Scolarité : quand les règles mettent les filles au ban de l'école
Le ventre fécond de mère est valorisé, glorifié, quand il est gravide. Mais vide, il n’intéresse personne. Pire, il dégoûte à chaque fois que l’utérus fait «peau neuve», soit tous les mois. Et la femme d’être déclarée impure lors de ses menstruations. Un exemple parmi d’autres : dans les zones très rurales du Népal, les femmes sont souvent obligées de vivre dans des cabanes séparées – ou dans l’étable – lorsqu’elles ont leurs règles.
Cette «affaire de femmes» ne concerne pas les hommes. Il ne faut pas en parler, on est dans le tabou.
Des associations œuvrent dans différentes parties du monde pour remédier à un problème majeur aux conséquences aussi inattendues que dévastatrices.
Une fille sur dix
En Afrique, selon l’Unicef, une fille sur dix ne va pas à l’école pendant ses règles.
La faute à des protections hygiéniques tout à fait inabordables. Les adolescentes africaines font avec ce qu’elles ont, à savoir lambeaux de vieux habits, papier journal, mousse de matelas voire feuilles de bananier ou quelques poignées de sable. Des protections suffisamment sommaires et aléatoires pour insécuriser les jeunes filles et les empêcher de sortir de chez elles, sauf à prendre le risque de se ridiculiser en cas de chute intempestive du rembourrage improbable.
C’est à l’âge critique où elles passent du primaire au secondaire, et où les raisons de manquer l'école, comme le travail domestique à la maison et autres corvées en milieu rural, sont multiples. Ces absences régulières d’un minimum de cinq jours par mois tous les mois favorisent le décrochage scolaire et à terme la déscolarisation.
Tous les programmes
Au Kenya, lorsque Barclay Paul Okari, jeune homme de 22 ans, a pris connaissance et conscience du problème, il a décidé d’œuvrer pour le résoudre. Il a créé des packs de serviettes réutilisables fabriqués par des femmes pauvres qui en tirent un petit pécule.
Les ONG sont multiples à s’attaquer au problème, en Ouganda avec PLAN international ou MakaPads, qui se sert de feuilles de papyrus et de papier recyclé, ou encore AFRIPads (en anglais «pad» veut dire protection hygiénique, NDLR) qui a lancé un paquet low cost de serviettes réutilisables un an. Ou enfin Sue Barnes, qui fabrique ses packs pour les écoles du Swaziland et du Lesotho, deux petits pays particulièrement pauvres voisins de l'Afrique du Sud. Son association, Project Dignity, approche aussi des ONG ou des entreprises mécènes pour obtenir des dons nécessaires à la fabrication de packs destinés à des écoles sud-africaines.
L'association Sustainable Health Entreprises utilise quant à elle de la fibre de bananier pour fabriquer ce type de serviettes au Rwanda.
Au Népal, Institute for Social and Environmental Research (ISER-Nepal) a misé sur la coupe menstruelle, autre système de protection réutilisable, pour donner une autonomie corporelle aux jeunes femmes ayant leurs règles pour favoriser leur assiduité scolaire.
A défaut de changer les mentalités, en soustrayant de la société les filles, une semaine par mois tous les mois, le problème des règles participe à l’analphabétisation des femmes. En s’y attaquant frontalement, on rompt un tabou. Non seulement on maintient les filles dans le système scolaire, mais les différents programmes mis en place permettent à des familles très modestes, via une micro économie locale, de gagner un complément de revenus non négligeable.
Produit de luxe
Il est quand même à noter que les protections hygiéniques semblent être perçues comme superflues même dans certains pays industrialisés. En effet, les Britanniques s'insurgent contre le fait que les serviettes hygiéniques et autres tampons sont au même niveau de taxation que les produits de luxe «à usage non essentiel». Et les Françaises de leur emboîter le pas en réalisant à leur tour que les serviettes hygiéniques sont taxées à 20%, cinq fois plus qu'une glace en pot individuel. Le collectif féministe Georgette Sand réclame que le taux de TVA appliqué aux serviettes et tampons périodiques passe de 20% à 5,5%. Une évidence pour ce collectif qui rappelle que ces produits sont de première nécessité, tout comme l'eau, ou les préservatifs. Le collectif souligne que, pour les femmes, «avoir ses règles, ce n'est pas optionnel». En conséquence, ces produits pourraient même être taxés à 2,1% comme c'est le cas pour les médicaments remboursables par la Sécurité sociale.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.