Alain Juppé et François Fillon:des vues divergentes sur Trump, Poutine et Assad
Les deux hommes se connaissent bien. Issus tous les deux du gaullisme version Chirac, ils ont été ensemble membres de plusieurs gouvernements. Et, entre 2011 et 2012, Alain Juppé a été ministre des Affaires étrangères de François Fillon, sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Revue de détails sur leurs positions concernant les trois gros dossiers internationaux qu'ils auront à traiter en cas de victoire à la présidentielle de 2017.
François Fillon défend Donald Trump contre les accusations de populisme
Dès la victoire du président américain, élu à contre-courant des sondages et prévisions, François Fillon avait très vite appelé ses détracteurs à «retrouver leur calme. Donald Trump est le candidat d’un parti qui s’appelle le Parti républicain, qui n’a rien d’un parti populiste, qui n’a rien d’un parti d’extrême droite», avait-il déclaré sur Europe 1.
Il faut «le juger sur ses actes, estime l’ancien premier ministre de Nicolas Sarkozy, ce n’est pas la première fois qu’il y a un président américain élu un peu original. On a eu le président Reagan (1981-1989) dont on disait à peu près la même chose.»
«Monsieur Trump a été élu parce que Madame Clinton a été battue (…). Trump, quand il sera aux affaires, sera très différent de ce qu’il est aujourd’hui», avait-il dit pour se montrer rassurant.
A la question de savoir s’il redoutait une alliance entre le futur chef de la Maison Blanche et le chef du Kremlin, François Fillon a répondu: «Non seulement je ne la redoute pas, mais je la souhaite.»
Juppé met en garde contre le danger protectionniste
Avant l’élection de Trump, il précisait: «Je ne souhaite pas que les Etats-Unis fasse le choix du repli isolationniste, et encore moins de l’unilatéralisme, au détriment d’un engagement positif sur tous les enjeux globaux auxquels le monde et confronté.»
«Ni poutinolâtre, ni poutinophobe»
Alain Juppé reste assez classique sur les rapports avec Moscou. Dans son programme, il affirme qu’il faut «conduire avec la Russie une relation dense et exigeante au service de la paix et de la sécurité sur le continent européen. Réévaluer le dialogue avec la Russie pour le règlement de la crise ukrainienne et la sécurité des frontières orientales de l’Europe.»
Sur les dossiers qui font polémique, Alain Juppé avait ajouté: «Je crois possible de reconstruire un agenda positif commun. Je souhaite qu’une pleine application des accords de Minsk avec l’Ukraine permette une levée des sanctions et une baisse des tensions en Europe. Mais je veux le redire aussi: les bombardements russes à Alep doivent cesser, et le blocage du Conseil de sécurité des Nations Unies nous éloignent de ce chemin.»
Fillon prône un dialogue direct avec Poutine
Alternant entre ses liens d’amitié avec le président russe, de l’époque où ils étaient tous les deux Premiers ministres (2008-2012), et le déni de toute relation personnelle avec celui qu’il qualifie de «bouledogue, qui a aussi un côté chaleureux et sensible», François Fillon prône, lui, un dialogue direct avec Poutine.
«La Russie, c'est le plus grand pays du monde par sa superficie. C'est un pays dangereux car c'est un pays instable, qui n'a jamais connu la démocratie. (...) Traiter ce pays comme si c'était le Luxembourg ou le Panama, c'est juste une énorme bêtise», affirmait-il au micro de France Inter.
Assurant qu’il aurait, pour des raisons économiques, «la même position» quel que soit le chef de l’Etat qui gouvernera le pays après Poutine, il estime qu’«il n’y a jamais eu de démocrate à la tête de la Russie. Vouloir faire de Poutine un monstre aux mains pleines de sang, c’est juste ridicule par rapport à l’histoire de la Russie.»
Plus encore, concernant le dramatique dossier de la crise syrienne, il affirme dans l’hebdomadaire d’extrême-droite Valeurs actuelles, qu’«il faut se féliciter que la Russie soit intervenue» au pays de Bachar al-Assad.
«Heureusement que (Vladimir Poutine) l'a fait, explique-t-il, sinon nous aurions sans doute en face de nous un EI (Etat islamique) encore plus puissant, qui aurait pu s'emparer de Damas et d'une grande partie du territoire syrien.»
Quant à la situation en Syrie, il n’a aucune difficulté à expliquer pourquoi il faut s’allier à l’homme qui n’a pas hésité à détruire des villes entières sur la tête de sa population.
Pour François Fillon, il faut aider le régime d'Assad, protecteur des chrétiens d'Orient
C'est sur ce dossier que les différences entre les deux hommes sont les plus sensibles. Là où Fillon est prêt à collaborer avec Assad, Alain Juppé parle de crimes de guerre.
Favorable «à faire avec la Russie, déjà présente en Syrie, et avec l’Iran, qui contrôle une bonne partie de la communauté chiite, une opération massive pour éliminer l’EI», Fillon préconise d’«aider le régime» de Bachar al-Assad et non pas le combattre.
Une position réaffirmée lors du dernier débat télévisé des primaires, au cours duquel il a préconisé la réouverture d’un poste diplomatique à Damas pour avoir un canal de discussion avec le régime.
Pour lui, «si Bachar al-Assad est toujours là, c’est parce qu’il a un soutien populaire. C'est-à-dire les alaouites, les chiites et les chrétiens d’Orient. On devrait tous se poser la question de savoir pourquoi les chrétiens d’Orient défendent quelqu’un qui est évidemment un dictateur qui a beaucoup de sang sur les mains. Ils le défendent parce qu’ils savent qu’en cas de chute du régime c’est les sunnites qui prennent le pouvoir. Et si c’est les sunnites qui prennent le pouvoir, pour les chrétiens c’est donc la valise ou le cercueil.»
Pour Juppé, «pas de paix en Syrie avec Bachar al-Assad»
Sur le conflit syrien, Juppé adopte une position très proche de celle de l'actuel gouvernement. «Nous avons une priorité, combattre Daech. Mais ce ne peut être une raison pour, comme le fait la Russie en voulant liquider toute opposition respectable au régime, s’allier avec Assad, qui est responsable de la mort d’au moins 300.000 de ses compatriotes. La Russie doit réfléchir sérieusement et sincèrement à une solution politique. Attendre encore et bombarder toujours, avec l’illusion d’une victoire totale, c’est se rendre complices de crimes de guerre.»
A la différence de l'ancien Premier ministre, Alain Juppé avait affirmé lors du débat sur France 2 le 17 novembre 2016: «Il n’y aura pas de retour à la paix en Syrie avec Bachar al-Assad.»
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