Reportage "Nous sommes la génération Nasrallah" : dans le sud du Liban, les derniers habitants de Tyr refusent de quitter leur ville sous la menace israélienne

La ville de Tyr, à une trentaine de kilomètres de la frontière israélienne, est ciblée par l'armée israélienne depuis quelques jours.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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La ville de Tyr au sud du Liban, 30 septembre 2024. (KAWNAT HAJU / AFP)

Le sud du Liban est sous la menace des forces israéliennes depuis le début de l’offensive terrestre, il y a trois jours. Les chars ont fait, mercredi 2 octobre, une brève incursion en territoire libanais à la frontière, non loin de la ville de Tyr, dont les habitants ont presque tous quitté la ville. Tyr, dont les habitants, ont presque tous quitté la ville à l’exception de quelques centaines de personnes, qui refusent toujours d’abandonner leur ville.

Tyr, c’est la dernière grande ville du sud à 30 km environ de la frontière avec Israël. C’est une station balnéaire, très appréciée des Libanais, bordée par la Méditerranée et qui comptait jusqu’à 40 000 habitants. Mais il y a 10 jours, quand les premiers bombardements israéliens ont ciblé le centre-ville, la peur a fait fuir presque toutes les familles.

"Il y a eu une frappe juste à côté"

À l’exception de quelques habitants comme Rabiah. Il est père de trois enfants. Il tient un minuscule café sur la plage depuis 15 ans : "Je me souviens, on buvait le café à la nuit tombée, puis il y a eu une frappe juste à côté, mon fils m’a dit : 'Demain, on va à Beyrouth.' Je l’ai pris dans mes bras, je l’ai regardé et je lui ai dit qu’il fallait qu’il parte avec la famille..."

"Moi je reste ici parce que c’est ma ville et je préfère mourir ici. Ne jamais la laisse tomber."

Rabiah

à franceinfo

Désormais, Rabiah est seul. Il a préféré quitter sa maison et il dort toutes les nuits dans son café, face à la mer. Il y a aussi des hommes déterminés à résister face à l’incursion israélienne.

"On est nés avec la résistance"

Tyr est connue pour être un des bastions du Hezbollah. On ne croise pas de combattants dans les rues mais on croise leurs soutiens. Comme ce trentenaire, il s’appelle Hassan, torse nu et tatoué. Il tient à s’adresser directement au Premier ministre israélien : "Je voudrais dire à Netanyahou qu’en 2006, lors de la précédente guerre, nous n’avons pas quitté notre ville. Et là non plus on ne fuira pas, on restera dans le Sud, à Tyr. Je veux redire aussi à Netanyahou qu’on est avec le Hezbollah, qu’on restera avec le Hezbollah et qu’on se sacrifiera pour lui… On est nés avec la résistance, nous sommes la génération Nasrallah, on est prêt à mourir pour ses idées."

"Ces roquettes là qu’on entend c’est en l’honneur de Nasrallah."

Hassan

à franceinfo

Au loin, en effet, à quelques kilomètres, on entend une dizaine de roquettes tirées depuis les environs de Tyr. Au même moment, on apprend que les premiers chars israéliens ont fait une brève incursion à la frontière. Ces combats continuent de faire des victimes. L’hôpital de Tyr est un hôpital vétuste d’une centaine de lits à peine qui accueille chaque jour entre 15 et 20 blessés depuis les villages plus au sud.

"Je n'en peux plus de cette guerre"

Au 2e étage, il y a une fillette de neuf ans qui a été admise il y a deux jours. Maryam a la jambe gauche fracturée : "On rentrait à la maison avec mes frères et sœurs, je me faisais une tartine, je mangeais dehors. Et puis il y a eu une grande frappe. Toute la maison s’est effondrée sur moi. J’ai eu très peur, les pierres me sont tombées dessus. Quand je serai guérie, on ira à Beyrouth. Je veux que la guerre s’arrête pour qu’on puisse revenir chez nous. Je n'en peux plus de cette guerre."

Il y a deux jours, une autre frappe a touché la ville sur un immeuble totalement déserté. À une centaine de mètres seulement de l’hôpital. Des médecins racontent que des blocs de béton sont arrivés jusqu’à l’entrée des urgences. Des médecins qui ne sont plus qu’une quinzaine dans la ville de Tyr. Ils restent, disent-ils, parce que c’est leur devoir moral et parce que c’est leur ville.

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