"Ils ne parlent que du foulard" : en Turquie, le voile de retour au cœur du débat politique avant les élections
Dans un pays écrasé par la crise économique, garantir le port du voile n'est pas une demande pressante des électeurs, comme le confirme la sociologue Ipek Mercil, professeure à l'université Galatasaray. "La question du voile, c'était oublié. Les femmes travaillent avec leur voile dans le secteur public, dans le secteur privé, peuvent suivre leurs études. Donc il n'y a aucun obstacle pour une femme voilée. C'était disparu de l'agenda", confirme-t-elle.
C'est le président Recep Tayyip Erdogan qui a levé les interdits et permis aux femmes portant le foulard islamique d'étudier à l'université ou de travailler dans la fonction publique. Le débat était donc apaisé et il n'est pas rare de croiser dans les cafés ou dans la rue des jeunes femmes voilées et non voilées, bras dessus, bras dessous. Dans le centre commercial où elle retrouve ses amis, Zeynap n'en revient pas. "Ils ne parlent pas de nous donner davantage de droits. Ils ne parlent que du foulard, comme si c'était réellement important pour nous, ce n'est plus le cas", relève la jeune communicante voilée.
Le président Erdogan profite de l'occasion
Le paradoxe, c'est que le sujet a été lancé par l'opposition. Le chef du parti CHP, Kemal Kılıçdaroğlu promet, s'il est élu, une loi pour garantir le droit des femmes de porter le voile dans la fonction publique. Il entend par là, rassurer la frange la plus conservatrice de la société à quelques mois des élections. Du pain béni pour le président Recep Tayyip Erdogan, qui s'engouffre dans la brèche et fait de la surenchère en proposant d'amender la Constitution pour protéger le voile et la famille. Une dérive que dénonce Ipek Mercil. "Quand on dit protection de la famille, dans le monde entier pour tous les gouvernements conservateurs : il y a l'avortement, il y a la contraception, il y a le divorce. Donc c'est pour ça qu'on est inquiets", confie la sociologue turque. Recep Tayyip Erdogan entend même soumettre la question à référendum, au risque de réveiller de vieilles fractures et de polariser la société.
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