Turquie : "Il y a une nette dégradation" du climat avec le pouvoir qui s'en prend "dans des proportions effarantes" aux médias
Olivier Bertrand, journaliste et cofondateur du site Les Jours est revenu, jeudi à franceinfo, sur la détention de Mathias Depardon en Turquie, une situation qu'il a vécue en avril dernier.
Le photojournaliste français Mathias Depardon est emprisonné(Nouvelle fenêtre) depuis le 8 mai en Turquie. Le président turc Recep Tayyip Erdogan a promis d'examiner "rapidement sa situation" après une rencontre avec Emmanuel Macron(Nouvelle fenêtre), dans l'après-midi du jeudi 25 mai, a indiqué l'Elysée à franceinfo.
Olivier Bertrand, journaliste et cofondateur du site Les Jours, a été lui-même incarcéré en Turquie en avril dernier, puis expulsé(Nouvelle fenêtre). Pour lui, "il y a une nette dégradation" du climat en Turquie avec le pouvoir qui s'en prend "dans des proportions effarantes" aux médias turcs, a expliqué le journaliste, jeudi 25 mai sur franceinfo.
franceinfo : Pour vous, est-ce que le pouvoir turc s'en prend volontairement aux journalistes étrangers ?
Olivier Bertrand : Il y a une vraie ressemblance, au départ, entre les ennuis de Mathias Depardon en Turquie et les miens. Il y a cette même impression que le pouvoir utilise des prétextes. Dans un premier temps, on a reproché à Mathias Depardon d'avoir pris des photos dans un endroit non autorisé. En fait, cela ne tenait pas. On lui a donc reproché, dans un second temps, de ne pas avoir d'autorisation, soit plus de carte de presse. En fait, il avait fait une demande de renouvellement. Alors, dans un troisième temps, on est allé chercher des photos qu'il avait faites avec des mouvements kurdes il y a quelques années. Le procureur l'a finalement relâché. Pourtant, il est encore retenu en Turquie.
Le climat est-il de plus en plus inquiétant en Turquie ?
Il y a une nette dégradation. Le pouvoir s'en est pris dans des proportions effarantes à des médias turcs. Certains ont été fermés, rachetés, ou placés sous tutelle. Des journalistes ont été arrêtés pour un article ou un simple tweet. 158 journalistes turcs sont en prison d'après le décompte que font les ambassades étrangères à Ankara. Une fois que toute la presse turque a été muselée, la pression vient aujourd'hui peser sur les épaules de la presse étrangère. On a refoulé le nouveau correspondant du New York Times. On a mis en prison le correspondant du Spiegel. Pour ma part, j'ai été expulsé deux fois. Je pense que le message est clair : "Ne venez plus travaillez ici sur ce qui nous dérange."
La Turquie peut-elle garder longtemps Mathias Depardon en prison ?
Peut-être que le pouvoir turc attend la rencontre entre Erdogan et le nouveau président français. Cela peut accélérer les choses. J'espère que ce sera le cas. Actuellement, on est dans une procédure administrative, mais on est dans des zones de non-droit avec le pouvoir turc. La justice ne reproche rien à Depardon, mais c'est le ministère de l'Intérieur, via la direction des Affaires migratoires, qui a décidé de ne pas le remettre en liberté. Là, il est dans un centre de rétention où j'avais été retenu quelques jours également.
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