Alep : ce que l'on sait de l'accord de cessez-le-feu et de l'évacuation des rebelles et des civils
Cet accord prévoit l'évacuation mercredi de combattants et de civils après quatre mois de siège et de bombardements d'une rare intensité sur une ville désormais réduite à l'état de ruines.
La bataille d'Alep est terminée. Elle s'est achevée dans un déluge de feu et de sang sur la deuxième ville de Syrie, reprise par le régime du président Bachar Al-Assad après une offensive dévastatrice lancée le 15 novembre, au terme de plus de quatre années de rébellion. Un accord de cessez-le-feu a été conclu, mardi 13 décembre, lors de négociations entre les insurgés et la Russie, alliée militaire clé du régime de Damas, et avec l'aide de la Turquie. Objectif : permettre l'évacuation des derniers combattants rebelles et civils pris au piège des bombardements.
Les évacuations débuteront mercredi
Moscou et les factions rebelles se sont entendus pour un arrêt des bombardements aériens qui a pris effet mardi matin et un cessez-le-feu mardi soir. L'ambassadeur russe Vitali Tchourkine l'a annoncé à New York, où une réunion du Conseil de sécurité de l'ONU s'est tenue en urgence. La Turquie a confirmé l'accord, précisant qu'il prévoyait que les civils soient évacués dans un premier temps, suivi de combattants rebelles. Selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), les évacuations devaient commencer mercredi à 5 heures.
La télévision d'Etat a diffusé des images filmées dans les quartiers repris aux rebelles: des ruines et des gravats à perte de vue. Quittant cette zone, des centaines d'hommes et de femmes formaient une file sans fin et avançaient à petits pas dans le froid et la boue, certains emmitouflés dans des couvertures ou des manteaux, portant leurs enfants et leurs maigres possessions dans des sacs en plastique.
"Alep est dans une situation d'urgence absolue: environ 100 000 personnes sont encore piégées sur un territoire de 5 km carrés", a déclaré la présidente de Médecins du Monde, Dr Françoise Sivignon, appelant à sauver les civils de cet "enfer".
Les opérations supervisées par la Croix Rouge ?
"Nous avons demandé à ce que ces corridors ne soient pas supervisés par le régime syrien car nous n’avons aucune garantie que cela se passe bien et aucune confiance dans ce régime", a expliqué mardi sur franceinfo le président du conseil local des quartiers l'Alep-Est, Brita Hagi Hasan. "Tous les civils veulent sortir d’Alep, car sinon c’est la mort assurée nous le savons", a-t-il assuré.
L'ambassadrice américaine à l'ONU, Samantha Power, avait réclamé des "observateurs internationaux impartiaux" pour superviser l'évacuation des civils qui "ont peur d'être abattus dans la rue ou emmenés vers un des goulags d'Assad".
Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a fait savoir qu'il se tenait prêt à intervenir comme intermédiaire neutre dans l'évacuation des personnes se trouvant dans Alep-Est. "Nous espérons que cela fonctionne. Nous sommes prêts mais nous voulons connaître les modalités" de l'opération d'évacuation, a déclaré de son côté Ibrahim Abou al-Leith, porte-parole des Casques Blancs, ces secouristes dans le secteur rebelle.
Divers points de chute pour les civils et les rebelles
"Tous les combattants, avec les membres de leurs familles et les blessés, sont en route dans des corridors approuvés pour des destinations qu'ils ont choisies eux-mêmes", a précisé l'ambassadeur de Russie à l'ONU. "Ils peuvent par exemple aller vers la campagne, à l’ouest d’Alep, mais même là il y a des bombardements et de nombreux réfugiés déjà", a déploré de son côté Brita Hagi Hasan. Il a convenu que c'était "un déplacement forcé" mais "la moins pire des solutions".
Un responsable du gouvernement turc a lui précisé que les "civils et les rebelles modérés avec des armes légères pourront se rendre en sécurité jusqu'à Idleb", à quelques dizaines de kilomètres à l'ouest d'Alep. Cette province est contrôlée en très grande partie par les rebelles. De son côté, le vice-Premier ministre turc Mehmet Simsek a fait savoir sur Twitter que la Turquie allait "installer un camp de tentes pour accueillir jusqu'à 80 000 réfugiés syriens fuyant Alep", sans plus de détails.
#Turkey, the world's largest refugee hosting country, is to set up a tent city to accommodate up to 80,000 Syrian refugees fleeing #Aleppo.
— Mehmet Simsek (@memetsimsek) 13 décembre 2016
Un très lourd bilan sur le terrain
L'accord d'évacuation a été annoncé après un tollé international suscité par des atrocités qui auraient été commises contre les civils dans les quartiers repris par l'armée. Le Haut Commissariat de l'ONU aux droits de l'homme a fait état de 82 exécutions sommaires, dont 11 femmes et 13 enfants, imputées à l'armée et aux milices qui lui prêtent main forte dans les quartiers repris aux insurgés.
Le Premier ministre français Bernard Cazeneuve a condamné les "innombrables atrocités" commises par le régime qui peuvent constituer des "crimes contre l'Humanité".
En quatre semaines, l'offensive a coûté la vie à plus de 463 civils à Alep-Est selon l'OSDH. Depuis 2011, le conflit en Syrie a fait plus de 300 000 morts, selon l'ONU.
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