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La nuit où des commandos américains ont échoué à sauver leurs otages en Syrie

La presse américaine relate la tentative de libération des otages américains James Foley et Steven Sotloff. 

Article rédigé par Gaël Cogné
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Un hélicoptère Black Hawk en Irak, le 18 mai 2008. (MAURICIO LIMA / AFP)

Ils sont descendus d'une nuit sans lune dans leurs appareils sombres. Dans la nuit du 3 juillet, plusieurs dizaines de commandos américains ont tenté de secourir des otages aux mains de l'Etat islamique (EI) en Syrie. Révélée par bribes au lendemain de la décapitation du journaliste américain James Foley, cette spectaculaire tentative de libération est de plus en plus documentée dans la presse américaine. Récit.

De très bons renseignements

Juin 2014. Deux équipes du FBI se rendent dans deux lieux différents, en Europe. Ils ont rendez-vous avec d'anciens otages, écrit le New Yorker (en anglais). En cas de kidnapping, comme c'est le cas pour les journalistes James Foley et Steven Sotloff, le bureau fédéral est chargé de l'enquête. Le voyage est fructueux. "C'était du très, très bon renseignement", confie un officier des opérations spéciales au journaliste du New Yorker.

Retenus plusieurs mois, les otages ont pu mémoriser les lieux de leur détention avant de retrouver la liberté. L'un d'eux décrit un bâtiment d'un étage, près d'une installation pétrolière située non loin de la ville de Raqqa, "capitale" de l'Etat islamique. Les anciens otages se souviennent aussi de la routine des preneurs d'otages. Ils ajoutent encore qu'ils n'étaient pas seuls. Dans "l'usine à otages", qui comporte au moins quatre grandes pièces, une salle de bains, et une cuisine se trouvent notamment deux journalistes américains : James Foley et Steven Sotloff.

Débusquer "l'usine à otages"

La NSA (l'Agence nationale de la sécurité américaine) se met alors à pied d'œuvre pour repérer le bâtiment. Les Américains manquent cruellement de renseignements sur la région. Envoyer des drones pour repérer les lieux risquerait d'alerter les jihadistes, alors il faut de longues recherches sur des cartes satellites pour finalement identifier un bâtiment.

Dès lors, Barack Obama autorise secrètement les forces spéciales à préparer une mission de sauvetage qui serait conduite par la CIA et le Pentagone, selon le Wall Street Journal (en anglais, sur abonnement). Mais les autorités hésitent. Les chances de réussite sont faibles : les prisonniers ont pu être déplacés. Comme le rappelle la source du New Yorker : "Ils [les preneurs d'otages] ont dû réaliser que quand ils ont laissé ces gars partir [notamment les otages français], des choses allaient sortir. Ils ne sont pas idiots."

De plus, si l'opération échoue, la vie des otages pourrait être menacée. Des dizaines de Turcs ont aussi été enlevés lors de la prise de Mossoul, en Irak. 

Une attaque soigneusement préparée

Malgré tout, une équipe se met en route. Comme lors du raid au Pakistan contre Ben Laden, les commandos de la Delta Force se sont entraînés sur une reproduction du bâtiment dans un paysage désertique, à Fort Bragg, en Caroline du Nord. Ils ont aussi envisagé que le bâtiment soit piégé ou qu'ils subissent une vaste attaque de jihadistes venus de Raqqa.

L'équipe attend dans un pays frontalier de la Syrie qui veut rester secret. Déjà, la Turquie a refusé, par crainte de représailles des islamistes ultraradicaux. Finalement, Washington donne son feu vert, moins de deux jours avant l'attaque du 3 juillet.

Opération éclair

A deux heures du matin, plusieurs appareils s'envolent par une nuit sans lune pour mieux se fondre dans l'obscurité. C'est une vaste opération. Il y a plusieurs dizaines de membres de la Delta Force. Des hélicoptères Black Hawk transportent les soldats américains, ou sont prêts à accueillir les nombreux otages, quand d'autres sont surarmés pour défendre les troupes. En approchant de la cible, des drones de reconnaissance armés Predator les rejoignent. Tout doit aller très vite. Les commandos ont vingt minutes pour neutraliser les gardiens, emmener les otages et redécoller pour aller se réfugier. Une équipe est en couverture en cas d'attaque.

En Syrie, une source parmi les rebelles confie à l'agence Reuters (en anglais) avoir vu les appareils fondre sur les rives de l'Euphrate après avoir détruit une batterie anti-aérienne des jihadistes. Quand les commandos posent pied à terre, ils abattent au moins deux jihadistes. Un pilote est blessé légèrement. Mais quand ils pénètrent dans le bâtiment, les soldats américains ne trouvent qu'une prison vide. Les otages se sont évanouis.

Envoyer un message

Le bâtiment est exactement comme les ex-otages l'ont décrit. Les membres de la Delta Force l'inspectent, cherchent des caches, ramassent des indices (téléphones ou couvertures pour les laboratoires du FBI). Au bout d'une heure, les hélicoptères redécollent et se posent, dans le soleil levant, en terrain ami. Selon le Wall Street Journal, rien ne montre que l'Etat islamique a été alerté, mais on ne peut évacuer cette possibilité.

Le 8 août, les Etats-Unis frappent l'Etat islamique en Irak. Le 19 août, les jihadistes publient une vidéo montrant la décapitation de James Foley. Est-ce un échec ? A moitié, semble dire l'officier des opérations spéciales, qui explique au New Yorker que l'opération avait un double objectif : "aller chercher les otages, mais aussi envoyer un message à l'EI"

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