organisation n’a jamais abandonné et qui sera désormais son seul moyen d’action.
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