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Nigel Richards, le champion du monde francophone de Scrabble qui ne savait pas parler français

Nigel Richards, un néo-zélandais de 48 ans a remporté lundi, le Championnat du Monde francophone de Scrabble. Une victoire extraordinaire compte tenu que le joueur ne parle pas un mot de français.
Article rédigé par Leticia Farine
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
  (Nigel Richards, triple champion du monde de Scrabble anglophone avait tenté de remporter un quatrième titre en novembre 2014 à Londres. © Heathcliff O'Malley/REX/REX/SIPA)

Jouer avec les mots est tout un art et bien souvent, toute une passion. Les esprits aiguisés qui manient avec délice les subtilités de la langue de Molière, sont bien plus nombreux qu’il n’y paraît. Parmi eux, il y a les écrivains, les poètes, les auteurs-compositeurs, les journalistes, les cruciverbistes, les linguistes, les philologues et même, quelques politiques. Mais une catégorie ne doit cependant pas être oubliée, celle de ceux qui jouent avec les mots dans le cadre d’un "vrai" » jeu : les scrabbleurs.

 

Le jeu du Scrabble, inventé par un architecte new-yorkais au chômage durant la crise de 1929, compte de nombreux adeptes dans le monde, dont beaucoup de Français. La Fédération Internationale de Scrabble francophone compte, elle, plus de 20.000 joueurs sur les cinq continents. Elle regroupe des amateurs mais également des professionnels, qui s’affrontent chaque année dans le cadre du Championnat du Monde francophone de Scrabble. Et cette année, c’est Nigel Richards, un néo-zélandais qui ne parle pas un mot de français, qui l’a remporté. Comment cela est-il tout bonnement possible ? Yves Brenez, vice-président de la Fédération Belge de Scrabble, l’a expliqué à France Info, au micro de Mélodie Pépin.

L'exploit : mémoriser le dictionnaire français en 9 semaines seulement 

Tout d’abord, il faut savoir que le joueur a appris "le français en tant que dictionnaire et pas en tant que langue" . En effet, si le néo-zélandais Nigel Richards, a appris en neuf semaines seulement les mots qui composent le dictionnaire français, il l’a surtout fait par mémorisation et non par pratique ou compréhension. "Pour lui, un mot c’est une suite de lettres, une combinaison de lettres. Ça ne veut rien dire, il ne s’embarrasse pas de définition" , a constaté Yves Brenez. Nigel Richards sait ainsi quand un mot est valable, "mais il ne sait pas ce que ça veut dire" .  

En mai dernier, le joueur s’est lancé le défi d’apprendre l’Officiel du Scrabble. Un dictionnaire qui reprend les mots allant jusqu’à quinze lettres, des grands dictionnaires de référence, "saupoudré d’helvétismes, de québécismes, de belgicismes et d’autres expressions très répandues dans les pays membres de nos fédérations" , indique Yves Brenez. Comprenez donc, qu’il s’agit d’un ouvrage qui compte, bien plus de mots qu’un Larousse ou un Robert . La capacité de mémorisation de ce néo-zélandais vivant en Malaisie est donc, tout de même, indéniablement extraordinaire.

Un champion francophone, déjà triple champion du monde anglophone 

Est-ce donc à la portée de tout bon scrabbleur de s’approprier une langue qui lui est étrangère ? La réponse va peut-être en décevoir certains, mais l’exploit réalisé par Nigel Richards, est réservé à une certaine élite professionnelle, dont il fait lui-même partie. Eh oui, car à l’âge de 48 ans, Richards n’en est pas à son premier titre. Avant de battre le gabonais Schélick IIagou lundi en Belgique, il avait déjà raflé la victoire mondiale anglophone à trois reprises en 2007, 2011 et 2013.

Nigel Richards possède donc l’expérience tactique et stratégique nécessaire pour dominer un championnat classique de ce type, selon Yves Brenez. "Il sait analyser une partie, maîtriser les reliquats de lettres, il sait ce qui reste dans la boîte. Il est extrêmement fort en  statistiques" , explique le vice-président de la Fédération Belge de Scrabble. Capable de prévoir en avance les coups de son adversaire, le joueur "possède une méthode de jeu très forte, et le fait de changer de langue, ne change pas la méthode  ", analyse Yves Brenez.

 

Le Scrabble, un jeu de matheux et non pas de littéraires 

Ainsi, si les scrabbleurs appartiennent à une catégorie bien particulière parmi ceux qui maîtrisent la langue chère à Molière, c’est qu’ils sont bien plus matheux que littéraires. Pour Yves Brenez, les littéraires bien qu’appréciant les mots, ne possèdent pas « l’esprit statistique d’analyse de la grille  » suffisant pour atteindre un tel niveau. Le 44ème Championnat du Monde francophone de Scrabble se poursuit jusqu’au 25 juillet et deux nouvelles épreuves attendent Nigel Richards, le Défi mondial et l’Elite Duplicate. L'occasion peut-être pour lui, de marquer une nouvelle fois de son empreinte néo-zélandaise, l'Histoire du Scrabble francophone.

Nigel Richards, le champion du monde francophone de Scrabble 2015 qui ne savait pas parler français - Mélodie Pépin
 

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