Conflit Hamas-Israël : "La catastrophe ne fait qu'empirer de jour en jour" dans la bande de Gaza, s'alarme Médecins sans frontières

"Notre chirurgien nous disait qu'il avait l'impression d'être revenu à la Première Guerre mondiale", rapporte Léo Cans, chef de mission de Médecins sans frontières (MSF) dans les territoires palestiniens, interrogé jeudi 21 décembre sur franceinfo.
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Des habitants palestiniens parmi les décombres causés par des bombardements israéliens, le 20 décembre 2023, à Rafah, au sud de la bande de Gaza. (SAID KHATIB / AFP)

"La catastrophe ne fait que s'empirer de jour en jour", s'est alarmé jeudi 21 décembre sur franceinfo Léo Cans, chef de mission de Médecins sans frontières (MSF) dans les territoires palestiniens, alors que des négociations sont en cours pour une nouvelle trêve humanitaire dans la bande de Gaza.

"Ce qui pour nous est inacceptable, c'est que l’on conditionne encore une fois l'aide humanitaire à ces négociations. L'aide humanitaire devrait être totalement décorrélée des négociations militaires qui ont lieu", a-t-il expliqué. Léo Cans a témoigné de la situation "totalement horrible" dans les hôpitaux de la bande de Gaza dans lesquels tentent de travailler les équipes médicales.

franceinfo : Quelle est la situation humanitaire dans la bande de Gaza ?

Léo Cans : Depuis le début, la catastrophe ne fait que s'empirer de jour en jour, aussi bien dans les hôpitaux dans lesquels on travaille dans le centre de la bande de Gaza et dans le sud, qu'au niveau général de la population. La population s'est attaquée à des camions pour prendre la nourriture qu'ils avaient dessus parce qu'ils n'ont plus rien à manger et que les prix sont tellement élevés que les familles n'ont plus de quoi se payer de la nourriture. C'est effectivement catastrophique.

Les camions de denrées et de matériels médicaux qui traversent la porte de Rafah ne suffisent pas ?

L'aide humanitaire n'est jamais rentrée en quantité suffisante depuis le début de la guerre. On est en train de parler de pause humanitaire, de trêves temporaires. Ce qui est pour nous inacceptable, c'est que l'on conditionne encore une fois l'aide humanitaire à ces négociations. L'aide humanitaire devrait être totalement décorrélée des négociations militaires qui ont lieu. Il n'y a aucune justification pour refuser de faire entrer des médicaments, pour refuser de faire rentrer de l'eau et de la nourriture à Gaza. C'est vraiment ça que nous dénonçons.

Est-ce qu'il y a encore des hôpitaux en état d'accueillir des blessés et des malades dans la bande de Gaza ?

On travaille dans trois hôpitaux dans la bande de Gaza. J'étais encore au téléphone avec les médecins jeudi matin. Les témoignages qu'ils font dans ces hôpitaux sont catastrophiques. C'est totalement horrible. Notre chirurgien nous disait qu'il avait l'impression d'être revenu à la Première Guerre mondiale. On fait des opérations sans anesthésie. Il y a deux jours, on a eu une petite fille qui a été amputée d'une jambe suite à un bombardement. Il y a eu un tir israélien sur l'hôpital de Nasser et elle est morte. Une petite fille qui a été blessée dans un bombardement qui est à l'hôpital. On lui ampute sa jambe, elle est en train de se remettre et elle est retouchée encore une fois par un tir israélien. Elle décède dans l'hôpital. Ce ne sont que des histoires comme ça, de civils, de femmes, d'enfants principalement, qui sont dans nos hôpitaux et qui sont morts. Il y a des gens qui meurent, pas forcément dans les premières heures des bombardements et parfois une semaine, dix jours après, dans des souffrances atroces.

Il n'y a plus aucune zone de sécurité à Gaza ?

Même à Rafah qui est censée être la zone de sécurité, il y a encore des bombardements. On est en train d'entasser les deux millions de personnes qui sont dans la bande de Gaza, sur une toute petite partie du sud de la bande de Gaza. Les routes sont déjà complètement bloquées. Nos équipes ont du mal à traverser avec les voitures dans beaucoup d'artères de Rafah. La densité de la population est telle que l'infrastructure n'est pas adaptée, notamment les infrastructures de santé. Il n'y a plus de lits nécessaires pour les gens, mais tout le reste ne suit pas, que ce soit pour la nourriture, pour l'eau, pour les habitations. Vous ne pouvez pas prendre deux millions de personnes et les entasser sur un dixième de la bande de Gaza.

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