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Projet EPR de Hinkley Point : la presse britannique méfiante

Le choix d’EDF de construire deux réacteurs EPR à Hinkley Point en Angleterre pour un coût estimé à 22 milliards d’euros suscite les doutes de la presse britannique. D’autant qu’aucun accord n’a été signé par Londres.
Article rédigé par Marc Taubert
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Image de synthèse des deux réacteurs EPR faite par EDF, le 28 juillet 2016. (HO / EDF ENGERY / AFP)

Dix ans pour prendre une décision … non définitive. C’est le temps qu’il aura fallu aux acteurs de ce dossier pour finaliser un accord tripartie qui concerne la France via EDF, la Chine via le groupe CGN, et le Royaume-Uni. Côté français, beaucoup pensent que la décision est actée. Problème : comme le rappelle la presse britannique, Londres ne décidera de l’opportunité du projet qu'au début de l’automne 2016 …

Une électricité beaucoup plus chère
La construction des deux réacteurs EPR représente une somme colossale. Les estimations varient 18 et 26 milliards d’euros.

  (SIMON MALFATTO IRIS ROYER DE VERICOURT / AFP)


Le projet est financé exclusivement par EDF et par le groupe chinois public CGN. En contrepartie, les consommateurs britanniques devront payer 92,50 livres (soit 110 euros) le mégawattheure pendant 35 ans, soit en tout 30 milliards de livres. Un prix exorbitant selon le Guardian, puisqu’il représenterait le double du prix actuel de l’électricité dans le pays.

La centrale est censée produire 7 % de l’électricité britannique, alimenter six millions de foyers et pourrait créer 25 000 emplois dans la région. Mais la presse anglaise rappelle que les deux réacteurs sont construits selon la même architecture que celui de Flamanville. Cette centrale français en chantier souffre de nombreuses irrégularités. De plus, l’EPR connaît d’énormes difficultés en Finlande.

L'EPR de Flamanville, le 19 février 2014. Il a subi de nombreux déboires et la facture a déjà triplé pour atteindre 10 milliards d'euros. la mise en service est prévue - pour l'instant - en 2018. (CHARLY TRIBALLEAU / AFP)


«L’objet le plus cher jamais construit sur Terre»
Selon l’éditorialiste Damian Carrington du Guardian, le projet accumule les défauts. «Aveuglé par l’éclat d’un mégaprojet, le gouvernement britannique est heureux de laisser ses citoyens payer la note» accuse-t-il.

Pour Damian Carrington, «l’objet le plus cher jamais construit sur Terre» est rétrograde dans un monde tourné vers les énergies vertes. «Les bases commerciales pour ce miracle d’ingénierie sont incroyablement fragiles» dénonce-t-il. Et de relever qu’EDF a une dette faramineuse (37,5 milliards d’euros), que l’Europe risque bien d’invalider les aides de l’Etat français à EDF pour manquements aux règles de la concurrence. L’éditorialiste britannique aurait pu ajouter qu’Areva, chargée de construire les réacteurs, est en quasi-faillite.

Selon ce journaliste, la construction des deux réacteurs serait moins économique que politique. «Theresa May (Première ministre de la Couronne, ndlr) aime à envoyer des signaux positifs sur l’ouverture commerciale (du pays, ndlr), après le Brexit. Elle a rencontré François Hollande pour des discussions. Pour Hinkley, comme pour le Brexit, les fourberies politiques ont triomphé de la réalité économique.»

Sur cette image de synthèse, l'EPR de Hinkley Point est représenté vu du ciel. (HAYESDAVIDSON / EDF ENGERY / AFP)


La Chine, un partenaire dont on se méfie
Mais le danger qui pourrait porter un coup fatal au projet vient de la peur de l’Empire du milieu. Le groupe chinois public CGN participe à 33 % à la réalisation des réacteurs. Or, selon le chef de cabinet de Theresa May, cité par le Financial Times, cette participation pourrait donner la possibilité la possibilité aux Chinois «d’insérer des défauts dans le système informatique qui leur permettrait de couper l’électricité britannique à volonté». En clair, il y aurait des risques pour la sécurité nationale.

Résultat : selon le journal, les autorités britanniques seraient ainsi prises entre deux feux. D’une part, elles ne veulent pas frustrer le président français, mais elles souhaitent aussi assurer la sécurité du Royaume. Reste à savoir, dans le contexte de l’après Brexit, l’argument qui aura le plus de poids pour décider si les réacteurs seront effectivement construits.

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