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"Si on en est là, c'est bien de leur faute" : à Istanbul, ces électeurs d'Erdogan qui se détournent du parti au pouvoir

Les électeurs à Istanbul votent une nouvelle fois dimanche pour élire leur maire, après l'annulation d'un scrutin remporté par un opposant du président Recep Tayyip Erdogan. Une partie de l'électorat conservateur doute de son choix. 

Article rédigé par Eric Biegala
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
Un bureau de vote d'Istanbul, dimanche 23 juin, lors de l'élection municipale. (ADEM ALTAN / AFP)

Üsküdar, sur la rive asiatique du Bosphore. C'est l'une des 39 municipalités d'Istanbul, l'une des plus anciennes aussi, qui compte 540 000 habitants aujourd'hui, sur les 15 millions d'habitants d'Istanbul. Une population plutôt classe moyenne et plutôt franchement conservatrice. Üsküdar vote pour les municipales, dimanche 23 juin, comme toutes les autres communes d'Istanbul. Un premier scrutin le 31 mars dernier avait vu la victoire du candidat d'opposition Ekrem Imamoglu, face à Binali Yildirim, candidat du président, Recep Tayyip Erdogan. Le résultat avait été invalidé après des recours du parti islamo-conservateur.

A Üsküdar, on porte foulard pour les femmes, barbe et calot pour les hommes. Les partis islamistes ou conservateurs ont toujours eut le vent en poupe. On y vote aujourd'hui majoritairement pour le Parti de la Justice et du Développement (AKP), le parti du président Erdogan au pouvoir depuis 2002. Et avant, on votait déjà majoritairement pour son prédécesseur dans la veine islamiste, le Parti de la prospérité. Mais les choses sont peut-être en train de changer.

"Je votais jusque-là pour l'AKP mais plus maintenant"

Sur la grande esplanade, face au Bosphore, entre les deux mosquées historiques du quartier, Esra, 25 ans étudiante dans une université réputée islamiste, issue d'une famille conservatrice et qui n'a jamais connu que l'AKP, exprime ses doutes. Elle n'est finalement pas tout à fait sûre de vouloir à nouveau voter pour le candidat de l'AKP à la mairie d'Istanbul, l'ancien Premier ministre Binali Yildirim. "Je pense que je vais voter pour Binali Yildirim... à moins que je ne change d'avis au dernier moment. C'est très émotionnel tout ça. Dans l'isoloir, je peux parfaitement changer d'avis. En fait, j'aime beaucoup Imamoglu. J'aime bien comment il parle, j'aime bien son style, tout ça... Le seul problème pour moi c'est l'alliance qu'il a fait avec le HDP, les Kurdes; C'est pour ça que j'hésite encore. Le plus important, c'est de choisir le meilleur homme pour le pays, bien sûr. Et s'il n'avait pas fait alliance avec les Kurdes, c'est sûr, j'aurais certainement voté pour Imamoglu."

Le candidat d'opposition Imamoglu n'a pas précisément fait alliance avec le parti kurde mais le parti prokurde HDP a appelé, comme en mars, à voter pour lui. Un peu plus loin sur l'esplanade, Yusuf, la cinquantaine, plombier au chômage, a lui décidé de sauter le pas : ce dimanche il vote pour le candidat d'opposition Ekrem Imamoglu. "Je votais jusque-là pour l'AKP mais plus maintenant. Regardez la Turquie : on est en crise, il y a du chômage partout... Moi j'ai été viré il y a deux mois ; le patron n'avait plus de contrats, il a dû me licencier. Et si on en est là c'est bien de leur faute, à l'AKP ! L'AKP est au pouvoir depuis très longtemps, ici à Istanbul. Pourquoi ne pas essayer autre chose ?"

Lors du scrutin précédent le 31 mars dernier, le candidat de l'AKP était arrivé en tête à Üsküdar, comme d'habitude, avec 48 % des suffrages. Mais le candidat du parti laïc d'Imamoglu était juste derrière avec 45% des voix. Il n'est pas impossible que cette fois, le candidat du parti laïque d'Ekrem Imamoglu arrive en tête du scrutin à Üsküdar. Ce serait une première dans ce fief islamiste.

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