Cet article date de plus de huit ans.

Syrie : à Alep, après la trêve, les civils toujours en première ligne

A Alep, la trêve décrétée par les Russes a pris fin, après trois jours de relative accalmie. Depuis quatre ans, la deuxième ville de Syrie est le théâtre du conflit entre l'armée de Bachar Al-Assad, à l'ouest, et les rebelles, à l'est.

Article rédigé par franceinfo - Envoyée spéciale, Valérie Crova
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Une bâche sépare l'ouest et l'est assiégé d'Alep. (VALÉRIE CROVA / RADIO FRANCE)

A Alep, les combats ont repris. Peu après la fin de la trêve, samedi 22 octobre au soir, un déluge de roquettes et d'obus s'est abattu sur un quartier d'Alep-ouest tenu par le gouvernement, tandis que des tirs d'artillerie et des frappes aériennes ont visé l'est. La trêve de trois jours décrétée par la Russie, alliée de Damas, n'a été qu'une parenthèse relative pour une ville qui, depuis quatre ans, vit coupée en deux. Au cœur du conflit, les civils. franceinfo s'est rendu dans la partie ouest de la ville, tenue par le gouvernement, l'est, assiégé, restant inaccessible. 

Alep, ville déchirée depuis quatre ans. Le reportage de Valérie Crova

Alep, en cette fin octobre, c'est d'abord le bruit de la guerre, qui résonne partout dans la ville. "Nous nous sommes habitués aux obus et aux mortiers, à ce bruit-là", témoigne Alexandre. Longtemps guide touristique, il s'est reconverti en professeur de français en  attendant des jours meilleurs pour sa ville, pour son pays. 

Des roquettes et des obus pleuvent chaque jour de part et d'autre de la ligne de front qui traverse Alep d'ouest en est. L'ancienne capitale économique de la Syrie est devenue l'enjeu d'une guerre que se livrent d'un côté, à l'ouest, l'armée syrienne et son allié russe et de l'autre, à l'est, les opposants armés.

La partie contrôlée par les rebelles est la plus durement touchée depuis que l'armée syrienne a lancé, en septembre dernier, une vaste offensive destiné à reprendre la totalité de la deuxième ville de Syrie.

A Bustan al-Qasr, un quartier d'Alep sur la ligne de front 

Le quartier de Bustan al-Qasr, au cœur d'Alep, est sur la ligne de front. Une grande bâche tendue entre deux bâtiments fait office de frontière entre l'ouest et l'est de la ville. Seuls quelques habitants s'aventurent dans la rue, pour aller acheter du pain ou des légumes. Mais ils ne restent jamais très longtemps à l'extérieur.

Derrière la bâche, Alep Est, assiégée. (VALÉRIE CROVA / RADIO FRANCE)

De l'autre côté de la bâche, se trouve "un sniper. Il tire jusqu'ici", explique un habitant du quartier. "La partie est de la ville se trouve à 200 mètres à peine, poursuit-il. Ma sœur habite là-bas, avec ses enfants. Je suis en contact avec elle. Elle voudrait sortir, mais on l'en empêche."

Comme beaucoup d'Aleppins qui vivent côté gouvernemental, Hassan est convaincu que ce sont les rebelles qui empêchent les civils de sortir de l'est de la ville. C'est ce qui, selon lui, expliquerait pourquoi aucun de ces civils n'a profité de la récente trêve pour emprunter les corridors humanitaires et quitter cette partie de la ville.

Cette femme, dont la sœur vit également de l'autre côté de la bâche, a une autre explication : "Ma sœur a une grande famille. Ils ont deux maisons et des boutiques. Ils ne veulent pas partir parce qu'ils craignent qu'on leur vole leurs affaires."

Les rebelles ont menacé ma sœur : 'Si vous partez, on vous prendra tout !'

Une habitante du quartier Bustan al-Qasr

A la gare routière d'Alep, à l'ouest, les bus circulent presque normalement

Direction l'ouest d'Alep et la gare routière. D'ici, toutes les grandes villes syriennes sont desservies. Contrairement aux Aleppins de l'est, assiégés par l'armée de Bachar al-Assad, ceux de l'ouest peuvent voyager quasiment normalement.

Dans un car à destination d'Idleb, une ville située à une soixantaine de kilomètres au sud-ouest d'Alep, les passagers sont essentiellement des femmes voilées, qui refusent de témoigner.

Depuis la gare routière d'Alep, la plupart des grandes villes syriennes sont desservies. (VALÉRIE CROVA / RADIO FRANCE)

La ville d'Idleb est entièrement sous le contrôle des islamistes du Fatah al-Cham, l'ancien front al-Nosra, allié à Al-Qaïda jusqu'en juillet dernier. C'est dans cette ville qu'une partie des Aleppins de l'ouest ont fui les bombardements. Comme ce jeune étudiant, qui s'exprime en français : "On a quitté la ville pour Idleb, à cause des bombardements. Tous mes proches ont quitté leurs maisons, personne n'est resté. Certains sont partis au Liban, en Allemagne, en Turquie." Lui n'a pas quitté la Syrie. Son père, pourtant, l'y a incité. "Je veux poursuivre mes études", rétorque le jeune homme.

Ses parents se sont installés à Idleb, "la ville des rebelles", explique-t-il. Il ne dit rien de la vie dans une telle ville, pas plus qu'il ne s'exprime réellement sur la situation à Alep. "Tout le monde veut prendre Alep, lance-t-il tout de même. Je souhaite que la situation revienne à ce qu'elle était auparavant." Cet étudiant veut pouvoir continuer à étudier la langue française, à l'université d'Alep. C'est là une réalité de la guerre : des gens qui croient encore qu'un avenir est possible dans leur pays meurtri.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.