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Si Oleg Sentsov mourait, "ce serait une tache indélébile de plus sur le bilan de Vladimir Poutine"

Oleg Sentsov "est devenu le symbole de la résistance pacifique à l'arbitraire et à l'annexion de la Crimée", estime le journaliste Michel Eltchaninoff sur franceinfo.

Article rédigé par franceinfo
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Oleg Sentsov, ici en 2015. (Illustration) (SERGEI VENYAVSKY / AFP)

Une tribune a été publiée lundi 13 août dans le journal Le Monde pour demander la libération du cinéaste ukrainien Oleg Sentsov, opposé à l'annexion de la Crimée. Signée par une centaine de personnalités, la tribune fait état de la situation du cinéaste détenu en Russie depuis quatre ans, après avoir été condamné à 20 ans de privation de liberté pour terrorisme et trafic d'armes.

Pour Michel Eltchaninoff, journaliste, rédacteur en chef de Philosophie Magazine, et cofondateur de l’association Les Nouveaux dissidents, Oleg Sentsov "est devenu le symbole de la résistance pacifique à l'arbitraire et à l'annexion de la Crimée". Il ajoute au micro de franceinfo lundi qu"'il faut absolument que Vladimir Poutine entende cette protestation internationale", et que "si jamais Sentsov disparaissait, il y aurait peut-être des nouvelles sanctions contre la Russie".

franceinfo : Cette tribune, signée notamment par la ministre de la Culture Françoise Nyssen, peut-elle enfin faire bouger les choses ?

Michel Eltchaninoff : Oui, bien-sûr. Avec des noms comme Jean-Luc Godard ou Ken Loach qui ont signé cette tribune, c'est encore une fois le monde du cinéma et de la culture qui se mobilise. Ça fait des années que les cinéastes et les écrivains se mobilisent pour dire aux autorités françaises d'agir, de faire pression le plus possible sur Vladimir Poutine, tout simplement parce qu'Oleg Sentsov risque de mourir de sa grève de la faim. Aujourd'hui, c'est son 92e jour, il est dans un état très difficile, il a perdu 30 kilogrammes, son pouls est de 40 pulsations par minute, ce qui est de plus en plus bas. Son état est inquiétant, il faut absolument que Vladimir Poutine entende cette protestation internationale.

La France et son président sont-ils assez mobilisés au niveau diplomatique ?

Ce que je sais, c'est que le président a appelé plusieurs fois Vladimir Poutine, pour qu'il lui propose des solutions concrètes, comme l'idée d'envoyer des autorités médicales indépendantes dans la colonie où est enfermé Oleg Sentsov en Sibérie occidentale pour évaluer véritablement son état et pour pouvoir éventuellement le rapatrier. En fait, le président français devient un peu la tête de pont politique de cette action. J'espère qu'elle fonctionnera, et que Vladimir Poutine sera conscient que si jamais Sentsov disparaissait, il y aura peut-être des nouvelles sanctions contre la Russie. Et donc l'économie russe, qui déjà ne va déjà pas très bien avec les réformes des retraites, souffrirait davantage. Il faut faire des propositions concrètes, avancer non pas sur le plan des grands principes, mais vraiment proposer des choses réalisables que Vladimir Poutine pourrait accepter. On a vu que les intellectuels, les écrivains, les cinéastes se mobilisaient, mais les gens de la société civile se mobilisent aussi. Avec l'association des Dissidents, on a lancé une opération "Une carte postale pour Sentsov", en demandant aux gens d'écrire à Emmanuel Macron une carte postale de vacances ou de chez soi en lui demandant d'agir plus fort pour Sentsov. Et c'est une campagne qui marche incroyablement bien. On se rend compte qu'Oleg Sentsov a beau être loin, être Ukrainien, être enfermé, il y a une mobilisation internationale qui se met en place.

La société civile doit-elle se saisir de cette question et faire monter la pression ?

Oui, car nous sommes ici en démocratie, contrairement à ce qui se passe en Russie, donc on peut et on doit faire pression sur nos dirigeants, sur nos représentants, pour ne pas qu'un homme, qui est devenu en fait le symbole de la résistance pacifique à l'arbitraire et à l'annexion de la Crimée, ne meurt d'une grève de la faim en 2018. Si jamais il mourait, ce serait une tache indélébile de plus sur le bilan de Vladimir Poutine. D'autant qu'Oleg Sentsov demande la libération des 70 prisonniers politiques ukrainiens qui sont disséminés dans plusieurs prisons russes, dont certains ont aussi entamé des grèves de la faim. Ce qui est admirable dans l'acte de Sentsov, qui se révèle être un homme d'un courage incroyable, c'est qu'il ne demande pas sa libération à lui. Il voudrait que les Ukrainiens qui ont été attrapés en Russie et mis en prison la plupart du temps pour des prétextes absolument fallacieux soit libérés. Sentsov est aujourd'hui devenu un symbole.

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