Témoignage Chute de Bachar al-Assad : "Ce jour restera gravé dans ma mémoire", raconte le Franco-Syrien Obeida Dabbagh

Le frère et le neveu d'Obeida Dabbagh ont été arrêtés, torturés et assassinés dans une prison en Syrie.
Article rédigé par franceinfo
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Des Syriens célèbrent l'effondrement du régime de Bachar al-Assad en Syrie, à Damas dimanche 8 décembre 2024. (MOHAMMED NAMMOOR / ANADOLU / VIA AFP)

Obeida Dabbagh ne pensait jamais voir ce jour. Le régime de Bachar al-Assad s'est effondré, dimanche 8 décembre, en Syrie face à l'offensive fulgurante de groupes rebelles menés par des islamistes radicaux, qui a mis fin à un demi-siècle de règne sans partage du clan Assad et plonge le pays dans l'incertitude. Obeida Dabbagh, Franco-Syrien de 70 ans, a vu son frère et son neveu, Mazen et Patrick, mourir sous les coups du régime dans les geôles syriennes. Il s'est battu pendant dix ans pour qu'un procès concernant leur disparition se tienne à Paris. Ce procès historique a eu lieu en mai condamnant à la perpétuité trois dignitaires du régime syrien.

franceinfo : Quelle est votre première réaction à cette chute du régime de Bachar al-Assad ?

Obeida Dabbagh : C'est une joie immense. Depuis cette nuit, avec toute la famille, on suit les événements. C'est vraiment un soulagement. Je pense aujourd'hui à mon frère, à mon neveu, à tous ces Syriens. On ressent vraiment une joie intense. Je ne peux pas vous le décrire. C'est quelque chose de presque irréel, la vitesse avec laquelle tout s'est fait. Je m'attendais à ce que ça prenne beaucoup plus de temps. Homs est tombé hier et je pensais que Damas allait être un peu plus long. Finalement, Damas a été la plus facile à tomber. Je suis très soulagé de voir les prisonniers dans les prisons syriennes être libérés. Il y a des personnes qui sont restées en prison presque 40 à 50 ans, ce sont les plus vieux prisonniers du monde.

"C'est une joie intense de voir ce tyran finalement tomber. J'espère que la justice internationale le rattrapera, lui et sa famille, et les condamnera."

Obeida Dabbagh, Franco-Syrien

à franceinfo

La Syrie est un Etat failli. Je plains les gens qui vont prendre le relais parce qu'il faut vraiment partir de pratiquement zéro, ça ne va pas être très facile. Mais, j'ai bon espoir que les choses aillent mieux.

Est-ce que vous avez pu parler avec des proches restés en Syrie ces dernières heures ?

Ils sont très contents. C'est eux qui nous ont appelés les premiers pour nous informer. Je pense que le peuple syrien tout entier doit être vraiment heureux, ainsi que tous les humanistes du monde entier. Ils voient ce jour où le régime a chuté après quatorze ans de dictature de Bachar al-Assad. Je n'ai connu pratiquement que le père et le fils comme président. On est restés avec le régime de ce tyran et cette famille vraiment mafieuse, tout ça pendant plus de 50 ans. C'est vraiment quelque chose d'historique. Ce jour restera gravé dans ma mémoire jusqu'au bout.

Je pense à mon frère et mon neveu, tout ce qu'ils ont subi, et toutes leurs souffrances. Ils ont payé pour que la Syrie soit libérée. Finalement, c'est l'émotion, la joie, tout ça se chamboule pour moi. Je ne pensais pas que ça arriverait aussi vite. Tant mieux pour le peuple syrien, tant mieux pour le monde. Que des gens comme ça commence à disparaître un peu partout dans le monde. J'espère que l'avenir sera meilleur pour tout le monde.

"J'espère qu'il y aura des condamnations plus tard en Syrie pour tous ceux qui ont participé avec Assad à la souffrance du peuple syrien."

Obeida Dabbagh

à franceinfo

Quand on voit que les groupes rebelles sont menés islamistes radicaux et prennent le pays, est-ce que cela vous inquiète également ? 

Je comprends l'inquiétude. Moi aussi, je suis inquiet. Le problème majeur, c'était la disparition d'Assad. Après, on verra. C'est un premier pas dans un cheminement qui sera assez long. Il y aura peut-être des soubresauts, mais au moins Bachar al-Assad est parti avec sa clique, et c'est ça le plus important. Pour le moment, j'ai bon espoir. Les premiers signes ont montré que les rebelles sont des Syriens qui ont quitté le pays il y a dix ou douze ans quand la révolution a commencé et qui ont maintenant plus de 20 ans. Il n'y a pas d'étrangers parmi eux. Ils ont pris les armes, ont été entraînés à Idlib et sont venus libérer le peuple syrien.

Vous n'avez jamais pu rentrer en Syrie, vous pensiez que ce serait à jamais impossible. C'est quelque chose que vous envisagez désormais ?

Bien sûr, je serai parmi les premiers à partir. On attend un peu que les choses se stabilisent. J'ai bon espoir même si les choses peuvent être inquiétantes pour beaucoup. Mais les premiers signes montrent que les choses peuvent bien se dérouler. On n'est jamais à l'abri d'une surprise donc laissons les choses se faire petit à petit. La chose la plus importante c'est la disparition du régime de Bachar al-Assad après on verra. Bien sûr, il faudra être sûr que les choses ne se dégradent pas, mais c'est déjà une première étape.

Le témoignage d'Obeida Dabbagh, au micro de Victor Matet

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