Guerre au Proche-Orient : ce qu'il faut retenir du rapport d'Amnesty International accusant Israël de "génocide" à Gaza
Après plusieurs experts indépendants de l'ONU, Amnesty International qualifie à son tour de "génocide" les actes d'Israël à Gaza. Dans un rapport accablant de 300 pages publié jeudi 5 décembre, l'ONG estime que l'Etat hébreu "a commis et continue de commettre un génocide contre les Palestiniens de Gaza" et appelle la communauté internationale à intervenir.
L'enquête d'Amnesty se concentre sur les actions israéliennes, mettant en lumière le ciblage répété des bâtiments résidentiels, des écoles, des sites religieux et des marchés dans des zones densément peuplées. Elle s'appuie aussi sur des déclarations de responsables israéliens, des images satellitaires documentant la dévastation et des témoignages recueillis sur le terrain à Gaza.
Ces accusations ont immédiatement été réfutées par Israël, l'Etat hébreu qualifiant le rapport de "calomnie antisémite". Alors que l'ONG prévoit prochainement un autre rapport sur les crimes du Hamas, voici ce qu'il faut retenir de ce document que franceinfo a épluché.
Amnesty International pointe une "intention spécifique de détruire"
Dans son rapport, Amnesty International affirme d'abord qu'Israël "a commis des actes interdits par la Convention sur le génocide, à savoir tuer, causer de graves atteintes à l'intégrité physique ou mentale et infliger délibérément aux Palestiniens de Gaza des conditions de vie calculées pour entraîner leur destruction physique" avec "l'intention spécifique de les détruire". Parmi les "éléments" qui permettent de "conclure qu'Israël continue de commettre un génocide contre les Palestiniens de la bande de Gaza" depuis le 7-Octobre, l'ONG cite notamment les bombardements massifs israéliens, qui ont causé des pertes humaines et détruit des infrastructures essentielles.
En un an et presque deux mois, plus de 40 000 Palestiniens ont été tués, selon le bilan du ministère de la Santé gazaoui, administré par le Hamas. En janvier 2024, 62% des habitations étaient endommagées ou détruites, laissant 1,08 million de personnes sans abri, assure le rapport d'Amnesty International. Une situation qui a entraîné des déplacements massifs et forcés de civils palestiniens dans des "conditions dangereuses et inhumaines". Désormais, 90% de la population de Gaza doit vivre dans des abris surpeuplés, souvent sans accès à l'eau potable. Ce qui "les expose à une mort lente et calculée", souligne le rapport. A Rafah, 340 personnes partageaient une toilette en moyenne et 1 290 personnes une seule douche en moyenne, augmentant les risques de propagation des maladies.
Dans ce rapport, Amnesty International accuse aussi le pays dirigé par le Premier ministre Benyamin Nétanyahou, visé par un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale, d'entraver l'aide humanitaire dans la bande de Gaza. Les contrôles stricts et arbitraires sur les cargaisons imposés par Israël ont causé notamment des retards de livraison importants dans l'enclave et ont dégradé les conditions de vie des civils, rapporte l'ONG.
L'ONG rappelle les discours "déshumanisants" sur les Gazaouis
Pour étayer son propos, Amnesty International cite aussi les discours "déshumanisants" tenus par certains responsables israéliens comme preuve d'une intention génocidaire. Selon Agnès Callamard, secrétaire générale d'Amnesty International, Israël a traité les civils "comme un groupe de sous-humains, indigne du respect des droits humains et de la dignité, démontrant son intention de les détruire physiquement".
Dans son rapport, l'ONG rappelle par exemple les prises de parole en octobre 2023 du ministre de la Sécurité nationale : "Lorsque nous disons que le Hamas doit être éliminé, cela inclut ceux qui chantent, ceux qui les soutiennent, ceux qui distribuent des bonbons. Tous ces gens sont des terroristes. Ils doivent être éliminés !" avait ainsi déclaré Itamar Ben-Gvir.
Elle appelle les pays qui fournissent des armes à ne pas être "complices"
"Les gouvernements doivent arrêter de prétendre qu'ils n'ont aucun pouvoir pour mettre fin à l'occupation, l'apartheid et le génocide à Gaza", a martelé Agnès Callamard. Mettant en garde les Etats qui continuent d'armer l'Etat hébreu contre le risque de "devenir complice", la secrétaire générale de l'ONG a exhorté les grandes puissances à cesser les ventes d'armes.
"Tous les Etats qui ont une influence sur Israël doivent agir maintenant pour stopper immédiatement ces atrocités."
Agnès Callamard, secrétaire générale d'Amnesty Internationallors d'une conférence de presse
Les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l'Allemagne, principaux fournisseurs d'armes à Israël, sont notamment ciblés par le rapport de l'ONG.
Amnesty International appelle aussi les Etats à adopter des politiques empêchant les sociétés privées de cesser de fournir des services militaires, technologiques ou des équipements militaires utilisés par Israël à Gaza. Régulièrement accusé de protéger Israël, Washington avait déclaré en mai dans un rapport que certaines actions de l'Etat hébreu utilisant des armes fournies par les Etats-Unis avaient pu enfreindre le droit humanitaire international. Mais, peu d'actions concrètes avaient suivi ces déclarations, note l'agence Associated Press.
Israël qualifie ce rapport de "calomnie antisémite"
En réaction, l'Etat hébreu a qualifié ces allégations de "calomnie antisémite", selon l'agence Associated Press. L'armée israélienne dénonce un "rapport mensonger" et souligne que celui-ci ignore les "réalités opérationnelles" sur le terrain. Sur le réseau social X, Oren Marmostein, porte-parole du ministère des Affaires étrangères, a qualifié Amnesty International d'organisation "déplorable et fanatique". Le gouvernement de Benyamin Nétanyahou affirme se défendre en conformité avec le droit international et accuse le Hamas d'utiliser les civils comme "boucliers humains".
En ce qui concerne l'entrave à l'aide humanitaire, le gouvernement israélien renvoie la responsabilité aux agences de l'ONU, les accusant de ne pas distribuer l'aide en question, malgré l'entrée autorisée de centaines de camions. Selon Philippe Lazzarini, directeur de l'Office des Nations unies pour les réfugiés palestiniens, ces retards sont dus aux risques liés à l'acheminement de l'aide et aux restrictions sur les déplacements à Gaza.
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