Yémen: la France confirme un prochain chargement d'armes sur un cargo saoudien
Après de nouvelles révélations du site Disclose, la ministre des Armées a reconnu un prochain chargement d'armes à destination de l'Arabie Saoudite.
La France a reconnu, mercredi 8 mai, qu'un navire saoudien allait effectuer un chargement d'armes mais assuré qu'elle ne disposait d'"aucune preuve" permettant d'affirmer que des armes françaises sont utilisées dans la guerre meurtrière menée au Yémen par l'Arabie. "Il y aura chargement d'armes en fonction et en application d'un contrat commercial", a déclaré sans plus de précisions la ministre française des Armées Florence Parly sur la chaîne BFM TV et la radio RMC, interrogée sur le cargo saoudien Bahri Yanbu.
Selon le site d'investigation Disclose, le navire, attendu jeudi au Havre, doit prendre livraison de "huit canons de type Caesar" que l'Arabie saoudite pourrait utiliser dans la guerre qu'elle livre au Yémen aux rebelles houthis, minorité chiite soutenue par l'Iran, grand rival de Ryad. Florence Parly n'a pas précisé la nature des armes qui seront chargées ni leur destination. Selon une source gouvernementale, "il ne peut pas s'agir de canons Caesar puisqu'il n'y a aucune livraison de Caesar en cours". Le Caesar est un camion équipé d'un système d'artillerie.
Les ONG s'indignent
La ministre des Armées a de plus répété que, "à la connaissance du gouvernement français, nous n'avons pas d'éléments de preuve selon lesquels des victimes au Yémen sont le résultat de l'utilisation d'armes françaises". Paris a invariablement affirmé que ces armements ne sont utilisés que de manière défensive et pas sur la ligne de front. Or, selon une note de la Direction du renseignement militaire (DRM), révélée par Disclose et franceinfo mi-avril, 48 canons Caesar produits par l'industriel français Nexter "appuient les troupes loyalistes, épaulées par les forces armées saoudiennes, dans leur progression en territoire yéménite". Une carte de la DRM estime que "436 370 personnes" sont "potentiellement concernées par de possibles frappes d'artillerie", dont celles des canons français.
Les déclarations de Florence Parly ont suscité un tollé parmi les ONG. Cela "montre de nouveau l'obstination de la France à poursuivre ses transferts d'armes à ce pays malgré le risque indéniable et parfaitement connu des autorités françaises qu'elles soient utilisées contre des civils", a commenté dans un communiqué Bénédicte Jeannerod, directrice France de Human Rights Watch. Parmi les dizaines de milliers de personnes tuées au Yémen, on compte de nombreux civils.
Un recours en justice
Neuf ONG, dont l'Observatoire des armements, réclament "l'établissement d'une commission parlementaire permanente de contrôle des ventes d'armes, comme en Suède, au Royaume-Uni et aux Pays-Bas", a indiqué de son côté Tony Fortin, de l'Observatoire des Armements. La Ligue des droits de l'Homme et le mouvement de la paix appellent à un rassemblement jeudi à 18h au Havre, sur le terre-plein de l'écluse François Ier, non loin du quai de l'Europe où doit accoster le Bahri Yanbu, "afin de dénoncer ces ventes d'armes (...) qui ont bien servi à tuer quantité de civils au Yémen".
Une autre ONG, ACAT, a annoncé qu'elle comptait déposer un recours en justice, afin de bloquer le chargement d'armes. "ACAT a mandaté le cabinet Ancile pour déposer un référé exigeant que soit levé le dédouanement (c’est-à-dire l’autorisation pour le cargo de prendre la mer, avec son chargement) en vue de faire en sorte que la France ne puisse se rendre complice des exactions commises au Yémen et respecte ses obligations internationales", annonce l'organisation dans un communiqué. La livraison de ces armes constituerait une violation du Traité sur le commerce des armes, souligne Action des chrétiens pour l’abolition de la torture.
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