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Soldats russes en Ukraine: leur présence niée par Moscou, leur souvenir aussi

Le Kremlin n'en démord pas : aucun soldat de l’armée régulière russe ne participe aux combats dans l’est de l’Ukraine. En mai 2015, lorsque deux militaires russes avaient été arrêtés par les autorités ukrainiennes, le gouvernement s'était défendu: «Ces soldats ne sont pas en service». Moscou nie jusqu'à l'évidence. Avec de lourdes conséquences sur son propre peuple.
Article rédigé par Celia Mascré
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3min
Des fleurs déposées sur la tombe du soldat inconnu à Simféropol lors de la journée de la mémoire et du deuil. (MAKS VETROV / RIA NOVOSTI)


Il y a quelques jours, le reporter Vice News Simon Ostrovsky a publié une vidéo dans laquelle il montre un selfie pris par un soldat russe en Ukraine. Sur le réseau social russe Vkontakte, le jeune Bouriate (république d'extrême-Orient russe) Bato Dambaev se prend en photo et commente son quotidien. C'est notamment une photo de lui avec deux chiots husky de Sibérie, qui retient l'attention. Selon le journaliste Simon Ostrovsky, pas de doute, le militaire est bien un soldat contractuel de l'armée régulière russe. Pour le démontrer, il pointe notamment un insigne du drapeau russe, sur son uniforme. Grâce à la géolocalisation automatique, on apprend qu'il aurait été envoyé pour la bataille de Debaltseve du côté russe, qui s'est conclue par un échec pour l'armée ukrainienne en janvier 2015.

Depuis, le jeune Bouriate a effacé la plupart de ses photos et publications sur son profil. Tout ce que l'on sait, selon le site russe Svoboda.org, c'est qu'il est  vivant, rentré en Russie, auprès de sa femme et de son fils de deux ans.



Les soldats russes en Ukraine, un «secret d'Etat»
Depuis le début du conflit, de nombreux rapports d'ONG et de Think Tank américains et européens affirment la présence de soldats de l'armée régulière russe en Ukraine. Mais Moscou n'admettra pas la présence de ses troupes chez son «voisin proche», de peur de ne pas être suivi par son peuple. Pourtant, il s'agit bien d'un conflit à grande échelle et, armée régulière ou non, les pertes côté russe sont de plus en plus lourdes. Avec une volonté de les rendre discrètes, le gouvernement a récemment fait voter un décret selon lequel les informations sur les militaires tués «en temps de paix» relèvent du secret d’Etat. Et puisque la Russie n’est pas officiellement engagée dans le conflit ukrainien, ce décret concerne les soldats qui y sont décédés.

Le combat citoyen pour une reconnaissance
Ainsi, des initiatives citoyennes se développent contre l'oubli et pour la justice. Comme à Saint-Pétersbourg, où un monument citoyen a été érigé en l'honneur des «héros russes du Donbass». Mais ce sont aussi les mères et les épouses de ces hommes qui doivent se battre pour faire officialiser leur mort, ou même pour obtenir des informations sur les circonstances de leur décès.

Le Comité des mères de soldats de Russie, une ONG de protection des droits des soldats fondée en 1989, se bat même pour que les familles puissent connaître le lieu des sépultures. Des mères et des épouses racontent dans le Washington Post que le gouvernement leur envoie les certificats de décès sans aucun détail sur le lieu ou les circonstances de la mort de leur fils ou mari.
 
Le 12 juillet, une dizaine de militaires de Maïkop, dans le Caucase (sud de la Russie), ont déserté leur base et risquent de ce fait jusqu'à dix ans de prison. L'un d'entre eux s'est défendu dans la presse: «Je ne voulais pas prendre part aux combats en Ukraine.»

Selon le rapport d’enquête réalisé par l’opposant Boris Nemtsov et publié après sa mort, 200 soldats russes auraient péri en Ukraine: 150 en août 2014 et 70 autres en janvier et février 2015.

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