"A Gaza, il n'y a plus aucun endroit sûr, la population est prise au piège"
Après les tirs meurtriers de l'armée israélienne sur une école d'une agence de l'ONU à Gaza, humanitaires et journalistes témoignent auprès de francetv info de l'impossibilité pour les Gazaouis de se protéger des frappes.
"Le seul conflit au monde où les personnes n'ont même pas la possibilité de fuir", disait en 2009 le Haut Commissaire des Nations unies pour les réfugiés à propos de Gaza. Enclave, confetti... la bande de Gaza représente un minuscule territoire palestinien pris en étau. Toutes ses frontières sont fermées : au nord et à l'est par Israël et au sud par l'Egypte. La mer Méditerranée borde sa frontière à l'ouest.
Depuis le 8 juillet, début de l'offensive israélienne dans la bande de Gaza, le bilan se porte à au moins 1 118 morts, parmi lesquels au moins 827 civils dont 243 enfants, selon des chiffres publiés mardi 29 juillet par le bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU. Comment expliquer un tel nombre de victimes civiles ? L'armée israélienne accuse le Hamas d'utiliser la population de la bande de Gaza comme "bouclier humain". Humanitaires et journalistes présents sur place pointent également l'impossibilité pour les Gazaouis de se protéger des frappes.
"Partir oui, mais pour aller où ?"
"Les habitants de la bande de Gaza se disent : 'Partir oui, mais pour aller où ?'", témoigne auprès de francetv info un journaliste présent à Gaza du 10 au 25 juillet. "Même les écoles de l'ONU qui servent de camps réfugiés sont visées. Il n'y a pas de sanctuaire, de zone neutre", dit-il. Mercredi 30, l'Agence de l'ONU pour l'aide aux réfugiés palestiniens (UNRWA) a accusé l'armée israélienne de "grave violation du droit international" après un tir qui a tué 16 Palestiniens dans une de ses écoles de la bande de Gaza. L'UNRWA dit avoir atteint "un point de rupture" : "C'est la sixième fois que l'une de nos écoles est frappée", a déploré son chef.
Les 82 écoles gérées par l'UNRWA dans la bande de Gaza abritent plus de 200 000 habitants, réfugiés à la suite des appels répétés de l'armée israélienne à évacuer des quartiers entiers (SMS, appels téléphoniques, lâcher de tracts). "Si Tsahal demande d'évacuer une zone, on sait qu'elle va être particulièrement touchée par les frappes", explique à francetv info Michèle Beck, référente médicale de Médecins sans frontières (MSF) à Gaza. "Mais ce n'est pas parce que vous évacuez cette zone que vous allez vous retrouver à l'abri. Il n'y a pas d'abris. Les écoles, les hôpitaux... il n'y a plus aucun endroit sûr. Les Gazaouis n'ont donc pas de solutions, ils sont pris au piège." Elle décrit des rues vides "la plupart du temps". "Dès que les gens sentent que les frappes se calment, ils sortent pour acheter de quoi manger. Ce qui provoque des files d'attente de plusieurs heures."
"Tout le monde est pris pour cible"
"La situation est désastreuse, tout le monde est pris pour cible", confirme Arwa Mhanna, de l'ONG Oxfam. "Le drapeau de l'ONU ne sert pas de bouclier contre les bombardements de l'armée israélienne", explique-t-elle à francetv info. Et "quand les gens partent de chez eux, ils ne partent pas loin", raconte le journaliste envoyé spécial à Gaza. "Bien souvent, ils quittent leurs immeubles et leur quartier pour aller dans un centre de l'ONU qui se trouve près de leur quartier. Mais cela n'a rien de surprenant étant donné la taille de la bande de Gaza et sa densité de population. Sur une petite bande de terre, il n'y a nulle part où aller." "C'est un territoire chétif et exigu [362 km2], qui s'étend sur à peine 45 km de long et 10 km de large, et sur lequel s'entassent près de 1,8 million d'habitants, produisant l'une des densités humaines les plus élevées du monde", écrit Le Monde dans son édition du 27 juillet.
Pour les travailleurs humanitaires, la situation s'est dégradée ces derniers jours avec l'intensification des frappes israéliennes. Depuis le bombardement de la seule centrale électrique de la bande de Gaza, les coupures d'électricté sont fréquentes, l'eau manque à certains endroits... MSF décrit une "situation catastrophique". "Sans parler des morts, il y a eu tellement de blessés que les hôpitaux ont utilisé énormément de matériel", explique la référente médicale de l'ONG. Elle pointe un risque de pénurie du matériel de première nécessité des hôpitaux : "Des compresses, des gants, des aiguilles, des cathéters..." Arwa Mhanna, d'Oxfam estime que le "cessez-le-feu immédiat devient vraiment urgent". "Nous nous retrouvons sans sécurité. On ne peut pas bouger, ni même coordonner des actions pour les personnes déplacées."
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.