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"Hollande a envoyé des signaux positifs à Israël"

Benyamin Netanyahu a entamé une visite de deux jours en France, mercredi 31 octobre. Elle est marquée par un déplacement à Toulouse, dans l'école où Mohamed Merah a tué un enseignant et trois enfants en mars. Décryptage des relations entre Israël et la France. 

Article rédigé par Fabien Magnenou - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, en visite en France mercredi 31 octobre et jeudi 1er novembre 2012, rencontre le président français. C'est sa première visite depuis l'élection de François Hollande. (MARTIN BUREAU / AFP)

PROCHE-ORIENT – Deux jours pour aborder de grands dossiers. Le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, effectue sa première visite en France depuis l'élection de François Hollande, mercredi 31 et jeudi 1er novembre.

Temps fort de ce séjour, un déplacement jeudi à Toulouse (Haute-Garonne), où une cérémonie d'hommage est rendue à l'enseignant et aux trois enfants juifs de l'école Ohr Torah (anciennement Ozar Hatorah), tués le 19 mars par Mohamed Merah.

Enseignant à l'ESG Management School de Paris, Frédéric Encel a notamment écrit un Atlas géopolitique d'Israël en 2012 (éditions Autrement). Il dresse pour francetv info les enjeux de cette rencontre. 

Francetv info : Pourquoi Benyamin Netanyahu vient-il en France ?

Frédéric Encel : Les Etats-Unis sont les alliés principaux d’Israël, mais les Israéliens sont également attentifs à la position de l’Europe et notamment des grandes puissances : Grande-Bretagne, Allemagne, France. Pour le gouvernement de Benyamin Netanyahu, il est important de jauger comment François Hollande se positionne par rapport à Nicolas Sarkozy. Sous le mandat de ce dernier, la France a en effet réorienté sa politique, auparavant pro-arabe.

Je n’irai pas jusqu’à parler de prétexte, mais la raison qui permet à Benyamin Netanyahu de venir en France dans des bonnes conditions, c’est l’affaire Merah.

Les relations entre la France et Israël sont-elles au beau fixe ?

Oui, sans conteste. Je lis la presse israélienne, j’écoute les hommes politiques… Le gouvernement français n’a pas été stigmatisé dans le pays depuis l'élection de François Hollande. Ce dernier a d'ailleurs envoyé des signaux positifs à l'égard d'Israël. Le jour de la commémoration du Vél’ d’Hiv, en juillet, il a reconnu la responsabilité de ce crime "commis en France, par la France", ce qui a été très bien perçu. La visite de l'école de Toulouse conforte encore ces relations entre les deux pays.

J'ajoute que les relations économiques entre les deux pays représentent un volume de plusieurs milliards de dollars d'échanges, y compris sur du matériel stratégique, comme les drones.

Mais ce réchauffement a commencé bien avant... 

Sous Nicolas Sarkozy. Les visites d’officiels israéliens ont décuplé après son élection ! Y compris dans des ministères sans lien évident avec les affaires étrangères. Rappelez-vous de Rachida Dati [qui s'est rendue en Israël en septembre 2008 alors qu'elle était ministre].

Pour la première fois, un canal a été ouvert entre les services de renseignement des deux pays. Cela n'existait pas avant. On peut parler de chaleur et d'amitié dans les relations entre les deux pays. 

François Hollande se distingue-t-il de Nicolas Sarkozy sur le dossier palestinien ?  

En 2008, Nicolas Sarkozy a prononcé un discours en faveur de la reconnaissance d'un Etat palestinien au Parlement israélien, la Knesset.

C'est également une promesse du candidat François Hollande, la proposition 59 pour être précis : "Je prendrai des initiatives pour favoriser, par de nouvelles négociations, la paix et la sécurité entre Israël et la Palestine. Je soutiendrai la reconnaissance internationale de l’État palestinien." Mais attention, François Hollande précisait bien qu'Israël avait le droit de disposer de ses terres. 

Et depuis ?  

Pour l'instant, c’est pratiquement le silence depuis l'élection. Il y a eu le premier grand entretien du ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, dans Le Monde, marqué par une très grande prudence sur le dossier israélo-palestinien, avec des phrases très générales. C'est l'inverse du dossier syrien, où la position de la France est très ferme.

Je rappelle que les négociations sont toujours bloquées entre Israël et la Palestine. Dans ces cas-là, les Etats européens font en principe sentir leur mauvaise humeur. En 2001, par exemple, le ministre socialiste des Affaires étrangères, Hubert Védrine, a souhaité suspendre les relations avec Israël [Il avait annulé une visite en septembre]. Cette fois, ce n’est pas le cas.

Qu'attend Israël de la France sur ce dossier ?

La Palestine a de nouveau déposé une demande d'adhésion à l'ONU comme "Etat observateur non-membre", qui doit être examinée en novembre. Je pense donc que l'un des grands enjeux pour Benyamin Netanyahu sera de convaincre François Hollande de voter contre cette adhésion, ou, de façon plus réaliste, de s'abstenir. Cela suffirait aux Israéliens. 

Et sur les autres grands dossiers comme la Syrie ou l'Iran ?

Au sujet de son grand ennemi l'Iran, Israël n'a pas eu grand-chose à redire sur la politique menée par Nicolas Sarkozy. L’ancien président était un fer de lance des sanctions contre ce pays et a même devancé Barack Obama. De ce point de vue-là, François Hollande suit la même politique, avec un embargo très dur. La France a pré-positionné des rafales aux Emirats arabes unis.

En revanche sur la Syrie, Benyamin Netanyahu va certainement demander à la France de maintenir sa position et de ne pas intervenir. La guerre civile syrienne affaiblit son voisin le plus hostile.

La position de la France a-t-elle réellement une importance en Israël ?  

Les relations avec la France sont encore très suivies dans le pays. Il y a par exemple un million de juifs d’origine marocaine en Israël, qui sont pour la plupart francophones.

Bien sûr, ce sont les Etats-Unis qui comptent avant tout. Mais cet intérêt d'Israël pour la France existe depuis longtemps. C'était un allié stratégique dans les années 50, avant la grande désillusion dans les années 70 et 80, lors du virage de la France vers une politique jugée ultra-arabe en Israël.

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