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Qui est Ed Miliband, le brillant et froid leader de la gauche anglaise?

Ed Miliband, le leader du parti travailliste britannique, pourrait succéder à David Cameron au 10 Downing Street, siège du premier ministre du Royaume, au lendemain des législatives du 7 mai 2015. Les derniers sondages le donnent au coude à coude avec le chef des conservateurs. Mais qui est Ed Miliband ? Portrait.
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Intervention du leader travailliste Ed Miliband pendant la campagne électorale (29 avril 2015). (AFP PHOTO / LEON NEAL)

Quand on se penche sur les portraits réalisés par la presse sur Ed Miliband, 46 ans, le patron du parti travailliste, on découvre deux traits principaux : un parcours original dans la classe politique britannique marqué par la personnalité de son père et la description d’un homme brillant mais introverti, qui a du mal à séduire les électeurs.

Commençons par son histoire familiale, qui sort de l’ordinaire. Dans les biographies dEdward Samuel Miliband, on tombe toujours sur son père, un homme très éloigné des habituelles élites anglaises. En effet, le père du leader du parti travailliste à un trajet peu commun. 


Père marxiste
Ralph Miliband n’est arrivé qu’en 1940 en Angleterre. Sa famille, d’origine juive polonaise, avait choisi Bruxelles pour s’installer loin de la Pologne. L’invasion de l’Europe par les nazis le pousse vers l’Angleterre. Il fait la guerre dans la Navy. Sa mère, Marion, est aussi d’origine juive polonaise.

En 1948, cet intellectuel marxiste devient britannique. Personnalité reconnue, il est notamment enseignant à la prestigieuse London School of Economics. La liberté, la justice, la lutte sociale, «ce ne sont pas des choses que j’ai choisies (...). Ce ne sont pas des choses que j’ai apprises dans les livres, pas même dans ceux de mon père. C’est quelque chose avec quoi je suis né», selon MIliband cité par Frédéric Martel.

«Je n’ai pas été endoctriné dans le marxisme, pas plus que dans la religion. Mais j’ai compris que l’on pouvait rendre le monde meilleur», affirmait-il dans une de ses rares allusions à ses origines juives ajoutant «ma relation avec le judaisme est complexe, mais qui ne l’est pas». Il a grandi dans une famille laique. Il a cependant fait état de la mort de son grand père maternel, tué par les nazis.  Sur Israël, il a appelé très clairement à la solution des deux Etats et estimé qu’il fallait faire pression sur Israël.
 
Ed Miliband –Edward Samuel – est né dans cette famille intellectuelle, de gauche et militante en 1969. Il a quatre ans de moins que son frère David Wright. Fort de cet héritage culturel, les deux frères entrent à Oxford. Ils feront aussi des études aux Etats-Unis. Ed est également diplomé de la célèbre London School of Economics. Il est marié avec une avocate, Justine Thornton, et est père de deux enfants, Daniel et Samuel.


Brothers in arms
Autre rareté dans l'histoire politique anglaise, les deux frères ont fait partie du même gouvernement. Chose qui n'était pas arrivée depuis 1938.

C’est Gordon Brown, le chancelier de l’Echiquier de Tony Blair –on est loin de Marx- qui repère Ed Miliband dans le vivier travailliste. Il en fait sa plume et son conseiller. Fidèle à son mentor, Ed obtient une circonscription puis un poste gouvernemental (Environnement et le Changement climatique) en 2008 dans le gouvernement Brown. Grâce à ses propositions qui plaisent aux écolos et à la gauche du Labour, il obtient le surnom de «Green Ed».

Son ascension prend un tour dramatique quand il entre en lutte avec son frère David pour prendre la tête du Labour (le parti travailliste) en 2010. La presse britannique s'enthousiasme pour ce duel fratricide, n'hésitant pas à parler de Caïn et Abel.

Si la lutte entre les deux frères reste correcte, elle traduit aussi une division entre un David plus à droite et un Ed vite appelé «Red Ed». L'ainé, David, défendait le «New Labour» cher à Tony Blair, tandis que le cadet, Ed, militait pour une gauche plus traditionnelle. Ce dernier s’est ainsi toujours montré opposé à l’intervention en Irak (faite par le gouvernement travailliste de Tony Blair) alors que son ainé y était favorable.
 
A la surprise générale, Ed emporta donc le parti en 2010 avec 50, 6% des voix.

Ed (à gauche) félicite son frère David, après un discours de ce dernier, lors du congrès de Labour Party en 2010. Congrès qui vit la victoire de Ed. (LEON NEAL / AFP)

Ed Miliband mène la campagne
Devenu leader du parti travailliste, c'est lui qui mène la campagne pour les législatives 2015. Un exercice difficile pour cet intellectuel souvent jugé froid. Son image personnelle a du mal à s’imposer auprès des électeurs populaires. A quelques mois des élections, il apparaissait dans un sondage comme «terne», «confus», «hésitant». Pire, selon ce sondage, le premier ministre sortant David Cameron apparaissait comme plus populaire, même si le Parti conservateur est à la traine dans les sondages. Cela a fait réagir au sein même du parti travailliste, où on a pas hésité à contester le leader.

Ajouter à cela quelques erreurs de communication. Les observateurs n’ont pas manqué de railler le fait qu’il se soit montré, en famille, dans une petite kitchenette, alors que sa maison recèle une cuisine de grande taille… Autre gaffe, il échoue à se montrer normal en mangeant un simple sandwich en pleine campagne, faisant les chous gras de la presse britannique. 

Heureusement, il a su en jouer. «Vous pourriez trouver des gens à la mâchoire plus carrée et qui sont plus beaux quand ils mangent un sandwich. Si vous voulez un politicien qui pense que le plus important, c'est une bonne photo, ne votez pas pour moi. Mais je pense que les gens aimeraient que quelqu'un se lève et dise que la politique, c'est plus que ça».

A la tête du Labour, il a toujours tenu un discours marqué à gauche. Il n’a pas hésité à attaquer la puissance du groupe de média de Murdoch (considéré comme faiseur de gouvernement). Il s’est déclaré opposé à une intervention en Syrie et en faveur d’une reconnaissance immédiate de la Palestine. Dans le manifeste du Labour, il écrit «La Grande-Bretagne ne peut réussir que quand les travailleurs réussissent. Cette idée est au cœur de mes convictions ». Un message qui passe bien dans un pays où les inégalités auraient cru (une donnée toujours difficile à mesurer).

Il entend ainsi dans sa campagne revenir sur les contrats zéro heure ou sur certains privilèges fiscaux dont bénéficient quelque 116.000 contribuables parmi les plus aisés du Royaume-Uni. Par ailleurs, il affirme vouloir se montrer ferme sur l'immigration et promet un budget en équilibre, deux thèmes par forcément de gauche. Comme quoi, Ed Miliband sait déjà composer. Un talent indispensable pour se rendre au 10, Downing Street, surtout s'il doit compter sur les nationalistes écossais pour gouverner.

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