Reportage Dans le village chrétien de Rmeich, dans le sud du Liban, les habitants restent malgré la guerre entre Israël et le Hezbollah

Près de la frontière avec Israël, 5 000 habitants du village de Rmeich sont pris en étau entre les roquettes de la milice chiite et les missiles de l’État Hébreu. Dans ce village à majorité chrétienne, une communauté de quelques religieuses assure une présence auprès des habitants.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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La colline qui ceinture le village chrétien de Rmeich est constamment bombardée, octobre 2024. (SEBASTIEN SABIRON / RADIO FRANCE)

Sur des dizaines de kilomètres, il y a des bâtiments détruits par les bombardements, des commerces évacués précipitamment, des chevaux errants sur la route et pas une âme qui vivre jusqu'à Rmeich, dans le sud du Liban. Dans ce village chrétien, des habitants ont choisi de rester sur place et de faire face malgré les bombes d'Israël et les pressions du Hezbollah. Large sourire et bras ouverts, la sœur Maya nous accueille devant le monastère Notre Dame de l'annonciation. "Je pense que seulement les fous viennent chez nous parce que c'est très dangereux", déclare la religieuse.

Car les collines qui ceinturent le village sont le théâtre d'incessants combats, parfois rapprochés, entre les miliciens du Hezbollah et l'armée israélienne, "et nous nous sommes au milieu", explique sœur Maya. "Il n'y a aucune garantie de ne pas être bombardée directement. Nous sommes déconnectés depuis deux à trois jours. Il n'y a aucun hôpital chez nous. S'il y a des blessés, on ne peut pas appeler la Croix-Rouge. Alors, qui vous protège ?", demande-t-elle.

"Nous sommes avec le Liban, ni avec les Israéliens, ni avec le Hezbollah"

L'armée libanaise s'est retirée, laissant 5 000 habitants très majoritairement chrétiens embastillés dans cette vallée où il n'y a pas d'internet, pas de biens de première nécessité et à la merci des rares convois humanitaires. "Depuis un an, l'armée est absente, affirme Vincent Gelot, responsable au Liban de l'ONG chrétienne L'œuvre d'Orient. Ce sont les villageois eux-mêmes qui ont protégé les villages, pour empêcher les miliciens du Hezbollah de rentrer dans les villages pour tirer leurs missiles depuis les toits des maisons. On est vraiment dans le cas de gens qui n'ont pas pris parti dans la guerre, qui veulent rester ici."

Le Hezbollah les accuse pourtant de collaboration avec Israël. Une volonté délibérée de semer la discorde, estime sœur Bernadette : "Nous avons peur des miliciens parce que pour eux, les chrétiens sont pro-Israël. C'est pourquoi maintenant, les régions chrétiennes n'ont pas peur d'Israël. Ils ont peur des réactions des chiites. Nous sommes avec le Liban, ni avec les Israéliens, ni avec le Hezbollah."

Nagib Amil, le curé de Rmeich exorte les habitants du village à rester, octobre 2024. (GILLES GALLINARO / RADIO FRANCE)

Figure d'autorité très écoutée par les chrétiens, le père Nagib, curé de Rmeich, exhorte ses paroissiens à ne pas quitter leur terre. "Rien ne m'inquiète, sauf si le gouvernement libanais nous laisse [tomber]", explique le père Naguib qui confie sa crainte d'être envahis par "peut-être les Israéliens, peut-être le Hezbollah." Ne pas déserter, garder la tête froide malgré les tirs croisés : un enjeu central pour ce village d'irréductibles déjà plusieurs fois déplacés par le passé.

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