Pèlerinage à La Mecque : comment le hajj a viré au drame en raison des fortes chaleurs
Les températures ont atteint jusqu'à 51,8 degrés Celsius. Le hajj, grand pèlerinage musulman annuel qui a eu lieu à La Mecque, en Arabie saoudite, et sur d'autres sites aux alentours, du vendredi 14 au mercredi 19 juin, a tourné au drame en raison de la canicule.
Des centaines de personnes sont mortes, bien qu'il demeure difficile de déterminer le nombre exact de décès. L'Arabie saoudite n'a, pour l'instant, donné aucun bilan officiel. Mais selon un diplomate arabe, le bilan des morts égyptiens au hajj est monté à 658, jeudi. "Tous les décès [nouvellement annoncés] sont dus à la chaleur", avait-il affirmé, mercredi, ajoutant que le chiffre total provenait de la morgue d'un hôpital dans le quartier al-Muaisem de La Mecque.
"Je l'ai cherchée dans tous les hôpitaux"
En outre, des diplomates arabes ont fait état de la mort de 60 Jordaniens. Des décès ont également été confirmés en Indonésie, en Iran, au Sénégal, en Tunisie et au Kurdistan irakien. Un diplomate asiatique a déclaré que 68 pèlerins indiens ont perdu la vie. Selon l'AFP, qui établit un décompte à partir de données fournies par différents pays, le nombre total de morts a dépassé les 1 000, jeudi en fin de matinée.
Les autorités de La Mecque, ville considérée comme la plus sainte de l'islam, avaient conseillé aux fidèles d'utiliser des ombrelles ou des parapluies, de boire beaucoup et d'éviter de s'exposer au soleil durant les heures les plus chaudes de la journée. Mais de nombreux rituels avaient lieu dehors, ce qui a causé des milliers d'"épuisements dus à la chaleur". Le ministère de la Santé d'Arabie saoudite a parlé de plus de 2 700 cas pour la seule journée du dimanche 16 juin.
Les autorités saoudiennes ont recensé environ 1,8 million de participants, dont plus de 1,6 million originaires de 22 pays différents, tandis qu'environ 222 000 sont des citoyens et résidents en Arabie saoudite. Les dates du hajj sont déterminées chaque année selon le calendrier musulman, basé sur les cycles lunaires. Cette année, il tombe en plein été. Ce rassemblement religieux, l'un des plus importants au monde, tourne souvent au drame, notamment en raison d'épidémies et de mouvements de foule. En octobre 2015, une bousculade avait provoqué près de 2 000 morts.
Le bilan de cette année risque de s'alourdir, car de nombreuses personnes restent introuvables. Depuis samedi, la plupart des réseaux sociaux sont inondés de photos de participants, dont leurs proches sont sans nouvelles. Houria Sharif, une Egyptienne de 70 ans, est portée disparue depuis qu'elle a prié samedi sur le mont Arafat. "Nous avons frappé à plein de portes, mais nous ne l'avons pas trouvée jusqu'à présent", a déclaré l'une de ses amies à l'AFP.
Mohammed, lui, raconte avoir cherché son épouse, Mabrouka bint Salem Shoushana, "dans tous les hôpitaux. Et jusqu'à présent, je ne sais rien sur elle". La septuagénaire originaire de Tunisie "avait tellement chaud et n'avait aucun endroit où dormir". N'étant pas enregistrée et sans permis officiel pour le hajj, elle n'a pas pu accéder aux installations climatisées.
Des conséquences du changement climatique
Mabrouka bint Salem Shoushana n'est pas un cas isolé : la plupart des pèlerins n'avaient nulle part où s'abriter. "Beaucoup de personnes se sont effondrées au sol, inconscientes", a témoigné auprès de l'agence Associated press Khalid Bashir Bazaz, un visiteur indien.
Chaque année, des dizaines de milliers d'entre eux ne peuvent pas acheter des permis officiels, souvent coûteux. Ils tentent alors de participer par des voies irrégulières au hajj. Tout musulman doit faire une fois au moins dans sa vie ce rituel, l'un des cinq piliers de l'islam. Cependant, sans autorisation officielle, l'accès aux structures qui permettent aux pèlerins de se rafraîchir après des heures de prières en plein air est interdit.
Or La Mecque et ses environs subissent de plus en plus les effets du changement climatique. Selon une étude saoudienne publiée début mai dans le Journal of Travel Medicine, les températures moyennes sur les sites où se déroulent les rituels augmentent de 0,4 degré Celsius tous les dix ans. Dès 2019, des chercheurs américains de l'Institut de technologie du Massachusetts avaient révélé que même si le monde parvenait à atténuer les pires effets du changement climatique, le hajj se déroulerait à des températures dépassant un "seuil de danger extrême", en plein été, de 2047 à 2052 et de 2079 à 2086.
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