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Etats-Unis: Donald Trump entre téléréalité et Twitter…

Donald Trump, qui entre en fonction le 20 janvier 2017 comme président des Etats-Unis d’Amérique, est assurément un homme de médias. Il fait un usage frénétique de Twitter. Et c’est grâce à la télé-réalité, aux commandes de l’émission «Celebrity Apprentice» sur NBC, qu’il s’est fait connaître du grand public. Explications.
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Donald Trump pendant sa première conférence de presse comme président élu à New York, le 11 janvier 2017. (REUTERS  - Shannon Stapleton)

Sans craindre le mélange des genres ni le conflit d’intérêts, Donald Trump a fait savoir que même en siégeant à la Maison Blanche, il resterait producteur exécutif du programme de télé-réalité The Celebrity Apprentice (mot-à-mot Apprenti célébrité). Il faut dire que la télé-réalité lui a permis de se faire connaître dans l’Amérique profonde qui l’a porté au pouvoir.

Il a tenu les rênes de The Celebrity Apprentice pendant plus d’une décennie, entre 2004 et 2015, quand il s’est lancé à la conquête de la Maison Blanche. L’émission, qui attirait en moyenne 28 millions de téléspectateurs, le mettait en scène «dans son propre rôle de magnat de l’immobilier», explique Marianne. «Une télé-réalité comme en raffolent les Américains. Cruelle à souhait, elle faisait s'affronter des candidats dans le but de décrocher un poste dans une des sociétés de Trump.» 

Chaque show se terminait immuablement de la même manière: assis dans un grand fauteuil, le businessman «faisait face aux candidats assis côte à côte, tels des prisonniers alignés face au peloton d'exécution. Entouré de ses deux conseillers, l'entrepreneur tranchait dans le vif.» En prononçant, sur fond de musique dramatique, une phrase devenue mythique: «You are fired!» («Vous êtes viré!»).


Il est ainsi «devenu l’incarnation du self-made man milliardaire, autoritaire mais juste, humiliant quand il le fallait, intransigeant quand il s’agissait de gagner», analyse Le Monde.

The Apprentice a fait de l’apprenti un professionnel. Tout en lui permettant d’entretenir le culte de sa personnalité. Le culte d’un homme qui s’y est «montré outrancier, impulsif, narcissique et peu informé» (Le Temps). Tout en n’hésitant pas à instrumentaliser la réalité en fonction de ses propres besoins, comme on l’a vu tout au long de la campagne présidentielle américaine. Sa candidature rappelle que «la politique ne ressort pas forcément du domaine du rationnel», explique le journaliste Paul Berman dans un long article publié dans la revue Tablet

Contre les médias
S'il aime la télévision, Donald Trump n'aime pas les journalistes. On l’a ainsi vu le 11 janvier 2017 pendant sa première conférence de presse comme président élu des Etats-Unis. Il a ainsi refusé de répondre à une question du représentant de CNN Jim Acosta en le rabrouant avec un vigoureux: «Silence! (…) Je ne vous laisserai pas la parole». Et ce alors que ce dernier le suppliait de lui «laisser une chance».
 


La presse n’est pas en reste vis-à-vis de lui. Une grande majorité des médias américains avaient ainsi pris position contre le candidat républicain pendant la campagne.

Dans ces conditions, rien d’étonnant à ce que le futur locataire de la Maison Blanche soit un grand adepte de Twitter. Un «média social», comme l’on dit en anglais, sur lequel il est suivi par 19,7 millions de personnes. Et qui lui permet à la fois de communiquer ses vues diplomatiques à la terre entière. Mais aussi de s’adresser à ses partisans en temps réel sans passer par le filtre journalistique…
 

Compte Twitter de Donald Trump (capture d'écran) (DR (capture d'écran))


Le 13 janvier 2017, une semaine avant de prendre possession du Bureau ovale, il annonçait ainsi que le fameux «Care Act», plus connu sous le nom d’«Obama Care», «appartiendrait bientôt à l’Histoire!»


Réagir à chaud et en direct
Sur Twitter, Donald Trump réagit sur tout. Et sur rien. Le 6 janvier, il s’est moqué de l’acteur Arnold Schwarzenegger, qui a attiré beaucoup moins de monde que le businessman lors de sa première aux commandes de Celebrity Apprentice. Les audiences de l'émission ont plongé de 21% par comparaison à la dernière de Donald Trump, diffusée en janvier 2015.

L’homme d’affaires n’hésite ainsi pas à réagir à chaud et en direct. Dans ses tweets, il qualifie les médias de «malhonnêtes» ou le sénateur démocrate Chuck Schumer de «clown». Tout en portant des accusations de fraude électorale non étayées. Il n'hésite pas non plus à s'en prendre, dans une série de tweets, à une icône du mouvement des droits civiques aux Etats-Unis, le représentant démocrate John Lewis. Lequel avait fait savoir qu'il n'assisterait pas à la cérémonie d'investiture: à ses yeux, Donald Trump n'est pas «un président légitime». 

«Le parlementaire John Lewis ferait mieux de passer du temps à s'occuper d'aider sa circonscription, qui est dans une situation terrible et qui se délite (sans mentionner le fait qu'elle est infestée par le crime) plutôt que de se plaindre à 
mauvais escient des résultats de l'élection. Paroles, paroles, paroles - pas d'action ni de résultats. Triste!», avait tweeté Donald Trump.
 

«Cela ne semble pas être dans sa nature de réfléchir deux fois à ce qu'il (envoie) et aux raisons qu'il a de le faire», analyse l’universitaire Daniel Kreiss, professeur à l’université de Caroline du Nord cité par l’AFP.

Avant Donald Trump, Barack Obama a incontestablement été le premier président de l'ère des réseaux sociaux. Depuis 2007, il a tweeté plus de 15.000 fois, soit plus de quatre fois par jour en moyenne. Mais le président sortant s'appuie sur une équipe dédiée. Il est d’ailleurs très rare qu'il tweete lui-même: chaque message écrit de sa main est identifié par les initiales BO (pour Barack Obama).

Donald Trump à la fin de sa conférence de presse à New York le 11 septembre 2016.EUTERS/Shannon Stapleton (REUTERS - Shannon Stapleton)

Points d'exclamation et majuscules
Le ton employé par son successeur sur son compte Twitter est souvent sensiblement différent, beaucoup plus offensif, animé et personnel. Les points d'exclamation et les mots en majuscule y reviennent à profusion. Et le vocabulaire va régulièrement au-delà des limites de la parole politique traditionnelle, a fortiori pour un dirigeant élu.

Malgré ses nombreux messages, Donald Trump a assuré le 18 janvier 2016 dans l'émission Fox and Friends diffusée sur la très droitière chaîne d'information en continu Fox News: «Je n'aime pas tweeter». Et d'ajouter: «J'ai d'autres choses à faire. Mais j'ai droit à une couverture médiatique très malhonnête, à une presse très malhonnête. Et c'est la seule manière que j'ai trouvée de réagir».

Pour l’instant, ça marche. Mais pour l’avenir, «il y a un vrai danger de surexposition, qui pourrait fatiguer les gens et les rendre moins réceptifs», pense David Lewis, professeur à l'université de Vanderbilt (Tennessee), cité par l’AFP.

Les élus cherchent généralement plutôt à maîtriser la parole publique, sur la forme comme sur la quantité, pour préserver la portée de leur message, poursuit l’universitaire. Le problème, c’est que Donald Trump n’est pas forcément un élu comme les autres…

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