Cet article date de plus de neuf ans.

Embargo russe:Poutine minimise l'effet des sanctions occidentales

La Russie monte en puissance dans le bras de fer qui l’oppose à l’Occident. Depuis le 6 août, les denrées saisies dans le cadre de l’embargo sont pour la première fois détruites. Un durcissement accompagné du prolongement pour un an de l’interdiction d’importation de certains produits.
Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Des produits saisis sont détruits à Belgorod, au sud de la Russie. (Echo.msk)

Les propos du ministre russe de l’Agriculture sont on ne peut plus clairs. Les produits agricoles, produits alimentaires et matières premières exportés vers la Russie en provenance d'un pays imposant des sanctions contre la Russie ou des personnes russes…sont interdits d’entrée et donc seront détruits comme le 6 Août 2015.
 
Ainsi, un bulldozer a écrasé neuf tonnes de fromage saisies près de Belgorod dans le sud de la Russie. D’autres destructions ont eu lieu ailleurs dans le pays. 40 tonnes de pommes, tomates et carottes près de Moscou. 73 tonnes de pêches et nectarines à la frontière avec la Biélorussie.
Mais en Russie des voix s’élèvent pour dénoncer ces mesures, regrettant que ces denrées ne soit pas offertes aux plus pauvres, qui n’ont pas les moyens de se les payer, voire pire, de manger à leur faim.
 
Pétitions
Plusieurs pétitions circulent pour réclamer l’arrêt de ces destructions signale le site RT.com. Russia Today parle d’une pétition (la plus populaire) sur le site américain Change.org qui a recueilli plus de 180.000 signatures. RT évoque également  la proposition du député de centre gauche Andrey Krutov qui demande d’expédier ces produits vers la région du Donbass en guerre, plutôt que de les détruire
 
Une économie de substitution très limitée
La Russie a, sous l’impulsion de Vladimir Poutine, lancé une politique de reconquête du «Made in Russia» pour lutter contre les conséquences des sanctions imposées par l’Occident dans la crise ukrainienne.Pour le site Sputnik, l’économiste Jacques Sapir fait le point. Dans le domaine agro-alimentaire, «on a assisté essentiellement à une substitution des importateurs. Les importations en provenance des pays de l'UE ont été remplacées par des importations en provenance des pays d'Amérique Latine (Argentine et Brésil), de la Turquie, des pays d'Asie Centrale, voire de la Chine» écrit-il. En fait souligne l’économiste, si la reconquête de certains secteurs d’activité est réelle, les résultats sont encore faibles, faute d’investissement et de main d’œuvre qualifié. L’embargo alimentaire n’a pas non plus provoqué une explosion du «produit en Russie».
 
Et les sanctions?
La prolongation de l’embargo n’est que la réponse russe à la prolongation de 6 mois des sanctions économiques décidées par l’Union européenne. Pour l’essentiel ces sanctions portent sur la circulation de personnalités et des capitaux. Dans un premier temps, les conséquences de ces sanctions ont été limitées. Ainsi au deuxième trimestre 2014, la croissance a été de +0,25% en rythme annuel et non pas négative, contrairement aux anticipations.
 
Mais de nouvelles sanctions ont aggravé la crise. Le rouble a chuté de 20%. La fuite des capitaux a atteint 120 milliards de dollars en 2014. Poutine évoquait la nécessité de recapitaliser le géant Gazprom à hauteur de 50 milliards de dollars. Gazprom qui annonçait des pertes pour la première fois depuis 2008. Chaque crispation en Ukraine se traduit par une chute du rouble qu’il faut soutenir à grands frais.

La Chambre de Commerce et d’industrie France Russie a publié un rapport très alarmiste sur la situation économique de la Russie. Son économie est sur le fil du rasoir. Selon la CCI, la crise a coûté 60 milliards de dollars au pays en 2014.
Pour 2015, l’enquête table sur une chute des exportations de pétrole de 75 milliards de dollars. Mais le prix du baril retenu était de 80 dollars, or son cours est presque à la moitié…
 
L’embargo dans ce contexte ne fait qu’aggraver la situation, entrainant inflation et chute du rouble. Vladimir Poutine joue les matamores mais pour combien de temps ? Le cours du pétrole, au plus bas, a l’effet d’une double peine qui conduit le pays vers l’asphyxie.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.