Royaume-Uni : trois choses à savoir sur Keir Starmer, le nouveau chef du Parti travailliste
Spécialiste du Brexit, ce député de Londres, élu samedi, incarne l'aile modérée du Labour. Il est reconnu pour son sérieux mais ses partisans reconnaissent son manque de charisme.
Il entend faire entrer le Labour "dans une nouvelle ère". Le député londonien modéré Keir Starmer a été élu à la tête du Parti travailliste britannique, samedi 4 avril, cinq ans après l'arrivée de son prédécesseur Jeremy Corbyn. Cet ancien avocat de 57 ans a recueilli 56,2% des voix dès le premier tour du vote, auquel étaient conviés les quelque 600 000 membres du parti.
It’s the honour and privilege of my life to be elected as Leader of the Labour Party.
— Keir Starmer (@Keir_Starmer) April 4, 2020
I will lead this great party into a new era, with confidence and hope, so that when the time comes, we can serve our country again – in government. pic.twitter.com/F4X088FTYY
Affaiblie et divisée, la principale formation d'opposition a essuyé, en décembre, sa plus grosse claque électorale depuis 1935. Jeremy Corbyn avait aussitôt annoncé son départ. L'heure est donc à la reconstruction pour Keir Starmer, qui a désormais comme horizon les législatives de 2024. Voici trois choses à savoir sur celui qui ambitionne de "remettre le Labour où il doit être, c'est-à-dire au pouvoir".
Il incarne un retour vers le centre gauche
L'élection de Keir Starmer marque un tournant pour la ligne politique du Labour. Le nouveau patron de la gauche britannique s'est imposé loin devant sa principale concurrente, Rebecca Long-Bailey, considérée comme l'héritière naturelle de Jeremy Corbyn – dont l'arrivée, en 2015, avait été le signal d'un virage serré à gauche pour le parti. Lors de ce précédent scrutin, Keir Starmer avait d'ailleurs soutenu un candidat moins radical, Andy Burnham, arrivé en deuxième position.
Figure populaire auprès des travaillistes centristes, Keir Starmer a pris soin, durant sa campagne, de ne vexer personne. Il sait que la base militante du parti est très à gauche, notamment parmi les jeunes, arrivés en nombre dans le sillage de Jeremy Corbyn. Le député de la circonscription Holborn et Saint-Pancras, à Londres, s'est ainsi engagé à ne pas "trop réorienter" le Labour vers le centre. Malgré la déroute des législatives, il a appelé à ne pas tourner le dos au programme et au "radicalisme" de son prédécesseur et il refuse d'être présenté comme un nouveau Tony Blair libéral. "Je me vois toujours comme un socialiste", a-t-il assuré à Vice (en anglais).
C'était le "monsieur Brexit" du parti
Depuis plus de trois ans, Keir Starmer était en charge du dossier du Brexit pour le Labour. Reconnu pour son expertise juridique, ce partisan du maintien du Royaume-Uni dans l'Union européenne a été l'un des plus féroces adversaires du Parti conservateur lors des débats à Westminster. "C'est lui qui a infligé les plus gros revers au gouvernement sur le Brexit", soulignait GQ (en anglais), en 2018, en racontant comment il avait contraint l'exécutif à révéler des documents compromettants sur la stratégie britannique.
C'est aussi Keir Starmer qui a fait pression pour que le Parti travailliste réclame (en vain) l'organisation d'un second référendum sur la sortie de l'UE. Mais il n'a pas réussi à convaincre l'attentiste Jeremy Corbyn de s'impliquer davantage, le chef du parti préférant rester "neutre" dans l'hypothèse d'un nouveau vote. Le Brexit étant acté, le nouvel homme fort du Labour entend désormais militer pour un accord commercial rapproché avec l'UE et le maintien de protections sociales, économiques et environnementales, selon la BBC (en anglais).
Il a été anobli (et certains le trouvent trop lisse)
Né en 1962, à Londres, d'un père ouvrier et d'une mère infirmière, Keir Starmer doit son prénom à James Keir Hardie, le premier président du Parti travailliste. A l'école, il a eu pour camarade d'école le DJ Fatboy Slim, avec qui il prenait des cours de violon. Une fois avocat, il s'est spécialisé dans la défense des droits de l'homme, a collaboré avec Amnesty International et a participé à des batailles juridiques contre la peine de mort aux Caraïbes, contre la fermeture des mines au Royaume-Uni ou contre le géant McDonald's. De 2008 à 2013, changement de cap : nommé directeur des poursuites pénales en Angleterre et au pays de Galles, il est devenu l'un des principaux responsables du parquet britannique.
Anobli par la Reine en 2014 pour ses services à la justice, ce père de deux enfants apparaît comme un juriste davantage que comme un politique pur jus. "Il n'est pas le genre de politique étrangement machiavélique que l'on pourrait imaginer, mais il comprend la dimension politique des choses", le défend Agela Smith, cheffe de file des travaillistes à la chambre des Lords.
Perçu comme habile, compétent, mesuré, Keir Starmer est jugé peu charismatique. "Même ses plus farouches défenseurs reconnaissent qu'il n'a pas le talent de Corbyn pour lever les foules", relève The Guardian (en anglais). "Ses costumes bleus, son visage impeccablement rasé et sa mèche de cheveux figée avec du gel tranchent avec la cravate rouge vif et les joues broussailleuses" de Jeremy Corbyn, complète le correspondant de Radio France à Londres. Ce côté "propre sur lui" lui a même valu plusieurs articles pour savoir s'il n'aurait pas inspiré le personnage de Mark Darcy, un avocat un peu raide incarné par Colin Firth dans Le Journal de Bridget Jones – mais la réponse est non, avance The Guardian.
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