Des civils quittent Baghouz, dernier réduit du "califat" : "Si tu es passée par ici, tu es sur la liste noire pour le reste de ta vie"
40 000 personnes, des femmes, des enfants mais aussi des membres du groupe Etat islamique, sont sorties de Baghouz depuis décembre. Ce secteur est le dernier territoire contrôlé par les jihadistes, face à l'offensive des forces arabo-kurdes.
Sur le bord d’un plateau taillé dans un paysage de steppes, on voit approcher au loin des ombres noires qui accrochent le regard des combattants positionnés sur cet arrière-front, dans le secteur de Baghouz, dans l'est de la Syrie. Un groupe d’hommes est en train de se rendre. Ils sont considérés par le commandant arabe du secteur, Mustafa Manbij, comme des membres du groupe Etat islamique. "La majorité des hommes font partie de Daech, affirme Mustafa Manbij. Pour beaucoup ce sont des étrangers. Ils sont venus d'Irak, d'Europe, de Russie, du Tadjikistan, du Turkménistan et de Turquie."
Mi-février, le périmètre tenu par des jihadistes est maintenant réduit à moins de 5 000 mètres carrés. Environ 40 000 personnes - des membres de l'Etat islamique, des femmes et des proches - sont déjà sorties de l’enclave depuis décembre, mais il reste des civils. Le flux s’est tari ces derniers jours. L’alliance arabo-kurde dit vouloir limiter les pertes : elle a mis en place un corridor pour permettre la fuite.
Les femmes envoyées en éclaireur
Avant d’apparaître à l’horizon, ces hommes ont testé le terrain en envoyant les femmes en éclaireur, explique Laurens, combattant du nord du pays, assis devant l’un des nombreux fortins aux murs de terre. "Des fois, la femme et ses enfants arrivent en premier. Elle nous donne le numéro de son mari qui est resté en retrait, on l'appelle et on lui explique qu'il ne risque rien, qu'on n'est pas des barbares, qu'il ne faut pas qu'il croit tout ce qu'on leur a dit sous Daech".
Les conditions de vie dans Baghouz paraissent intenables. Pour autant, certaines femmes préfèrent rester, comme l'explique cette Soudanaise dont les amies lui ont déconseillé de prendre la route. "Quand j'ai dit à mes amies que je voulais partir, elles ont dit : 'Pourquoi ? Reste ici, on est ensemble, on se soutient les unes les autres'. J'ai une amie qui veut rester parce qu'elle ne veut pas être prisonnière. Elle m'a dit : 'Pourquoi est-ce que tu te rendrais, pour devenir prisonnière ? Si tu es passée par ici, tu es sur la liste noire pour le reste de ta vie. Tu n'es plus comme les autres humains, tu es une terroriste'." La route pour quitter l’enclave se fait de nuit. Parfois avec des passeurs qui sont payés entre 400 et 1 000 dollars. Le chemin mène soit en prison, soit dans des camps.
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