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La loi contre l'adoption d'enfants par les Américains divise les Russes

Le texte signé par Vladimir Poutine interdit aux citoyens des Etats-Unis d'adopter des orphelins russes à partir du 1er janvier. Et il ne fait pas l'unanimité dans son propre pays.

Article rédigé par Jelena Prtoric
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Les enfants prennent leur repas dans un orphelinat de Rostov-sur-le-Don, dans le sud de la Russie.  (STRINGER/ REUTERS)

“Une réponse appropriée à la liste Magnitski". Le 27 décembre, le président russe, Vladimir Poutine, a signé la loi interdisant aux Américains d’adopter des enfants russes. Une loi qui a rafraîchi les relations entre Moscou et Washington, et qui pourrait surtout menacer le placement d'une partie des 650 000 orphelins du pays (en russe). Pourtant, la société russe semble être divisée sur la question.  

Pour les partisans de la loi, les enfants russes ne sont pas protégés aux Etats-Unis

Ce n’est pas un hasard si la nouvelle loi porte le nom de Dima Iakovlev. Adoptée en 2008 par une famille américaine, cette fillette de 21 mois est morte trois mois après, oubliée par son père adoptif dans la voiture en plein soleil. Jugé dans un tribunal de Virginie, le père a finalement été acquitté.

"La loi des Etats-Unis ne protège pas les enfants de violences", affirme la députée Olga Borzova dans un communiqué officiel publié sur le site de la Douma (en russe). Le système judiciaire des Etats-Unis, dont les citoyens ont adopté au total 5 177 enfants russes de 2008 à 2011, a fait l’objet de nombreuses critiques.

En 2010, par exemple, quand Artyom Savelyev, un garçon de 7 ans, a été renvoyé des Etats-Unis par sa mère adoptive. Arrivé en Russie, il n’avait sur lui qu’un billet sur lequel était inscrit cette phrase : "Je ne veux plus m’occuper de cet enfant." Torry Harrison, la mère adoptive, déclarait que l’enfant était mentalement instable. Aucune plainte au pénal n’a été ouverte contre elle.

Autre cas : celui des Craver de Pennsylvanie, qui ont été emprisonnés durant dix-neuf mois après avoir battu à mort Nathaniel, leur fils adoptif venu de Russie. 

Pavel Astakhov, le commissaire pour les droits de l’enfant en Russie, a estimé qu’il fallait arrêter "d’exporter les enfants russes dans d’autres pays". Selon un sondage mené par le fonds russe Opinion publique, 56% des Russes sondés soutiennent cette interdiction et 21% y sont opposés, a rapporté l'agence RIA Novosti.

Pour les opposants, "il ne faut pas mêler les enfants à la politique"

"Nous espérons être tous d’accord sur le principe que les enfants ne devraient pas être mêlés à la politique, dans aucune circonstance", peut-on lire sur la pétition (en russe) de parents adoptifs russes, qui a déjà recueilli des milliers de signatures sur internet.

En fait, les opposants à la loi considèrent que celle-ci n’est qu’une riposte démesurée à la liste Magnitski. Sept activistes ont été interpellés mercredi 26 décembre 2012, lors d’une manifestation devant le Conseil de la Fédération (la chambre haute du Parlement russe). "Ne privez pas les orphelins d’une chance à cause de salauds !", affichaient-ils sur leurs pancartes.

Même parmi les ministres, le sujet est loin de faire l'unanimité, relève le site Kommersant (article en russe). Le ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, estime que "ce sont les personnes qui n’ont pas pris soin des enfants russes adoptés qui doivent rendre des comptes" . Pour le ministre de l’Education, Dmitri Livanov, "les enfants pourraient souffrir si on ne leur trouve pas de parents adoptifs en Russie". "Il ne faut pas pratiquer la politique de l’œil pour œil, dent pour dent", a-t-il déclaré.

Un nouveau programme pour une "Russie sans orphelins"

La nouvelle loi – qui sera en vigueur à partir du 1er janvier 2013 –  aura un effet immédiat, mettant un terme à 52 procédures d’adoption qui étaient près d'aboutir. "Un travail est en cours pour trouver à ces enfants une famille en Russie", assure Pavel Astakhov, le délégué aux Droits de l'enfant, sur son compte twitter.

Pour y parvenir, un programme nommé "Russie sans orphelins" est mis en place.
Elaboré par le Conseil de la Fédération début 2012,  ce programme refait surface au moment où tout le monde parle de la loi anti-Magnitski. Prévu jusqu'en 2017, "Russie sans orphelins" doit "résoudre le problème des orphelins", affirme la députée russe Olga Borzova dans un communiqué officiel (en russe). 

Pour pouvoir financer ce programme, le gouvernement russe pourrait recourir à une nouvelle taxe sur les objets de luxe. Actuellement à l'étude, elle pourrait entrer en vigueur au premier semestre 2013. 

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