Réchauffement climatique : "Nous sommes dans un moment extrêmement critique, il avance inexorablement", alerte un ambassadeur français
Olivier Poivre d'Arvor, ambassadeur de la France pour les Pôles et les enjeux maritimes, alerte sur les menaces climatiques qui pèse sur l'Arctique et sur les conséquences qui seront engendrées.
L'avenir de l'Arctique est au cœur d'un sommet international qui s'ouvre dimanche 8 mai en Norvège. La conférence annuelle "Artic Frontiers" rassemble plusieurs scientifiques. "Au-delà de cette conférence, la réalité est beaucoup plus sombre. Nous sommes dans un moment extrêmement critique, et il avance inexorablement", alerte sur franceinfo Olivier Poivre d'Arvor, ambassadeur de la France pour les Pôles et les enjeux maritimes.
franceinfo : Ces sommets pour le climat, pour les Pôles, qui reviennent régulièrement, ont-ils une utilité, à quoi servent-ils ?
Olivier Poivre d'Arvor : "Artic Frontiers" c'est une conférence annuelle en Norvège qui permet à la communauté scientifique de se réunir, sur les enjeux arctiques. Au-delà de cette conférence, la réalité est beaucoup plus sombre. Nous sommes dans un moment extrêmement critique, évidemment il y a d'autres sujets sur la planète, mais celui-ci avance inexorablement. Cette région est menacée à la fois par le réchauffement climatique, l'élévation du niveau de la chaleur y est trois fois plus élevée que dans le reste du monde ! Il y aussi une menace environnementale, les énergies fossiles continuent d'y être extraites mais surtout, il y a des perspectives de dérouter le commerce mondial et d'éviter Suez et Panama, en passant par ces grandes routes qui deviennent accessibles aujourd'hui. C'est une grande menace. C'est aussi un enjeu politique, nous sommes dans une région où nous avons à la fois la Russie qui obtient 20% de son PIB par ces hydrocarbures, ces minerais, vous avez l'Otan et les Etats-Unis. Depuis trois mois, depuis le début de la guerre, le Conseil de l'Arctique, qui est une sorte de gouvernance des huit pays de l'Arctique, a suspendu tous ses travaux. La présidence de ce conseil, c'est la Russie.
Le Giec, le groupe d'experts pour le climat, nous a alertés le mois dernier que même avec le meilleur des scénarios possibles, un réchauffement climatique qui se limiterait à 1,5°, les écosystèmes les plus faibles comme les Pôles subiraient des dégâts irréversibles. Il y a donc urgence à agir ?
C'est plus qu'un message. Le Giec fait un travail formidable depuis des années, mais on répète ces chiffres à l'envi sans faire quoique ce soit. Ce qui se passe en Arctique est dramatique. On sait qu'en 2100, il y aura au moins un mètre d'élévation du niveau de la mer : vous aurez à peu près 1 milliard de personnes avec les pieds et le corps dans l'eau. Ce que l'on dit moins, c'est qu'en Antarctique les phénomènes sont aussi extrêmement inquiétants : il y a un mois, un mois et demi, dans la station française de Concordia, la température était de 35 degrés Celsius supérieure à celle de l'année dernière, à la même heure et au même jour. La fonte des glaciers de l'Antarctique qui s'annonce est réellement dramatique. Là, on ne parle plus d'un mètre, pour nos petits-enfants en 2100 ça sera 2 mètres d'élévation du niveau de la mer, soit 2-3 milliards de personnes impactées.
C'est un peu passé inaperçu avec la guerre en Ukraine et la Présidentielle, mais la France a présenté début avril sa stratégie polaire à horizon 2030. Quels sont les objectifs et les moyens d'agir ?
C'est la première fois que la France publie cette stratégie polaire avec les moyens affectés. Le Premier ministre l'a validé avec les 700 millions d'euros de financement alloués jusqu'en 2030. Il était temps de mettre des moyens publics, de donner à notre Institut polaire français plus de moyens pour pouvoir faire de la science. S'il y a trois messages : c'est la science, la science, la science. Nous devons documenter ce qu'il se passe, pour pouvoir réagir. Nous allons par le biais d'un conseil interministériel, présidé par le Premier ministre, financer la restauration de nos stations en Antarctique, mais aussi le développement en Arctique d'une station au Groenland, le balcon dramatique du changement climatique. Nous allons financer aussi les projets de Jean-Louis Etienne, le Polar Pod dans l'océan Austral, mais aussi Tara en Arctique, qui va devenir une station dérivante pendant dix ans. Enfin, nous allons mettre en place des moyens pour financer un brise-glace. Nous allons donner aux scientifiques des moyens supplémentaires, sur mer et sur terre. Là, se pose la question des Pôles mais aussi de la planète et de la possibilité pour nous d'y vivre.
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