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Des canaux titanesques pour s'adapter à l'évolution du trafic maritime

L’Egypte a annoncé le mardi 5 août 2014 le lancement d’un projet d’extension du canal de Suez. Cette entreprise est le dernier d’une série de projets colossaux destinés à répondre à l’accroissement du trafic maritime international et au nouveau gigantisme des cargos.
Article rédigé par Titouan Lemoine
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Cette carte illustre la densité des routes de commerce maritime dans le monde. Le canal de Suez et le canal de Panama font partie des parties du globe les plus fréquentées. (Domaine Public)

Entre 2000 et 2010, la quantité de fret transportée par mer dans le monde est passée d’environ 6 milliards de tonnes à 8,5 milliards de tonnes. Une évolution qui se poursuit depuis, poussée par le développement économique global et les phénomènes de délocalisation de la production. Selon des études, le volume de fret transporté aura doublé entre 2005 et 2025.
 
Pour répondre à la demande croissante, les compagnies de transport maritime développent des cargos de la plus grande taille possible au coût de fonctionnement le plus réduit possible. L’exemple typique, la classe triple-E de Maersk, est capable de porter 2500 containers de plus que ses prédécesseurs en consommant 37% de carburant en moins. Mais cette nouvelle génération de navires est incapable de passer le canal du Panama, noeud crucial du trafic mondial.

Le Maersk Mc-Kinney Moeller, plus grande navire cargo au monde, ancré dans le port de Ningbo, en Chine. (IMAGINECHINA)
 
L’Egypte et le Panama, qui gèrent les deux canaux historiques du trafic mondial, doivent maintenant s’adapter. Dans le même temps, deux nouveaux projets, au Nicaragua et en Turquie, voient également le jour et espèrent capter leur part des milliards de dollars de revenus générés.
 
Le canal de Suez
Si le canal de Suez est assez large et assez profond pour laisser passer un porte-avion, il n’y a pas d’urgence à l’élargir. Pourtant, un nouveau plan d'aménagement vient d’être révélé pour le creusement d’un nouveau canal de 72 km à côté de la voie d'eau existante (163 km).
 
Une photo prise à bord du porte-avion Charles de Gaulle lors d'un passage du canal de Suez, en 2007. (AFP PHOTO/HO/FRENCH NAVY)

Le tout nouveau projet égyptien, dévoilé par le directeur de l’autorité de gestion du Canal de Suez, comprend également un élargissement et approfondissement de l'équipement existant et un aménagement des 76 000 kilomètres carrés de terrain vide qui l’encadrent. Le détail des travaux et leur coût n'ont pas encore été rendus publics par le gouvernement égyptien. A ce jour, le canal de Suez rapporte environ 5 milliards de dollars par an au pays.
 
Du côté de Panama
La situation du canal de Panama est plus urgente que celle de Suez. Depuis 2009, l'équipement opère à pleine capacité, et les encombrements conséquents à l'entrée augmentent les coûts et les temps de transport pour les compagnies maritimes. Après avoir régné sur la construction navale, la norme « Panamax » (la taille maximale d’un bateau qui puisse franchir le canal) est désormais considérée comme dépassée par de nombreux constructeurs. Pour pouvoir accueillir les navires « Post-Panamax », le canal doit subir des aménagements massifs.

Le cuirassé américain USS Missouri franchit, tout juste, le canal de Panama en 1945. Depuis, de nombreux navire ont dépassé la norme Panamax. (Domaine Public)
 
Le projet actuellement en cours et dont la mise en service est prévue pour 2015 doit doubler les flux dans le canal. Le plus important aménagement est la construction de deux nouvelles écluses, côté Atlantique et côté Pacifique, mesurant plus du double de la taille des écluses actuelles. Le projet comprend aussi le creusement de nouvelles voies d'eau et l’élargissement de celles existantes, ainsi qu’une augmentation des capacités de lac naturel de Gatun par lequel les navires transitent. Au total, l’aménagement du canal coûtera plus de 5,25 milliards de balboas panaméens (environ 4 milliards d’euros).
 
Après la construction des nouvelles écluses, des cargos pouvant porter jusqu’à 13000 containers pourront emprunter le canal, contre une limite à 5000 containers auparavant. Cette norme « New Panamax » sert déjà de standard à l’industrie navale et de nombreux ports commerciaux (New York, Southampton, Baltimore…) ont déjà entamés des travaux pour les respecter. Cela dit, les supertankers les plus larges et les Maersk Triple-E seront toujours trop larges, et resteront réservés au canal de Suez.
 
Le canal du Nicaragua
Le canal de Panama aura bientôt un concurrent sur la voie Atlantique-Pacifique. Le vieux rêve d’un canal venu de l’Atlantique passant par le fleuve San Juan pour rallier le lac Nicaragua puis le Pacifique est en passe de devenir réalité. En 2013, le Parlement du Nicaragua a approuvé une concession de 50 ans (extensible pour 50 nouvelles années) à la compagnie chinoise Hong Kong Nicaragua Canal Development Investment Company (HKND) en échange de la construction du canal.
 
La rivière San Juan est alimentée par le Lac Nicaragua et se jette dans la mer des Caraïbes. C'est la principale voie d'eau du Nicaragua, dont elle concentre une forte partie de la population. (DEGAS JEAN-PIERRE / HEMIS.FR)

Le parcours définitif du canal n’est pas encore retenu, mais il serait environ trois fois plus long (300km) que le canal de Panama. Il serait également plus large et plus profond, permettant le passage des plus gros navires au monde. Le coût estimé est d’environ 40 milliards de dollars. Les travaux doivent commencer en décembre 2014 et s’achever d’ici à 2020.
 
Dans l’opération, le Nicaragua conserve des intérêts dans HKND, et une grande partie des revenus issus du canal. Le gouvernement du pays voit dans ce projet titanesque un moyen de doper son économie, la plus mauvaise d'Amérique centrale et la deuxième plus pauvre des Amériques devant Haïti. Les chiffres les plus optimistes tablent sur la création de 200 000 emplois.
 
Toutefois, de nombreux experts soulignent les considérables dangers environnementaux du projet. Les parcours envisagés passent à proximité d’une série de réserves naturelles et devraient raser 400 000 hectares de forêt vierge. Les travaux dans le lac Nicaragua pourraient également mettre en danger la plus grande source d’eau douce de la région. En gage d’assurance, HKND a annoncé avoir pour partenaire le plus grand cabinet mondial de gestion des risques environnementaux.


 
Le canal d'Istanbul
Avec « seulement » 48 kilomètres de longueur, le projet turc est de dimensions relativement réduites par rapport à ses colossaux concurrents. C’est également un des plus vieux projets de canal non encore réalisés, envisagé dès le XVIe siècle par Soliman le Magnifique.
 
Le canal d’Istanbul doit relier la mer Noire à la mer de Marmara. Il est conçu pour soulager le Bosphore, surencombré, d’une grande partie du trafic commercial qui y transite aujourd'hui. La navigation du détroit sera rendue aux Stambouliotes et aux bateaux les plus petits. Avec une profondeur de 25 mètres et une largeur de 150 mètres, l'équipement envisagé est supposé pouvoir accueillir les plus gros supertankers au monde.
 
Le lancement de l'opération a eu lieu en 2013, et devrait être achevée en 2023, pour les 100 ans de la République Turque. Selon le gouvernement de Recep Tayyip Ergogan, le projet, d’un montant de 10 milliards de dollars, a été intégralement financé par des sources turques. Pour réduire les coûts, l’Etat devrait notamment utiliser l’armée turque pour les plus importantes opérations de creusement.

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