Guerre entre Israël et le Hamas : "Benyamin Nétanyahou est responsable de ce que nous voyons aujourd'hui", dénonce un leader politique palestinien
Mustafa Barghouti est un médecin et un militant palestinien. Il a lancé l’Initiative Nationale Palestinienne, un parti politique qui se présente comme une alternative au Fatah et au Hamas. Contrairement à la plupart des factions politiques palestiniennes, l’INP n’a pas d’aile armée et pratique la résistance pacifique à l’occupation. franceinfo l'a rencontré en Cisjordanie.
franceinfo : Pensez-vous vraiment que l'armée israélienne peut gagner cette guerre ?
Mustafa Barghouti : A mon avis, ils n'obtiendront rien en tuant davantage de Palestiniens et ils ne feront que mettre de plus en plus de Palestiniens, en particulier de jeunes Palestiniens, en colère et désireux également de combattre l'occupation. Le seul moyen de s'en sortir n'est pas la force militaire. Einstein a dit que la folie est de continuer à répéter la même chose et d'attendre des résultats différents. Il s'agit de la sixième guerre menée par Israël contre Gaza. Combien de guerres ont-ils mené contre le peuple palestinien ? Douze guerres jusqu’à maintenant. Combien d'autres faudra-t-il encore ? La seule façon de s'en sortir est d'accepter le droit du peuple palestinien à l'autodétermination et à l'indépendance. Le chemin le plus court consiste à expulser les colons israéliens illégaux de la Cisjordanie occupée, à permettre aux Palestiniens d'avoir leur propre État. Nous n’abandonnerons jamais.
Craignez-vous une troisième intifada en Cisjordanie ?
Il y a déjà une intifada de faible intensité. Que signifie intifada ? Les gens parlent d'intifada en la comparant à la première et à la deuxième intifada. Je pense qu’il y a déjà une intifada avant que cette guerre ne commence à Gaza. Beaucoup de gens pensent malheureusement que l'histoire a commencé le 7 octobre, mais ils ne voient pas qu'au cours des huit derniers mois, avant le 7 octobre, Israël avait tué 248 Palestiniens en Cisjordanie. Pendant ces huit mois, Israël a continué d'attaquer la mosquée d'Al Aqsa. Pendant ces huit mois, les extrémistes israéliens ont continué à attaquer des religieux chrétiens et des personnes venues prier dans les églises de Jérusalem. Le message était le suivant : nous allons normaliser [nos rapports/relations] avec tous les pays arabes. Nétanyahou nous a donc dit : "Votre cause est terminée, je vais normaliser avec l'Arabie saoudite, c'est la fin de la cause du peuple palestinien". Alors, pourquoi les Palestiniens ne résisteraient-ils pas ?
Comment peut-on encore croire aux négociations de paix après ce qui s'est passé le 7 octobre ?
Parce qu’il n'y a pas d'autres alternatives à cela. Lorsque des négociations ont lieu pour la paix, cela se passe entre ennemis. Ça n'arrive pas entre amis. Je pense néanmoins que s'il y a un criminel de guerre ici qui devrait être traduit en justice, c'est bien Nétanyahou, non seulement à cause des atrocités qu'il commet actuellement contre les Palestiniens, mais aussi parce qu'il est personnellement responsable de l'échec du processus de paix. Cet homme a écrit un livre, en 1994, contre les accords d'Oslo, contre l'accord de paix entre Palestiniens et Israéliens et contre la création d'un État palestinien. Il a monté l'opinion publique israélienne contre Yitzhak Rabin, qui a signé les accords d'Oslo. Cet homme est donc responsable de la mort d'Yitzhak Rabin. Et il a veillé à ce qu'aucun processus de paix n'ait lieu. Depuis 2014, il est au gouvernement la plupart du temps et depuis 2014, il n'a autorisé aucune rencontre avec les dirigeants palestiniens, aucune négociation de quelque nature que ce soit. Il est donc responsable de ce que nous voyons aujourd'hui.
La solution à deux États est-elle toujours viable à votre avis ?
J'ai écrit un article dans le journal britannique The Guardian le 15 mai dernier dans lequel je disais que les Israéliens l'avaient déjà tuée. Mais je vous le dis, après ce qui s'est passé et sachant qu'il est si difficile aujourd'hui de convaincre les gens de vivre ensemble dans un seul État : oui, cela serait possible à la condition qu'Israël soit prêt à expulser tous les colons de la Cisjordanie occupée. C'est ce que nous avons demandé, il y a 50 ans, il y a 60 ans. Ils ne veulent pas d'un seul État. Ils ne veulent pas deux États.
Que veulent-ils avec un gouvernement où il y a des personnes comme Itamar Ben Gvir (ministre de la Sécurité nationale), Bezalel Smotrich (ministre des Finances) qui sont tous deux des colons ? M. Smotrich n'hésite pas à se qualifier d'homophobe fasciste. Il affirme que nous devrions remplir les colonies de Cisjordanie afin que les Palestiniens perdent tout espoir d'avoir leur propre État. Les Palestiniens auront alors l'une des options suivantes : immigrer, ce qui implique un nettoyage ethnique, ou accepter une vie d'asservissement aux Israéliens, ce qui signifie l'apartheid ou mourir.
Qu'est-ce que les Israéliens veulent que nous fassions ? Vivre dans des ghettos et continuer à nous pousser hors de Palestine ? En 1948, 70 % des Palestiniens ont été expulsés. Aucun réfugié n'a été autorisé à revenir, bien que les Nations unies aient conditionné leur reconnaissance d'Israël en tant qu'État à l'application de la résolution 9194 du Conseil des Nations unies, qui stipulait que tous les réfugiés devaient être autorisés à revenir. Ont-ils autorisé ceux qui ont été expulsés d'ici en 1967 à revenir ? Jamais.
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