Qui est Malala Yousafzai, favorite pour le Nobel de la paix ?
L'adolescente pakistanaise, que les talibans avaient tenté d'assassiner il y a un an, publie ses mémoires mardi.
"Je suis Malala : la jeune fille qui s'est levée pour l'éducation et sur qui les talibans ont tiré." L'autobiographie de Malala Yousafzai, la jeune Pakistanaise rescapée d'un attentat des talibans, sort mardi 8 octobre. L'adolescente de 16 ans, qui a survécu à une tentative d'assassinat il y a un an, apparaît comme favorite pour le prix Nobel de la paix, décerné vendredi. Portrait.
Militante à 11 ans
Malala Yousafzai grandit dans la province de Khyber Pakhtunkhwa, au Pakistan, où les talibans défont l'armée pakistanaise en 2008. Dans la vallée de Swat, où la fillette, 11 ans à l'époque, est scolarisée, ces derniers détruisent une centaine d'établissements. Elle qui envisage de devenir médecin suit alors les traces de son père, un directeur d'école engagé pour l'éducation des enfants.
Il l'emmène à Peshawar, où elle s'insurge de l'action des talibans devant des journalistes. Son discours est repris par de nombreux médias dans la région. Et puis tout s'accélère. Début 2009, après la visite d'un journaliste de la BBC, elle ouvre un blog (en anglais) où elle raconte, sous le pseudonyme de Gul Makai, sa vie sous le régime des talibans. "Ma mère a préparé mon petit-déjeuner et je suis partie pour l'école. J'avais peur, car les talibans ont annoncé qu'ils allaient interdire aux filles d'aller à l'école", écrit-elle dans son premier billet, le 3 janvier. Douze jours plus tard, le décret prend effet, le jour des vacances d'hiver. "Je n'irai peut-être plus jamais à l'école", écrit Malala Yousafzai le 14 janvier.
L'armée pakistanaise reprend la région aux talibans et en mai, la jeune militante finit par faire rouvrir son école, qui prend même son nom. Malala Yousafzai devient alors le symbole de la lutte pour l'éducation des filles.
Son identité est rapidement révélée et le New York Times lui consacre un documentaire, Class Dismissed.
En décembre 2011, elle reçoit des mains du Premier ministre pakistanais le premier prix national de la jeunesse pour la paix (qui depuis porte son nom), et évoque la création d'un parti politique.
Avec cette médiatisation croissante, les menaces de mort se multiplient contre l'adolescente. Le 9 octobre 2012, elle est assise dans un bus scolaire quand des hommes masqués montent à bord. L'un d'eux demande "Qui est Malala ?" et lui tire une balle dans la tête. Elle a 15 ans. Les médecins pensent que son cerveau est atteint. Elle est transférée dans un hôpital en Grande-Bretagne et passe six jours dans le coma. L’attaque est revendiquée par le mouvement des talibans du Pakistan, écrit Euronews, au motif qu'"elle faisait la promotion de la laïcité" et qu’elle "a la mentalité occidentale". Quatre mois plus tard, une plaque de métal dans le crâne, elle sort de l'hôpital. Le tireur, lui, court toujours.
Icône à 15 ans
Politiciens, journalistes, militants, stars et médias du monde entier se mobilisent pour défendre la cause de l'héroïne du Pakistan. Un fonds, baptisé Plan Malala, est créé, "visant à scolariser d'ici à 2015 les 32 millions de fillettes qui ne le sont pas encore", rapporte Le Monde (article abonnés). Malala Yousafzai reçoit de nombreuses récompenses pour son engagement, notamment le prix Simone de Beauvoir pour la liberté des femmes ou le prix Anna Politkovskaïa, décerné par une ONG britannique pour récompenser les femmes qui défendent les droits des victimes dans les zones de conflit. En avril dernier, le Times (en anglais) la classe parmi les 100 personnalités les plus influentes du monde.
Le 12 juillet (rebaptisé "Malala Day"), elle fête ses 16 ans à la tribune de l'ONU. Les talibans "pensaient qu'une balle pourrait nous réduire au silence, mais ils ont échoué", déclare-t-elle, avant de lancer un appel aux gouvernements "à assurer une éducation libre et obligatoire à chaque enfant dans le monde". Elle est ovationnée. "Les extrémistes ont peur des livres et des stylos. Le pouvoir de l'éducation les effraie, clame-t-elle. Un enfant, un enseignant, un livre et un stylo peuvent changer le monde."
Devenue une icône du combat pour l'éducation des filles, Malala Yousafzai vit désormais à Birmingham, au Royaume-Uni. Elle raconte à la BBC (en anglais) que cela "a été difficile de s'adapter à une culture et une société nouvelles, surtout pour ma mère, car on n'avait jamais vu des femmes aussi libres, libres d'aller sur n'importe quel marché, seules, sans frère ou père pour les accompagner".
Elle n'a pas oublié son combat. "Je veux changer l'avenir de mon pays et rendre l'éducation obligatoire, insiste-t-elle. J'espère que le jour viendra où les Pakistanais seront libres, qu'ils auront des droits, qu'il y aura la paix et que chaque fille et chaque garçon ira à l'école." L'adolescente, qui doit rencontrer la reine Elizabeth II le 18 octobre, compte bien retourner un jour au Pakistan, malgré le danger. Car les talibans qui l'ont attaquée ont réitéré, lundi, leurs menaces. "Nous allons encore la viser et l'attaquer dès que nous en aurons l'occasion", a déclaré leur porte-parole, Shahidullah Shahid. "Ce n'est pas une fille courageuse. Elle a même utilisé le faux nom de Gul Makai pour son blog. Nous avons attaqué Malala car elle parlait contre les talibans et l'islam, et non parce qu'elle allait à l'école."
Mais l'adolescente ne se laisse pas impressionner. "Plus tard", elle voudrait "être une femme politique".
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