Drones dans le nord-est des États-Unis : le mystère demeure, les théories du complot s'emballent

Les mystérieux drones observés dans le ciel américain ces dernières semaines alimentent les théories complotistes comme le "projet Blue Beam".
Article rédigé par Camille Laurent
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
Un drone à proximité de la statue de la Liberté à New York, en août 2016. (KENA BETANCUR / AFP)

D'où viennent ces lumières mystérieuses dans le ciel des États-Unis dont les vidéos envahissent les réseaux sociaux ces dernières semaines ? Outre-Atlantique, les signalements des objets volants non identifiés par des habitants du New Jersey ou de la région de New York se multiplient et, depuis la mi-décembre, la polémique enfle. Les autorités ne parviennent pas à rassurer complètement et des théories plus ou moins complotistes, comme le "projet Blue Beam", fleurissent.

La complosphère agitée par le "projet Blue Beam"…

"Que pensez-vous des drones dans le New Jersey ? Projet #BlueBeam ?", interroge le message qui accompagne une vidéo partagée sur X et visionnée des centaines de milliers de fois depuis le dimanche 15 décembre. On y voit des nuées de lumières survolant des gens visiblement affolés. Mais cette vidéo a été identifiée et ne dépeint pas du tout le ciel américain : il s'agit en fait d'images montrant des missiles iraniens visant Israël en octobre dernier.

Il reste que le "projet Blue Beam" (littéralement, le "projet du faisceau bleu" en français) est régulièrement cité pour donner un sens au phénomène. Il a été inventé par Serge Monast, un auteur complotiste canadien, dans un livre homonyme, Le projet Blue Beam de la Nasa, paru en 1994. "Ça n'existe pas, tranche d'emblée, Rudy Reichstadt, journaliste, directeur du site Conspiracy Watch et co-animateur du podcast Complorama.

"Le 'projet Blue Beam' est une théorie du complot inventée de toutes pièces il y a une trentaine d'années."

Rudy Reichstadt, directeur de Compiracy Watch

à franceinfo

Selon Serge Monast, "un complotiste radical qui est mort depuis, souligne Rudy Reichstadt, l'ONU, la Nasa et les gouvernements travailleraient à instaurer une religion universelle 'New Age', un régime totalitaire diabolique, qui serait dirigé par l'Antéchrist afin de réduire l'humanité en esclavage". L'un des axes pour y parvenir serait, complète le journaliste, "la projection d'hologrammes dans le ciel de différentes parties du monde afin de manipuler la population mondiale, en lui faisant notamment croire à une invasion extraterrestre, avant de la soumettre définitivement."

Cette théorie d'abord confidentielle a connu une notoriété post-mortem et s'est répandue grâce à l'essor d'internet. "On l'a vue ressurgir début 2023", note le directeur de Compiracy Watch, au moment de l'incident du ballon venu de Chine survolant les États-Unis avant d'être abattu.

… ainsi que par d'autres croyances

Concernant ces phénomènes observés dans le ciel, d'autres théories du complot tentent de les expliquer. Pour Rudy Reichstadt, "c'est intéressant car le mythe du 'projet Blue Beam' est en conflit avec un autre mythe complotiste : celui selon lequel les extraterrestres sont déjà parmi nous et sont organisés dans ce qu'ils appellent une 'fédération galactique'". Tandis que "les tenants du 'projet Blue Beam' ne croient pas aux extraterrestres, qu'on utilise selon eux pour accélérer un projet totalitaire de domination universelle, les autres croyants pensent que c'est vraiment des extraterrestres", souligne le journaliste.

Les gens tendent à croire davantage ces théories du complot car ils y sont plus exposés avec internet, et l'avancée technologique les rend plus concevables. "Ce n'est plus inimaginable de voir des drones reliés pour faire des animations bluffantes qui peuvent faire penser à des hologrammes géants dans le ciel, admet Rudy Reichstadt, mais il n'y a pas le début de commencement d'une preuve de ce qu'avancent Serge Monast et les autres. Le plus logique, c'est de penser que ce sont des drones et d'essayer de comprendre d'où ils viennent", conclut le directeur de Conspiracy Watch.

Un mystère aux conséquences concrètes

Les autorités américaines cherchent à rassurer la population à propos de ces drones aperçus dans le nord-est des États-Unis, mais elles sont accusées de ne pas fournir de réponse suffisante. Depuis jeudi dernier, certains élus républicains alimentent la panique en agitant la menace de l'implication d'un État étranger, comme l'Iran, la Russie ou encore la Chine, qui serait derrière ces drones non identifiés, sans élément pour l'étayer. Vendredi, un petit aéroport de l'Etat de New York doit carrément fermer ses pistes pendant une heure à cause de l'apparition de "nouveaux drones".

Donald Trump s'invite à son tour dans la polémique, en appelant à "abattre" ces drones vendredi et en suggérant que "le gouvernement sait et souhaite garder le suspense". Le président élu annonce par la suite qu'il renonce, par précaution, à se rendre le week-end suivant dans son golf de Bedminster, situé à l'est de New York, jugeant qu'il "se passe quelque chose d'étrange".

"Il y a plus d'un million de drones légaux dans le pays et chaque jour plusieurs milliers volent de manière légale et autorisée"

John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale

à la Maison Blanche

"Nous essayons en toute bonne foi d'être aussi ouverts et directs que possible", déclare lundi un porte-parole de la Maison Blanche. Et, mardi, les agences fédérales affirment une nouvelle fois que les drones ne représentent "pas de risque pour la sécurité nationale". "Les observations faites à ce jour comprennent une combinaison de drones commerciaux légaux, de drones d'amateurs et de drones des forces de l'ordre, ainsi que des planeurs, des hélicoptères et des étoiles identifiés par erreur comme étant des drones", ajoutent la police fédérale, le ministère de la Sécurité intérieure, le ministère de la Défense et la FAA (le régulateur américain de l'aviation) dans un communiqué conjoint.

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