Les chrétiens de Syrie, alliés traditionnels d'Assad, affichent leurs doutes
Prônant pour l'essentiel le dialogue et la modération, les chrétiens hésitent encore à être présents dans la lutte contre le régime, taraudés par les conséquences inconnues du succès de la révolte.
Une statut honorable dans le pays
Lors de la mise en place du système alouite en 1963, le nombre de chrétiens en Syrie s'élevait à deux millions, un chiffre qui va en déclinant. Cette communauté est émiettée entre une douzaine d’églises, séparées ou liées à Rome.
Le pouvoir baasiste, issu également d'une minorité, cherchait des soutiens pour asseoir sa domination. Il va conclure une sorte de pacte tacite avec eux. Les chrétiens, qui bénéficient du fait que le régime n’est pas panislamiste mais panarabisme laïc, ne souffrent pas de discrimination. En échange, ils affichent une neutralité vis-à-vis du pouvoir. Les Assad jouent à leur égard la carte du rempart «contre le chaos», relève le professeur Mohamed Ajlani.
Toutefois, les années passant, leurs droits culturels et linguistiques sont rognés. En 2007 un décret les taxent (5.000 dollars) afin de continuer à être exemptés de service militaire. L’apport novateur de cette frange de la population n’a jamais été pris en compte. Occidentalisés et convertis aux idées libérales, les chrétiens n’ont jamais pu instiller d'avancées démocratiques au sein du régime répressif.
Les Chrétiens, amis particuliers des alaouites
Face au mouvement révolutionnaire qui a enflammé le pays en mars 2011, les chrétiens se sentent peu ou prou en porte-à-faux. Ils occupent une place non négligeable dans l'administration et offrent une belle réussite dans le monde des affaires.
Pourtant, par le passé, des opposants pacifiques sont sortis de leur rang. Michel Kilo a été condamné en 2007 à trois ans de prison pour ses prises positions en faveur d’une réforme radicale des relations libano-syriennes. Anwar Al-Benni a, lui, fait de la prison pour sa lutte pour les droits de l’Homme.
Les chrétiens méfiants face à la contestation
(AFP, le 3/05/2011)
La peur des islamistes
La crainte majeure des catholiques, des orthodoxes, des syriaques… est la dérive islamiste de la rébellion et l’inconnu du lendemain si le régime tombe. La préoccupation majeure de Mgr Jean-Clément Jeanbart, métropolite melkite grec-catholique d’Alep, est un renversement du régime d’Assad avec l'arrivée possible «de Frères musulmans dogmatiques».
Pour certains dignitaires religieux, des signes montrent que la situation évolue dans le mauvais sens. L’assassinat du Père Basilios Nassar, curé grec orthodoxe d’un village de la province de Hama, alors qu’il portait secours à un homme agressé par les insurgés dans une rue, a marqué les esprits. Les témoignages d’exactions à l’encontre des chrétiens se multiplient. Au Monastère de Saint-Jacques le Mutilé, on estime à plus de 230 chrétiens, le nombre des tués et des kidnappés contre rançon, à Homs
Certains religieux s'insurgent
Les atrocités commises par le régime étant chaque jour plus nombreuses, le sentiment de réprobation gagne du terrain dans la communauté. Certains religieux commencent à émettre des critiques contre Bachar al-Assad. Mgr Samir Nassar, archevêque maronite de Damas, s’est plaint dans son discours de Carême 2012 «de l’absence de mouvements caritatifs et de secours humanitaires».
Pour Mgr Jean-Clément Jeanbart, «avant on avait la sécurité. Aujourd’hui, ceux parmi les chrétiens qui ont les moyens et de l’argent s’en vont». Tous les observateurs ne sont pas aussi pessimistes quant à l’avenir. L’universitaire Nael Georges estime que les chrétiens ne devraient pas craindre l’arrivée des islamistes en Syrie car c’est un Etat pluriconfessionnel qui rend difficile l’instauration d’une prédominance politique islamiste. Il les encourage à lutter pour mettre fin au régime actuel.
Le Nonce apostolique de Damas, Mgr Mario Zenari, a affirmé le 10 février 2012, sur Radio Vatican, que «Les chrétiens de Syrie pourraient jouer un rôle de pont entre les protagonistes du conflit, car ils sont jusqu’ici respectés».
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.