Trois questions sur le Ceta ratifié par le Parlement européen
Des dizaines d'opposants s'étaient rassemblés à Strasbourg pour protester contre cette ratification.
Journée décisive pour le Ceta. Le Parlement européen a adopté mercredi 15 février l'accord controversé de libre-échange entre l'Union européenne et le Canada. Au total, 408 eurodéputés ont voté pour et 254 se sont prononcés contre. Une grande partie du texte entrera donc en application provisoire, a priori dès le mois d'avril. Alors que plusieurs dizaines d'opposants à l'accord se sont rassemblés mercredi devant le Parlement européen, Franceinfo récapitule les enjeux de ce vote.
Attendez une seconde, c'est quoi le Ceta ?
Le Ceta (Comprehensive Economic and Trade Agreement, ou Accord économique et commercial global) est en quelque sorte le cousin éloigné du Tafta, le traité transatlantique entre l'UE et les Etats-Unis dont l'adoption a été repoussée l'été dernier en raison d'un calendrier jugé irréaliste et dont l'avenir semble fort compromis depuis l'élection de Donald Trump.
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Le Ceta vise à favoriser les échanges commerciaux entre l'Europe et le Canada. Plusieurs dispositions sont prévues en ce sens par ce texte de 2 256 pages, annexes comprises. La réduction drastique des droits de douanes, bien sûr, mais surtout une convergence des normes afin qu'une entreprise française n'ait par exemple plus qu'à faire passer une seule batterie de tests à ses produits pour les rendre conformes aux exigences canadiennes et européennes. Ces normes excluent ainsi le bœuf aux hormones, le poulet au chlore et autres OGM. Cela devrait entre autres permettre au Canada d'exporter dix fois plus de viande vers l'UE, et à l'Europe d'augmenter sensiblement la quantité de fromage vendue au Canada sans droit de douane, explique Le Monde.
Mais ce n'est pas tout. Le Ceta prévoit aussi une ouverture de 30% des marchés publics canadiens aux entreprises européennes, contre 10% aujourd'hui. Les marchés publics européens, eux, sont déjà ouverts à 90%. Enfin, le texte prévoit la création d'une juridiction arbitrale (ICS pour Investment Court System) chargée de régler les différends entre les Etats et les investisseurs.
Et pourquoi fait-il polémique ?
Contrairement au Tafta, le Ceta est a priori soutenu par une majorité d'eurodéputés, essentiellement ceux de droite, ainsi que les libéraux et la plupart des socialistes. Pour l'Allemand Manfred Weber, président du groupe du Parti populaire européen (classé à droite), le plus important du Parlement, le texte est "la réponse de l'Europe et du Canada à la politique de Donald Trump", "un modèle pour l'avenir, fondé sur la coopération, les valeurs et les standards communs".
Mais les Verts, l'extrême gauche, l'extrême droite et certains socialistes voteront contre. "Il y a à la fois trop d'incertitudes, trop de risques, trop d'insuffisances", résume le socialiste français Emmanuel Maurel. L'écologiste français Yannick Jadot est bien plus catégorique : il voit dans le Ceta "un risque majeur pour l'élevage européen et la santé européenne". Dans une vidéo ayant rencontré un grand succès sur Facebook, le candidat EELV à la présidentielle interpelle Jean-Claude Juncker au sujet des fameux tribunaux arbitraux amenés à être mis en place une fois que le traité aura été définitivement approuvé.
Que direz-vous [aux citoyens], M. Juncker, quand la Commission aura enfin fait son boulot sur les perturbateurs endocriniens et que Bayer et Monsanto la feront condamner pour les mesures prises ?
Yannick Jadotau Parlement européen
Une fois adopté par le Parlement européen, le Ceta entrera-t-il tout de suite en vigueur ?
En partie, mais il suffira d'un rien pour que la machine s'enraye. En attendant que les trente-huit parlements nationaux et régionaux compétents dans les Etats membres se prononcent sur le Ceta, l'UE a en effet la possibilité d'appliquer toutes les dispositions du texte qui relèvent uniquement de sa compétence, rapporte Le Monde. Le quotidien précise que cela concerne 95% de l'accord. Selon l'article 30.7 du texte, cette mise en œuvre partielle pourrait intervenir le mois suivant la ratification par les Parlements européen et canadien, c'est-à-dire en avril.
Parmi les mesures qui s'appliqueraient dès lors, on retrouve la baisse de nombreux doits de douane, la protection de 145 appellations d'origine contrôlée européennes au Canada, ou encore l'accès des entreprises européennes aux marchés publics canadiens. En revanche, le controversé mécanisme des tribunaux arbitraux ne sera pas mis en œuvre.
Mais la route du Ceta est encore longue et tortueuse. Lors du processus de ratification par les parlements régionaux ou nationaux, un seul vote de rejet entraînerait en effet l'arrêt de l'application provisoire de l'accord, et mettrait en péril son entrée en vigueur définitive, continue Le Monde. Un scénario loin d'être impossible, car l'Autriche et les Pays-Bas devraient organiser une ratification par référendum .
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