A quoi sert le G7, le sommet des sept pays les plus riches du bloc occidental ?
Les chefs d'Etat et de gouvernement de sept grandes puissances occidentales se réunissent du 24 au 26 août à Biarritz, sur la côte basque. Mais à quoi servent ces sommets contestés par les altermondialistes ?
Une rencontre coûteuse entre grands du monde, dans une ville transformée en quartier retranché. Voilà, en plus de la traditionnelle photo de famille, pour les caractéristiques les plus évidentes d'un sommet du G7, aux yeux du grand public. La coquette somme de 24 millions d'euros a ainsi été déboursée pour accueillir à Biarritz (Pyrénées-Atlantiques), du 24 au 26 août, les chefs d'Etat et de gouvernement des sept pays membres ainsi que 5 000 délégués et journalistes, selon le maire de la ville cité par Sud-Ouest. Et encore, cette enveloppe rondelette n'englobe-t-elle pas les préparatifs de cette réunion qui a pour thème, selon l'Elysée, "la lutte contre les inégalités".
Mais ces sommets imposants, vivement critiqués par les altermondialistes, servent-ils réellement à quelque chose ? Eléments de réponse alors que la France, cette année, occupe la présidence tournante de cette instance.
Créé en 1975 pour "sortir du désordre financier"
Cocorico ! C'est au Français Valéry Giscard d'Estaing qu'est attribuée la création du G7. Du 15 au 17 novembre 1975, sous l'œil des caméras de télévision, le président de la République invite au château de Rambouillet (Yvelines) les dirigeants des six pays les plus riches de la planète (France, Etats-Unis, Japon, Royaume-Uni, Italie, Allemagne de l'Ouest). Il voulait, souligne ainsi le directeur de l'Institut de relations internationales et stratégiques Pascal Boniface, "créer un contact direct entre les gouvernants", dans un cadre accueillant. L'année suivante, ce G6 –groupe des six– se mue en G7 en accueillant le Canada. A quelques variations près, le club prend sa forme définitive.
A l'origine de l'initiative, le choc pétrolier de 1973, qui secoue l'économie mondiale et pousse le bloc occidental à se concerter. L'objectif est d'harmoniser les politiques financières au sein d'un cénacle choisi, donc hors des Nations unies : "Valéry Giscard d’Estaing voulait sortir de la pesanteur de l'ONU", explique l'universitaire Régine Perron, auteure d'une Histoire du multilatéralisme (éd. Presses Université Paris Sorbonne, 2018).
Il s'agissait de prendre des décisions rapides pour sortir du désordre monétaire et financier, d'établir une gouvernance occidentale avec
une ligne, définie par les pays les plus riches,
à laquelle les émergents devaient se plier.Régine Perron, historienne spécialiste du multilatéralismeà franceinfo
Avec quels résultats ? "Après les sommets, on devinait qu’il y avait eu un consensus sur certaines décisions financières qui se traduisaient à l’époque au FMI [Fonds monétaire international], détaille Régine Perron. L'objectif était de ne pas tomber dans le protectionnisme et la guerre des monnaies."
"Un groupe informel avec un rôle d'orientation"
L'idée ? Se mettre d'accord sur de grandes orientations, plutôt que prendre des décisions concrètes. "Le G7 n’est pas une institution internationale : c’est un groupe informel qui joue un rôle d’orientation et d’impulsion politique, confirme le Quai d'Orsay sur son site. Les pays membres se concertent pour faire avancer les questions liées aux politiques de sécurité, de gouvernance de la mondialisation, et de gestion des biens publics mondiaux."
L'important, dès le début, est de resserrer les liens pour amortir les turbulences, rappelle un sujet de France 3. En 1977, le G7 instaure "un système de concertation permanente entre les Etats-Unis, l'Europe [invitée en tant que telle, à partir de cette date, aux sommets] et le Japon pour faire face aux crises".
Parmi les dates marquantes jusqu'en 2003, France 3 retient le sommet de 1984 à Londres, avec "le couple américano-britannique Reagan-Thatcher tentant d'imposer l'hégémonie libérale anglo-saxonne". A Toronto (Canada), en 1988, un geste est fait en direction des pays en développement, avec "l'effacement partiel de la dette".
Après la chute du mur de Berlin, les sommets de Londres en 1991 et de Munich en 1992 "scellent sous Gorbatchev et sous Eltsine l'intégration progressive de la Russie dans l'économie mondiale". Et dès 1996 à Lyon, le G7 affiche, comme l'un de ses objectifs prioritaires, la lutte contre le terrorisme, après l'attentat contre la base américaine de Dhahran, en Arabie saoudite, qui a fait 19 morts et près de 400 blessés.
Transformé en "barnum médiatique'"
Ordre économique libéral et lutte contre le terrorisme, les grands jalons sont posés. Mais au fil des ans, la machine perd en efficacité, selon Pascal Boniface. "Avec des délégations officielles de plus en plus imposantes et des centaines de journalistes qui participent à ce barnum médiatique, la marge de manœuvre a disparu", analyse-t-il.
Il y avait auparavant, dans le G7, un caractère discret, informel, permettant d'avancer dans l’ombre pour être efficace, qui n’existe plus.
