Guerre au Proche-Orient : trois questions sur le départ du ministre de la Défense israélien, Yoav Gallant, limogé par Benyamin Nétanyahou
Bouleversement au sein du gouvernement israélien. Le ministre de la Défense, Yoav Gallant, a été démis de ses fonctions mardi 5 novembre par Benyamin Nétanyahou, après des divergences sur la conduite de la guerre à Gaza par l'Etat hébreu.
Ce départ surprise engendre un jeu de chaises musicales. Yoav Gallant est remplacé par son homologue des Affaires étrangères, Israël Katz. Ce dernier laisse son poste à Gideon Saar, jusqu'alors ministre sans portefeuille. Franceinfo revient en trois questions sur la situation politique dans le pays et la vague de contestations que soulève ce changement.
Quelles sont les raisons de ce départ ?
Les désaccords entre Yoav Gallant, devenu général de l'armée israélienne en 2002, puis attaché militaire du Premier ministre Ariel Sharon, et Benyamin Nétanyahou étaient connus. "En pleine guerre, la confiance est plus que jamais requise entre le Premier ministre et son ministre de la Défense" mais "ces derniers mois, cette confiance s'est érodée", a ainsi affirmé le chef du gouvernement dans une lettre adressée à Yoav Gallant.
"Des différences importantes sont apparues (...) dans la conduite de la campagne [militaire], accompagnée de déclarations et d'actes qui contredisaient les décisions du gouvernement et du cabinet."
Benyamin Nétanyahou, Premier ministre israélienDans une lettre adressée à Yoav Gallant
Yoav Gallant a confirmé les dissensions lors d'un discours télévisé. Figure de proue de la guerre qu'Israël mène depuis septembre contre le Hezbollah au Liban voisin, il plaidait aussi pour une trêve avec le Hamas dans la bande de Gaza en vue d'obtenir la libération des otages enlevés lors de l'attaque du 7-Octobre. "Notre devoir moral et éthique est de ramener (...) ceux kidnappés par le Hamas. Nous devons le faire aussi vite que possible et tant qu'ils sont en vie", a-t-il déclaré. "Au regard des succès militaires depuis un an, j'assure que c'est possible. Il est possible de ramener les otages, mais cela inclut des compromis douloureux", a-t-il poursuivi.
Yoav Gallant a également évoqué un autre point de discorde : l'exemption de service militaire obligatoire dont bénéficiait une partie des hommes (environ 66 000) de la communauté juive ultra-orthodoxe jusqu'à une décision contraire de la Cour suprême, en juin. "Tout le monde doit servir dans l'armée et participer à la mission de défendre l'Etat, nous ne devons pas permettre le passage d'une loi corrompue et biaisée (...) qui exempterait des dizaines de milliers de citoyens de partager le fardeau", a justifié l'ancien ministre.
"Cette question n'est pas juste sociale, c'est la question la plus centrale de notre existence et de notre avenir", a-t-il insisté. Or un projet de loi doit être présenté au Parlement israélien pour graver dans le marbre ces exemptions, et ce, alors que les partis ultra-orthodoxes sont jusqu'ici des alliés clés de la coalition de droite de Benyamin Nétanyahou.
Qui remplace Yoav Gallant à la tête du ministère de la Défense ?
Benyamin Nétanyahou n'a pas tardé à trouver un remplaçant en la personne du ministre des Affaires étrangères, Israël Katz. Surnommé le "bulldozer" et siégeant au cabinet de sécurité, le député du Likoud "allie la responsabilité et les qualités de résolution des problèmes avec calme qui sont essentielles pour diriger cette campagne", a justifié le Premier ministre.
"Nous travaillerons ensemble pour mener le ministère de la Défense à la victoire contre l'ennemi et à atteindre les objectifs de la guerre : le retour des otages, la destruction du Hamas, la défaite du Hezbollah, l'endiguement de l'agression iranienne et le retour chez eux dans la sécurité des habitants du nord et du sud [d'Israël]", a assuré mardi le nouveau ministre de la Défense sur son compte X.
Dans un autre message, mercredi, il a également félicité Donald Trump pour sa victoire. Il assure qu'"ensemble, Israël et les Etats-Unis renforceront l'alliance américano-israélienne, ramèneront les otages et resteront fermes pour vaincre l'axe du mal dirigé par l'Iran".
Ce mouvement au sein du gouvernement permet à Gideon Saar d'être nommé ministre des Affaires étrangères d'Israël en remplacement d'Israël Katz. Ex-journaliste et avocat, l'ancien rival de Benyamin Nétanyahou au sein du Likoud a claqué la porte du parti en 2020, pour fonder le sien, Tikva Hadasha (Nouvel Espoir). Marqué plus à droite que le Premier ministre, il a notamment prôné une annexion des colonies israéliennes en Cisjordanie, territoire palestinien occupé par Israël depuis 1967. Les deux hommes ont officialisé leur réconciliation avec le retour en septembre de Gideon Saar au gouvernement à un poste de ministre sans portefeuille.
Quelles sont les réactions après ce départ ?
Si le ministre de la Sécurité intérieure, Itamar Ben Gvir, situé à l'extrême droite, a estimé que Benyamin Nétanyahou avait "bien fait" de s'en séparer, le président israélien, Isaac Herzog, a appelé à l'unité, dans un message sur X.
"La dernière chose dont l'Etat d'Israël a besoin en ce moment est un bouleversement et une rupture en plein milieu de la guerre."
Isaac Herzog, président d'Israëlsur le réseau X
Les Israéliens ne l'ont pas forcément entendu puisque des milliers d'entre eux se sont rassemblés à Tel-Aviv, mardi soir, pour protester contre le limogeage de Yoav Gallant. Quarante personnes ont été arrêtées au cours de cette manifestation, a déclaré la police, rapporte le site du quotidien Haaretz. Le Forum des familles, principale association des proches d'otages, s'est dit "profondément inquiet" de l'éviction de Yoav Gallant, appelant Israël Katz à "donner la priorité" à un accord pour la libération des captifs à Gaza.
Dans les institutions, des voix aussi s'élèvent contre ce départ. La Cour suprême a ordonné au gouvernement de répondre à un appel demandant au tribunal d'annuler le limogeage du ministre de la Défense Yoav Gallant, assure Haaretz. Une réponse est attendue d'ici à jeudi.
A l'étranger, les Etats-Unis ont reconnu que Yoav Gallant était un "partenaire important sur tous les sujets liés à la défense d'Israël". Mais ce départ ne devrait pas remettre en cause les relations entre les deux pays. Un porte-parole du département d'Etat a assuré que Washington "continuera à travailler avec le prochain ministre de la Défense israélien".
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