Attaque du Hezbollah contre Israël : le mouvement libanais "n'a aucun intérêt à une guerre totale", analyse le spécialiste Bertrand Badie
Le Hezbollah libanais a annoncé avoir lancé "une attaque d'envergure", des centaines de drones et roquettes contre des cibles militaires en Israël, en riposte à l'assassinat d'un de ses chefs.
"Le Hezbollah n'a aucun intérêt à une guerre totale, mais ne peut pas non plus laisser faire lorsque l'un de ses dirigeants est tué par l'armée israélienne", analyse Bertrand Badie, spécialiste des relations internationales et professeur émérite des universités à Sciences Po Paris, invité ce dimanche sur franceinfo. Selon lui, le mouvement libanais développe une "stratégie nouvelle", en alliance avec l'Iran, qui consiste à "entretenir une situation d'incertitude".
franceinfo : Les attaques du Hezbollah libanais font-elles craindre une escalade régionale du conflit avec Israël ?
Bertrand Badie : Le Hezbollah n'a aucun intérêt à une guerre totale. Le mouvement libanais aurait énormément à perdre dans un pays qu'il contrôle presque institutionnellement aujourd'hui. Le statu quo lui est favorable et, en même temps, le Hezbollah ne peut pas laisser faire lorsque l'un de ses dirigeants est tué, assassiné, par l'armée israélienne. On voit donc, depuis un certain temps, cette stratégie nouvelle qui est d'entretenir une situation d'incertitude.
Qu'est-ce que le Hezbollah a à y gagner ?
Il y a une forme d'inquiétude qui est palpable. En jouant de ce jeu, qui peut durer des semaines, le Hezbollah s'épargne le risque d'une confrontation militaire avec Israël qui pourrait être désastreuse pour lui et en même temps, il donne l'impression d'avoir la main sur cette situation. Il semble construire son jeu régional en harmonie avec d'autres partenaires de la région.
"C'est hautement rémunérateur pour le Hezbollah, qui donne l'impression d'être le maître du jeu. C'est lui qui décide quand faire monter la pression et l'attention ou pas. On ne sait pas à quel moment ni sous quelle forme cela peut intervenir."
Bertrand Badieà franceinfo
Il n'y a pas encore d'opération coordonnée entre l'Iran et le Hezbollah ?
Le fait que l'Iran ne soit pas partie prenante de l'attaque d'aujourd'hui ne signifie pas qu'il n'y a pas de concertation entre Téhéran et les leaders du mouvement chiite libanais. Surtout, on ne se situe pas sur le même plan. Ce que peut se permettre une organisation qui n'est pas un État, un État ne peut pas se le permettre. S'il y a une réaction iranienne elle sera d'une autre nature. Par ailleurs, il ne faut pas exagérer ce lien mécanique entre le Hezbollah et la République islamique d'Iran. Ils ont chacun leurs intérêts, ils ont chacun leur jeu, et ils ont même peut-être intérêt à dissocier leur jeu et le mode d'expression de leurs ripostes. Mais effectivement, ils ne peuvent pas rester impuissants et je pense que ce jeu de l'incertitude calculée est peut-être l'optimum de ce que peuvent faire ces différents acteurs de la scène régionale du Moyen-Orient.
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