Reportage "Israël ne veut pas que nous puissions porter secours aux personnes" : au Liban, les ambulances sont prises pour cibles

Les frappes se multiplient contre les secouristes, plus de 150 d'entre eux auraient déjà péri.
Article rédigé par franceinfo - Arthur Sarradin
Radio France
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Temps de lecture : 3min
Une ambulance traverse le village de Kfar Tibnit, dans le sud du Liban, après une frappe aérienne israélienne, le 14 octobre 2024. (ABBAS FAKIH / AFP)

Au Liban, la guerre progresse et le bilan s'alourdit. Pour porter secours aux milliers de blessés du conflit, le pays en faillite ne peut compter que sur les secouristes de la Défense civile libanaise. Des paramédicaux souvent directement visés par l’armée israélienne lors d'opérations de sauvetage. Une situation que dénoncent les autorités libanaises et de nombreuses ONG comme Human Rights Watch. 

Mohammad Araqdan est le chef de La Défense civile de Saida, dans le sud du Liban. Près de la voie rapide, lui et ses hommes, l’air épuisé, passent leur journée à moins d’un mètre de leurs ambulances. "Dans ces registres, on a l’historique de toutes nos opérations et de ceux qu’on a secouru", explique le secouriste. La page du jour du petit carnet est déjà remplie.

Derrière les hommes, une ambulance vient d’être ramenée sur le bas-côté. La carrosserie est entièrement froissée, et les vitres brisées. "Un de nos gars rejoignait des camarades partis éteindre un feu. Sur la route, il a été ciblé, il n’y avait rien tout autour, et le missile est tombé à côté de lui, puis il a eu un accident. Israël ne veut pas que nous puissions porter secours aux personnes, qu’on aille sortir les vivants des décombres", assure Mohammad Araqdan. Le sauveteur en question a survécu. Mais depuis le début de la guerre, ils seraient plus de 160 secouristes tués en opération. 

"Ils détruisent tout sur leur passage"

Dans la région de Sarafand, des ambulanciers opèrent dans le silence d’un décor pesant, où, ici et là, des maisons entières ont été détruites. À l’hôpital Alaeddine, des ambulances viennent de ramener Reda, un sexagénaire sous le choc après avoir vu mourir son frère et sa famille dans le bombardement d’un village voisin : "Son fils avait 5 ans, ce n’est pas normal… Ils tuent nos enfants, détruisent tout ce qui se trouve sur leur passage."

Les avions israéliens survolent encore la zone. Dans la plupart des hôpitaux, des hommes de la Défense civile s’entassent sur des matelas, au rez-de-chaussée, prêt à partir à n’importe quel moment du jour et de la nuit. Ce soir-là, Ali montre sur son téléphone la frappe qui a failli le tuer lors d’une opération de secours. Son chef Bassam est là, il a vu un de ses hommes mourir il y a quelques jours lors d'un sauvetage. "Ils étaient partis sauver des femmes et leurs enfants sous des décombres, raconte-t-il. Regardez nos ambulances, que voyez-vous ? Des brancards, des gants, des bandages…. Et c’est tout."

"Jamais personne n’a su avancer la preuve qu’on transportait autre chose, parce qu’en réalité il n’y a rien d’autre que du matériel médical."

Bassam, à la tête d'une équipe de secouristes libanais

à franceinfo

Alors que les frappes se multiplient contre les paramédicaux, 55 hôpitaux auraient également été endommagés ou mis hors service par des bombardements israéliens. Une escalade que les autorités libanaises n'hésitent pas à qualifier de crimes de guerre.

Les ambulanciers pris pour cibles au Liban : reportage d'Arthur Sarradin

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