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Pour quelles raisons les avions se crashent-ils ?

Le grave accident survenu samedi à San Francisco matérialise les angoisses de beaucoup de phobiques de l'avion. A raison ?

Article rédigé par Marion Solletty
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Le Boeing 777 d'Asiana Airlines après son crash sur la piste d'atterrissage de l'aéroport international de San Francisco, le 6 juillet 2013. (JOSH EDELSON / AFP)

De l'intérieur de l'avion, les passagers du vol 214 d'Asiana Airlines ont vu se dérouler le crash de leur propre appareil : l'arrivée au-dessus de l'eau, une accélération subite, puis le choc avec le sol. L'accident, spectaculaire, a fait deux morts et 182 blessés, samedi 6 juillet, à San Francisco (Etats-Unis).

Pour les phobiques de l'avion, l'information est d'autant plus anxiogène que les passagers n'avaient aucune raison particulière de s'inquiéter : une compagnie jugée fiable, un aéroport international parmi les plus fréquentés des Etats-Unis, un temps dégagé... tous les voyants semblaient au vert.

"Ce genre d'accidents vient semer le trouble, car ce sont des compagnies qui ont une image assez lisse", confirme François Nénin, journaliste d'investigation, spécialiste de la sécurité aérienne et auteur de Ces avions qui nous font peur, les dossiers noirs du transport aérien (Flammarion), interrogé par francetv info.

De fait, les catastrophes aériennes, rares mais meurtrières, ne sont pas toujours provoquées par les causes ou dans les circonstances qu'on imagine, comme l'avion poubelle ou l'atterrisage de fortune dans un aéroport délabré. Francetv info s'est plongé dans les statistiques de la sécurité aérienne pour définir où, quand et comment ce type d'accident a le plus de risque d'arriver.

L'erreur humaine, première cause de crash

Les premiers éléments donnés par les autorités américaines et les témoignages recueillis permettent de retracer les instants précédant l'accident de San Francisco. L'avion a amorcé son atterrissage à une vitesse anormalement faible, avant que les pilotes renoncent et remettent les gaz, semblant vouloir reprendre les airs. L'appareil a alors heurté lourdement le sol.

Problème technique ou erreur d'appréciation du pilote, débutant sur cet appareil ? Il est encore beaucoup trop tôt pour le dire. Mais statistiquement, la deuxième hypothèse est la plus probable : selon un rapport de l'autorité britannique de régulation aérienne, la Civil Aviation Authority (PDF en anglais), publié en juin 2013, une erreur d'appréciation ou de manipulation de l'équipage a été identifiée comme "cause principale" dans 52% des accidents d'avion mortels survenus entre 2002 et 2011. A titre de comparaison, les conditions météorologiques ou environnementales n'ont représenté la cause principale que dans 5% des cas, et les défaillances moteur 4%. 

Mais pour François Nénin, la responsabilité de ce type d'erreur ne devrait pas porter sur les épaules du seul pilote. "L'erreur humaine concerne aussi la gestion en vigueur au sein de la compagnie. Elle consiste parfois à diminuer les heures de formation, à adopter de mauvaises méthodes de gestion des équipes... Et ça, on ne veut jamais le regarder en face dans les enquêtes. Les pilotes, qui meurent souvent dans le crash, sont des coupables idéals."

L'atterrissage et le décollage, phases très critiques

Sans compter que beaucoup d'accidents s'expliquent par la combinaison de plusieurs facteurs. Ainsi, l'enquête sur le crash du vol d'Air France Rio-Paris, qui a fait 228 morts en 2009, avait conclu à une défaillance des sondes Pitot, mesurant la vitesse, aggravée par la mauvaise réaction de l'équipage à la situation anormale qui en résultait.

Du point de vue du pilotage, certaines étapes du vol sont plus critiques que d'autres. L'atterrissage constitue ainsi la phase la plus critique, comme l'illustre tragiquement l'accident survenu à San Francisco. D'après les données récoltées par l'avionneur Boeing, 37% des accidents mortels ont lieu pendant la phase d'approche finale ou d'atterrissage à proprement parler. Seulement 16% se produisent pendant la phase de croisière, comme ce fut le cas pour le vol Rio-Paris.

L'avion en Afrique, 15 fois plus risqué qu'aux Etats-Unis

En cas de situation problématique, la formation des pilotes au sein de la compagnie aérienne et, indirectement, la surveillance exercée par les autorités de contrôle est cruciale. Sans parler des infrastructures qui, lorsqu'elles sont inadéquates, posent un risque supplémentaire.

Sur ces derniers points, la situation est loin d'être homogène sur l'ensemble du globe. L'Afrique est ainsi une zone particulièrement à risque : la probabilité d'y avoir un accident mortel y est plus de 15 fois supérieure à celle observée aux Etats-Unis ou en Europe, selon le rapport annuel de l'Agence européenne de la sécurité aérienne (en anglais)

"Nous ne sommes pas tous égaux en termes de sécurité aérienne", confirme François Nénin. Pour autant, avertit l'expert, les risques dans ce domaine ne sont pas l'apanage du continent africain ou de l'Asie centrale. "Il y a un vent de libéralisme qui souffle en matière [de régulation] en Europe", explique-t-il, citant notamment de nouvelles règles concernant les heures minimales de formation pour les pilotes.

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