Pascal Boniface, géopolitologueà franceinfo
Avec les projecteurs braqués sur ces rencontres annuelles, difficile, toutefois, d'éluder la question du bilan. Que reste-t-il de ces sommets qui se déroulent dans des villes barricadées, depuis les heurts entre contestataires et forces de l'ordre au sommet de Gênes, en 2001, où un manifestant italien, Carlo Giuliani, a été tué par un carabinier ? Sur sa page consacrée au G7, le ministère des Affaires étrangères cite, parmi "les résultats très concrets" de ces dix dernières années, plusieurs points. Notamment le Partenariat de Deauville, lancé en 2011 "pour aider les pays arabes en transition démocratique" (dont la Libye, toujours en guerre civile), "l’Initiative de Muskoka pour réduire la mortalité maternelle et infantile en 2010, et le soutien à la mise en œuvre (...) de l’Accord de Paris sur le climat". Difficile de connaître le degré de réalisation de ces promesses. "Depuis 2010, un rapport annuel de redevabilité permet d’évaluer la mise en œuvre des engagements souscrits lors des sommets du G7", assure le Quai d'Orsay. Mais le site renvoie à une page introuvable.
La vitrine d'un "capitalisme brutal", selon les altermondialistes
Même les altermondialistes n'y croient plus vraiment. "Le G7 n’est plus du tout, comme il y a dix ou vingt ans, une instance qui régule l’ordre du monde", constate Aurélie Trouvé, membre de l'organisation altermondialiste Attac et de la plateforme Alternatives G7 (une cinquantaine d'associations fédérées pour un contre-sommet du G7). Elle pointe cependant les objectifs affichés dans les communiqués de clôture comme autant de faux-semblants. "Entre autres, les pays membres s'étaient engagés à réduire les gaz à effet de serre ou à garantir la sécurité alimentaire [à Taormina, en Sicile, en 2017]. Or c’est l’inverse qui se passe. La faim dans le monde repart à la hausse. Les gaz à effets de serre aussi", dénonce-t-elle.
Autant dire qu'elle doute fortement que le thème de "la lutte contre les inégalités", mis en avant par l'Elysée pour l'édition 2019, soit suivi d'effets. "La planète est en recul précisément à cause de la politique menées par les pays du G7 !" s'indigne cette ingénieure agronome, avant d'ajouter :
Les sommets du G7 restent avant tout la vitrine d’une politique qui fait des ravages et aggrave la crise écologique.
Aurélie Trouvé, ingénieure agronome, membre d'Alternatives G7à franceinfo
Et Aurélie Trouvé de citer cette tribune publiée sur Bastamag par le collectif auquel elle appartient : "Derrière son charme suranné, le G7 est une arme de séduction massive pour imposer idéologiquement un capitalisme de plus en plus brutal."
Un club restreint éclipsé par le G20...
Pour d'autres raisons, les spécialistes de politique étrangère jugent tout aussi dépassée la formule d'un G7 incapable de s'élargir. "Le G7 permet surtout d’afficher la prétention d'une oligarchie occidentale à gérer le monde, ce qui suppose un minimum de connivence", assène le professeur à Sciences Po et spécialiste des relations internationales Bertrand Badie.
D'où, selon lui, l'exclusion de la Russie en 2014 : "Le pays avait été intégré au G7 [devenu G8] avec Boris Eltsine [en 1998]. Il en a été exclu avec Vladimir Poutine, sous prétexte de l'intervention russe en Crimée. Le degré de connivence était trop bas. Cela ne servait à rien de maintenir dans le club une Russie qui ne joue pas le jeu occidental et n’a rien à y gagner."
Le rétrécissement du club signe sa perte d'influence, avec la montée en régime du G20, un G7 auquel s'ajoutent la Russie et les nouvelles puissances économiques de la planète (Chine, Inde, Brésil, Turquie ...). "Aujourd'hui, relève Pascal Boniface, c’est le G20 qui a le plus d’importance et qui est le plus représentatif du monde."
... que Donald Trump achève de torpiller
Que reste-t-il au G7 ? "Il restait la coordination des pays occidentaux entre eux, mais il n’y en a plus depuis l'élection de Donald Trump à la Maison Blanche, épilogue Pascal Boniface. Avec son slogan 'America First', il se fiche complètement des alliés. Sur les communiqués finaux, soit il ne donne pas son accord, soit il les démolit par un tweet." En juin 2018, le président des Etats-Unis saborde le sommet de La Malbaie, au Québec, rappelle France 24, en retirant son soutien au communiqué final et en menaçant de droits de douanes alourdis l'Europe et le Canada. Sans l'ombre d'une gêne, Trump s'affiche "seul contre tous", synthétise France 3.
Pour créer un courant d'air, en 2019, Emmanuel Macron annonce un "format renouvelé" qui associera au G7 de Biarritz quatre "grands partenaires" (Afrique du Sud, Australie, Chili et Inde), ainsi que quatre pays africains jouant, selon l'Elysée, "un rôle moteur sur le continent" (Burkina Faso, Egypte, Sénégal et Rwanda). Cela suffira-t-il à faire diversion, face à un Donald Trump qui donne le tempo ? Pour Pascal Boniface, "désormais, aux sommets du G7, on voit davantage l’incapacité des pays occidentaux à se mettre d’accord que l’efficacité des pays occidentaux à avancer".
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