Cet article date de plus de deux ans.

Mort d'Elizabeth II : "C'était une monarque extrêmement européenne", salue Patrick Martin-Genier, spécialiste de l'Europe

"C'est une grande Européenne qui s'éteint", estime Patrick Martin-Genier, après l'annonce de la mort jeudi d'Elizabeth II à l'âge de 96 ans.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
La reine Elizabeth II lors dune inauguration au King's College à Londres, le 29 février 2012. (EDDIE MULHOLLAND / POOL)

"C'était une monarque extrêmement européenne", a assuré jeudi 8 septembre sur franceinfo Patrick Martin-Genier, enseignant à Sciences Po, spécialiste de l’Europe, après la mort de la reine Elizabeth II à l'âge de 96 ans. "Après le Brexit, elle gardait ses sentiments européens", souligne Patrick Martin-Genier. Elizabeth II était "un monument mondial" et "l'unité, le ciment national". La principale mission de Charles III, "ce sera de rétablir une confiance avec le peuple britannique", alerte le spécialiste de l'Europe, et "ce ne sera pas évident".

>> Suivez notre direct après la mort de la reine Elizabeth II

franceinfo : Quel rapport avait le reine Elizabeth II avec l'Europe ?

Patrick Martin-Genier : C'était une monarque extrêmement européenne, pro-européenne. On a beaucoup parlé du fait qu'en tant que monarque constitutionnelle, elle ne pouvait pas dire quelle était son opinion. Mais beaucoup avaient estimé que le fait de porter des habits ou un chapeau bleu avec des fleurs jaunes montrait son attachement à l'Union européenne. C'était important.

"Elle entretenait de très bonnes relations avec la France. Elle parlait français. C'était une amoureuse de l'Europe. C'est une grande Européenne qui s'éteint."

Patrick Martin-Genier, enseignant à Sciences Po

à franceinfo

Elle a beaucoup voyagé partout, dans une centaine de pays, mais particulièrement en Europe. C'était aussi une femme qui avait reçu tous les chefs d'Etat, qui avait participé à la réconciliation avec l'Allemagne. C'est une femme qui était profondément engagée en faveur de l'Europe. Et je pense que, même si elle n'a jamais eu l'occasion de l'exprimer très clairement, elle était contre le Brexit. Après le Brexit, elle gardait ses sentiments européens. On voit bien que le Brexit a provoqué des fractures sociales, territoriales. Et ce qui est tout à fait frappant, c'est qu'elle meure en Ecosse. Elle manifeste là aussi un engagement européen, mais aussi sa volonté de dire qu'elle était très attachée à l'Écosse qui, précisément, ne voulait pas quitter l'Union européenne.

Comment expliquer l'unanimité des hommages qui lui sont rendus dans le monde entier ?

Au Royaume-Uni, c'était quelqu'un qu'on ne critiquait pas. Elle était au-dessus des partis politiques, elle ne faisait pas de politique. Elle assurait l'unité nationale. C'était quelqu'un qui cimentait cette unité nationale alors que ce pays a subi un certain nombre de traumatismes. Elle était également très connue dans l'ensemble des pays du Commonwealth. Elle était chef d'État de 15 pays et du Commonwealth. Elle rayonnait par le monde. On parlait du Royaume-Uni dans le monde entier. Le soleil ne se couche jamais s'agissant de la reine d'Angleterre. Elle était également très admirée dans les pays qui étaient républicains, comme la France, qui garde une admiration pour la reine d'Angleterre, et également aux Etats-Unis.

"Elle était admirée parce qu'elle a su être une monarque qui représentait cette unité nationale. C'était un monument mondial. Elle était aussi connue que le pape. Elle était admirée partout."

Patrick Martin-Genier, enseignant à Sciences Po

à franceinfo

Est-ce qu'une période d'incertitude va s'ouvrir ou est-ce que la monarchie est plus forte que tout ?

La monarchie était très forte avec Elizabeth II. Il risque d'y avoir un certain nombre d'incertitudes. Même si Charles va succéder à sa mère, il n'a pas toujours été populaire. Camilla Parker-Bowles, sa seconde épouse, n'a pas toujours été populaire. Mais le couple a su gagner le cœur des Britanniques. Camilla Parker-Bowles, c'est quelqu'un qui est proche de la population, qui a su s'imposer et se faire respecter. Et Elizabeth sentait sans doute la fin proche, car, il y a quelques mois, elle avait donné une interview en disant que son fils Charles serait un bon souverain et qu'elle faisait entièrement confiance à Camilla Parker Bowles pour succéder en tant que reine consort. Elle avait demandé aux Britanniques de bien accepter les successeurs.

Cela dit, on ne règne pas comme cela pendant 70 ans sur le trône. Elle était l'unité, le ciment national lorsque ce pays était extrêmement divisé. Il n'est peut-être pas certain que Charles puisse être ce ciment. Il ne régnera pas aussi longtemps. Il a pu être contesté. La famille royale, de façon générale, a été contestée. On l'a bien vu avec Andrew, avec ses affaires d'ordre sexuel. On l'a vu sur des problèmes de corruption. On l'a bien vu avec Charles, qui a créé la polémique récemment. Il aurait reçu des fonds des proches de Ben Laden, même si naturellement, lui-même ne s'est pas enrichi personnellement. Tout cela a créé un climat de défiance vis-à-vis de la monarchie. La principale mission de Charles III, ce sera de rétablir une crédibilité, une confiance avec le peuple britannique. Mais ce ne sera pas évident, car personne ne pourra arriver à la hauteur de la réputation d'Elizabeth II.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.