Turquie : l'arrestation du photojournaliste Mathias Depardon témoigne "du harcèlement croissant des journalistes étrangers"
Pour Johan Bihr, de Reporter sans frontières, l'arrestation du photojournaliste Mathias Depardon symbolise la volonté des autorités "d'envoyer des signaux d'intimidation".
Alors que la Turquie a annoncé, jeudi 12 mai, vouloir expulser le photojournaliste français Mathias Depardon, arrêté mardi, Johan Bihr, responsable du bureau Europe de l'Est et Asie centrale au sein de Reporter sans frontières, estime que cette interpellation est "le dernier témoignage en date du harcèlement croissant des journalistes étrangers par les autorités turques".
franceinfo : Pourquoi Mathias Depardon a-t-il été arrêté ?
Johan Bihr : C'est une bonne question ! Il était en train de faire un reportage sur les fleuves Tigre et Euphrate, pour le National Geographic, dans le sud-est de la Turquie, quand il a été arrêté. Il avait, pourtant, dûment prévenu les autorités de son passage. Mais c'est une région non loin de la frontières syrienne où les autorités sont particulièrement sur les dents. Surtout, son arrestation est le dernier témoignage en date du harcèlement croissant des journalistes étrangers par les autorités turques : plusieurs dizaines de journalistes étrangers ont été expulsés depuis maintenant un an et demi, deux ans, sans motifs.
Est-ce que, aujourd'hui, vous déconseilleriez aux journalistes français de se rendre en Turquie ?
Non, surtout pas : il faut que les journalistes continuent de se rendre en Turquie et de faire leur travail, mais effectivement, on note avec beaucoup d'inquiétude, et nous condamnons très fermement, cette attitude des autorités turques vis-à-vis des journalistes étrangers.
Il y a, très clairement, une volonté d'envoyer des signaux d'intimidation, justement, en multipliant ce genre de procédures.
Johan Bihrà franceinfo
Mathias Depardon aura fait cinq jours derrière les barreaux pour rien. Entre-temps, il aura même été mis en cause pour propagande terroriste parce que les policiers sont tombés sur des vieilles photos qu'il avait prises et qui avaient été publiées dans des médias français de militantes kurdes. Des photos, évidemment, faites dans le cadre de ses activités journalistiques, et qui n'ont rien à voir avec de la propagande terroriste. Mais, pour lui mettre un peu plus la pression, les autorités n'ont pas hésité à recourir à ce genre d'argument. Il faut effectivement savoir que ça fait, maintenant, partie des risques du métier, surtout pour les journalistes qui vont dans le sud-est de la Turquie, cette région qui est non loin de la frontière syrienne et qui est en proie aux affrontements entre les autorités turques et les Kurdes du PKK.
La France a-t-elle son mot à dire dans ce genre d'affaires ?
Oui, il s'agit d'un ressortissant français, donc les autorités diplomatiques et consulaires ont été immédiatement saisies. Nous avons été en contact avec elles, et elles ont fait ce qu'elles pouvaient pour demander à la partie turque des explications. Maintenant, il y a, évidemment, un message diplomatique à faire passer, non seulement de la part de la France, mais de la communauté internationale pour souligner que ce genre de comportement est inacceptable et que la liberté de la presse fait partie intégrante des engagements de la Turquie en tant que signataire d'un certain nombre de conventions internationales.
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