Nobel de la paix à Nihon Hidankyo : "Un message lancé sur la permanence des risques de l'arme nucléaire", estime un spécialiste des relations internationales

Le comité Nobel a insisté sur "la nécessité de maintenir le tabou nucléaire". Or "la question du nucléaire est loin d'être dépassée", reconnaît Bertrand Badie, professeur émérite des universités à Sciences Po Paris.
Article rédigé par franceinfo
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Hiroshima, 6 août1945. (PICTURES FROM HISTORY / UNIVERSAL IMAGES GROUP EDITORIAL/ VIA GETTY)

"Je pense qu'il n'est pas totalement inutile de lancer ce message sur la permanence des risques de l'arme nucléaire", analyse vendredi 11 octobre sur franceinfo Bertrand Badie, professeur émérite des universités à Sciences Po Paris, spécialiste des relations internationales, après l'attribution du prix Nobel de la paix à l'organisation japonaise Nihon Hidankyo. L'ONG regroupe des survivants des bombardements nucléaires sur Hiroshima et Nagasaki en 1945. "Le prix, cette année, est un prix qui met l'accent sur la nécessité de maintenir le tabou nucléaire. Et nous avons tous une responsabilité (pour le faire), en particulier les puissances nucléaires", a justifié le comité Nobel.

Selon Bertrand Badie, le "rôle du prix Nobel" est aussi de "montrer que les menaces sont diverses, complexes et ne sont pas seulement liées à l'immédiateté de l'évènement" parce qu'"on est dans un contexte où la guerre est très présente et on a choisi de contourner autant le conflit israélo-palestinien et autant le conflit ukrainien", fait remarquer le spécialiste des relations internationales. Au sein du "comité Nobel", il y a "quand même un certain dissensus, une certaine crainte de s'engager et d'emblématiser la paix à travers l'une des causes que représenterait et que porterait un éventuel lauréat".

Les droits de l'homme ou la liberté de la presse méritaient aussi un coup de projecteur

Néanmoins, pour Bertrand Badie, il y a des raisons qui expliquent pourquoi l'organisation Nihon Hidankyo, "hautement estimable mais pas tellement connue de l'opinion publique internationale", a été récompensée. "On reparle de plus en plus de l'usage de l'arme nucléaire car depuis la fin de la guerre froide on avait tendance à considérer que ce dossier n'était plus un dossier brûlant", avance-t-il. Or, "dans le conflit russo-ukrainien on ne cesse de reparler d'un éventuel usage de l'arme atomique". On en parle aussi avec "l'arme atomique dont dispose Israël" et "dont l'Iran prétend être le détenteur".

"C'est un message me semble-t-il envoyé" également "à l'opinion publique internationale en général et aux dirigeants de la planète pour dire que la question du nucléaire est loin d'être une question terminée ou dépassée avec la fin de la guerre froide. Mais qu'il est en train de rejaillir dans un contexte plus anarchique et donc moins contrôlable", ce "qui implique peut-être un effort de réflexion et de mobilisation", ajoute Bertrand Badie.

"Le prix Nobel sert à beaucoup de choses notamment à des prises de conscience, sortir des dossiers que, spontanément, on ne tient pas pour prioritaires."

Bertrand Badie, professeur émérite des universités à Sciences Po Paris

à franceinfo

Mais le spécialiste des relations internationales ressent "une certaine frustration par rapport à d'autres dossiers, comme les droits de l'homme, la liberté de la presse. On avait parlé notamment de Julien Assange (fondateur de Wikileaks) comme un lauréat possible", rappelle Bertrand Badie.

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