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Des dizaines de milliers de Syriens ont manifesté vendredi contre le régime à travers tout le pays, y compris à Damas

Pour la première fois depuis le début de la contestation en Syrie à la mi-mars, des manifestations hostiles au régime de Bachar al Assad se sont déroulées à Damas.Elle se sont tenues malgré la libération de manifestants arrêtés et au lendemain de la formation d'un nouveau gouvernement chargé de mener des réformes.
Article rédigé par France2.fr avec AFP
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Manifestation de partisans du président Bachar Al Assad à Damas le 29 mars 2011 (AFP - LOUAI BESHARA)

Pour la première fois depuis le début de la contestation en Syrie à la mi-mars, des manifestations hostiles au régime de Bachar al Assad se sont déroulées à Damas.

Elle se sont tenues malgré la libération de manifestants arrêtés et au lendemain de la formation d'un nouveau gouvernement chargé de mener des réformes.

Aux cris de "Dieu, Syrie, liberté", les manifestants ont continué d'appeler à la démocratisation du régime du président Assad, au pouvoir depuis onze ans.

Dans la capitale, les forces de sécurité syriennes ont fait usage de bâtons et de grenades lacrymogènes pour empêcher des milliers de manifestants venus des faubourgs de marcher sur la place des Abbassides, la principale de Damas.

Selon un témoin qui accompagnait la foule venue des banlieues de la capitale, des milliers de manifestants ont scandé "Le peuple veut la chute du régime".
La foule a déchiré de nombreux portraits du président Assad placardés sur les murs.

A Deraa (sud du pays), jusqu'à présent l'épicentre de la contestation syrienne, "entre 2.500 et 3.000 personnes ont manifesté sur la place al-Saraya dans le centre, en scandant des slogans en faveur de la liberté et hostiles au régime", a affirmé un militant des droits de l'Homme sous couvert de l'anonymat, en référence à cette ville située à100 km au sud de Damas où a débuté la contestation. "Plutôt la mort que l'humiliation", scandaient selon lui les manifestants. D'autres sont "en train de venir des villages voisins", a-t-il dit. Les forces de sécurité n'étaient pas intervenues en milieu de journée.

A Qamishli, dans le nord-est du pays à majorité kurde, près de 5.000 personnes ont manifesté après la prière, a affirmé un autre militant des droits de l'Homme, Hassan Berro. Elles ont défilé à partir de la mosquée Qasmo en scandant des slogans de solidarité avec les personnes tuées pendant la répression de récentes manifestations à Deraa et Banias (nord-ouest). "De Qamishli au Haurane (région du sud), le peuple syrien ne se laissera pas humilier", ont-elles crié en brandissant des drapeaux syriens.

Dans trois autres localités kurdes, Raas al-Aïn, Amouda et Derbassiyé, on a compté 4.500 manifestants, selon M. Berro.

Selon des militants et des témoins, des centaines de personnes ont défilé à Banias aux cris du "peuple veut la liberté". A Homs (centre), quelques 4.000 autres scandaient "liberté, liberté", a indiqué le militant politique Najati Tayara. Les forces de sécurité sont intervenues au bout d'une heure pour les disperser à coups de matraques. Un policier a été tué, a rapporté l'agence officielle Sana: "Le policier a été tué lors d'une manifestation à Homs après la prière du vendredi. Il a été frappé avec des bâtons et des pierres". Le policier devait être inhumé samedi à Homs.

A Lattaquié, ville côtière où des violences meurtrières avaient éclaté fin mars, un millier de personnes se sont rassemblées dans le centre de la ville, selon un militant des droits de l'Homme.

Une cinquantaine de personnes ont manifesté à Barzé, près de Damas. Elles ont jeté des pierres sur les policiers avec lesquels elles en sont venus aux mains, selon Abdel-Karim Rihaoui, président de la Ligue syrienne des droits de l'Homme.

Les forces de l'ordre ont tiré du gaz lacrymogène pour disperser 2.000 manifestants à Jobar, au nord de Damas. "Les forces de l'ordre ont dispersé à Jobar à coups de bâtons et en tirant du gaz lacrymogène quelque 2.000 manifestants" contre le régime, a indiqué un militant des droits de l'Homme qui a requis l'anonymat. Les manifestants venaient des localités de Douma, Irbin et Harasta, proches de la capitale syrienne, a indiqué ce militant, affirmant que les affrontements se poursuivaient.

A Genève, plusieurs experts des droits de l'Homme de l'ONU ont appelé vendredi les autorités syriennes à "stopper immédiatement" la "répression brutale" contre des manifestants pacifiques, s'inquiétant d'une augmentation importante du nombre des victimes.

Formation d'un nouveau gouvernement
Ces nouvelles manifestations, auxquelles avaient appelé les contestataires sur Facebook, interviennent au lendemain de la formation d'un nouveau gouvernement. Ce cabinet dirigé par Adel Safar a pour tâche de mener un programme de réformes comprenant notamment la levée de la loi d'urgence, en vigueur depuis 1963, la libéralisation de la presse et l'instauration du pluralisme politique, autant de mesures réclamées par les manifestants.

Les titulaires des principaux ministères, notamment ceux de la Défense, des Affaires étrangères et du Pétrole restent inchangés. L'ancien gouvernement, dirigé depuis 2003 par Mohammad Naji Otri, avait démissionné le 29 mars.


Libération des personnes arrêtées

L'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH) a annoncé la libération jeudi et vendredi de "centaines" de personnes "arrêtées" lors de manifestations dans plusieurs villes du pays. L'OSDH fait notamment état de la libération du blogueur Ahmad Hadifa, "arrêté le 23 mars en raison de ses activités sur Facebook", et du poète Mohammad Mahmoud Dibo, arrêté le 19 mars près de Banias.

Jeudi soir, la télévision d'Etat avait annoncé que le président Bachar al-Assad avait décidé de libérer les personnes arrêtées, à l'exception de ceux qui ont commis des "actes criminels".

L'organisation Human Rights Watch (HRW) a accusé jeudi les services de sécurité syriens d'avoir torturé de nombreux manifestants parmi les centaines arrêtés depuis le début du mouvement de contestation. Selon Amnesty International, au moins 200 personnes ont été tuées dans la répression, la plupart par les forces de sécurité ou par des policiers en civil. Les autorités accusent des bandes "criminelles" ou "armée" d'être responsables des tirs qui ont tué des manifestants et des forces de l'ordre.

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