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Nouvelles destructions de monuments par Daech à Palmyre: opération de diversion

Les militants du groupe Etat islamique ont détruit le Tétrapyle, l’un des plus célèbres monuments de la cité antique de Palmyre (centre de la Syrie), ainsi que la façade du théâtre romain. C’est ce qu’a annoncé le 20 janvier 2017 le conservateur des antiquités syriennes, Maamoun Abdoulkarim. Reste à comprendre la stratégie de l’organisation djihadiste…
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Le Tétrapyle, avant sa destruction par les djihadistes du groupe Etat islamique. Le monument avait été reconstruit par les autorités syriennes en 1963. Une seule colonne, sur les 16, était originale. Les autres étaient en ciment. (AFP - MANUEL COHEN - MCOHEN)

Daech avait repris la ville en décembre 2016 après en avoir été délogé en mars de la même année par les forces syriennes et des milices chiites. La cité était «mal protégée», affirme Libération

Edifié au IIIe siècle de notre ère, le Tétrapyle était l'un des monuments les plus emblématiques du site de Palmyre, classé au Patrimoine mondial par l’Unesco. Cet édifice, un carré avec quatre colonnes à chaque coin (une seulement, en granit d’Assouan, était originale), est situé à une intersection de la grande colonnade devant le théâtre romain. L’ensemble se trouve ainsi sur le cardo, la grande artère qui traversait la cité.

Photo satellite du Tétrapyle, l'un des plus célèbres monuments de la cité antique de Palmyre, après sa destruction par les djihadistes de l'EI. (UNITAR-UNOSAT/DigitalGlobe/Handout via Reuters)

Des images, prises par satellite et transmises par Maamoun Abdoulkarim à Reuters, montrent que l'édifice a été largement détruit. Seules subsistent quatre des 16 colonnes tandis que les socles de pierre sont désormais recouverts par des gravats. Les images montrent également d'importants dégâts infligés au théâtre romain dont plusieurs structures dominantes ont été détruites. Ce monument, qui compte neuf rangées de gradins, est daté du Ier siècle de notre ère.

Les destructions ont été perpétrées entre le 26 décembre 2016 et le 10 janvier 2017, selon la datation des images, a précisé le responsable archéologique syrien.

Lors de la précédente occupation, qui avait duré dix mois, les djihadistes avaient détruit plusieurs monuments dont la célèbre arche, vieille de 1800 ans et située près du temple de Bêl. Pour l’Unesco, les nouvelles destructions constituent «un crime de guerre et une immense perte pour le peuple syrien et l'humanité».

«Ce qui se passe (à Palmyre) est une vraie tragédie du point de vue de l'héritage culturel et historique mondial», a déclaré le porte-parole du Kremlin à des journalistes. Il a regretté que «les actions barbares se poursuivent». «D'après ce que nous savons, les forces syriennes n'ont pas abandonné leurs plans pour libérer cette ville des terroristes», a précisé le porte-parole.

Nouvelles provocations des djihadistes
Le 18 janvier, le groupe Etat islamique a assassiné au moins 12 personnes au cours d'exécutions mises en scène à Palmyre, a rapporté le lendemain l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH) cité par Reuters. Ces exécutions auraient eu lieu dans le théâtre romain.


Lors de la première occupation de la ville, de mai 2015 à mai 2016, l’EI avait déjà utilisé ce monument antique pour des exécutions publiques.

Depuis la reprise de Palmyre, la région est secouée par des affrontements. Le 16 janvier 2017, des attaques de Daech sur l’aéroport militaire de Tayfur ont tué au moins 20 soldats, selon l'OSDH. Tayfur se trouve sur une route stratégique d’approvisionnement entre Homs et Palmyre.

Les djihadistes tentent de s’emparer de Deir ez-Zor (plus grande ville de l’est du pays), dont ils contrôlent la majeure partie de la province depuis 2014. La bataille «mobilise des centaines d’hommes, certains venus de Raqqa, le cœur du califat autoproclamé. Ils tentent de chasser les soldats syriens de la dernière poche qu’ils contrôlent, dans la partie ouest de la ville. Ils ont profité de l’affaiblissement des défenses loyalistes ces trois derniers mois, al-Assad (le président syrien) et ses alliés (russe, iranien et du Hezbollah libanais) ayant focalisé leurs forces à Alep», rapporte Libération.

Les troupes loyalistes occupent encore à Deir ez-Zor une enclave où seraient enfermés quelque 80.000 habitants. Les raids aériens russes et du régime y sont continuels. Pour les entraver, les djihadistes «ont créé un écran de fumée au-dessus de leurs positions, en mettant le feu à des pneus et à des barils de brut» dans la partie qu'ils occupent dans la ville, selon l’OSDH.

Les habitants, terrifiés, affirment craindre «un massacre» semblable à ceux commis par les djihadistes en Syrie et dans l’Irak voisin. Dans ce contexte, les destructions de monuments à Palmyre et la mise en scène d’exécutions dans le théâtre romain peuvent être ainsi vues comme une manœuvre de diversion permettant aux membres de l’EI de mieux se concentrer sur Deir ez-Zor.

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