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Etats-Unis : trois questions sur Jack Teixeira, le militaire suspecté d'être à l'origine d'une fuite massive de documents confidentiels

Cet homme de 21 ans, membre de la Garde nationale aérienne du Massachusetts, a été présenté vendredi devant une cour fédérale de Boston.
Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Image d'illustration montrant, le 13 avril 2023, Jack Teixeira, le militaire suspecté d'être à l'origine des fuites de documents confidentiels de l'armée américaine. (STEFANI REYNOLDS / AFP)

C'est l'un des plus graves scandales depuis dix ans aux Etats-Unis. Un suspect a été arrêté dans l'enquête sur la fuite de documents confidentiels américains et a été inculpé par la justice fédérale aux Etats-Unis, vendredi 14 avril, pour "conservation et transmission non autorisées d'informations relatives à la défense nationale", et "retrait et conservation non autorisés de documents ou de matériels classifiés". Jack Teixeira, 21 ans, a été présenté devant une cour fédérale de Boston.

Ce membre du département de renseignement de la garde nationale aérienne du Massachusetts a été "interpellé sans incident" à Dighton, une commune rurale au sud de Boston, a annoncé le ministre de la Justice, Merrick Garland. Le jeune soldat a été placé en détention dans l'attente d'une nouvelle audience prévue mercredi.

Franceinfo détaille ce que l'on sait de ce jeune militaire et de la façon dont il a pu opérer.

1 Que sait-on de Jack Teixeira ?

Jack Teixeira a grandi dans la banlieue de Providence, dans l'Etat de Rhode Island (côte est des Etats-Unis). Plusieurs de ses anciens camarades racontent à la chaîne CNN* qu'il était fasciné par l'univers militaire, les armes et la guerre. Il lui arrivait de se rendre au lycée en tenue de camouflage et d'apporter un livre sur les armes à feu "épais comme un dictionnaire". Au lendemain d'une tuerie à Las Vegas, en 2017, Jack Teixeira s'était rendu en cours habillé d'un tee-shirt arborant un fusil AR-15, l'arme utilisée lors du massacre.

Le Washington Post* a rapporté, dès mercredi, que la fuite était l'œuvre d'un jeune homme ayant travaillé sur une base militaire. De son côté, le New York Times* avançait le nom de Jack Teixeira avant son arrestation, le présentant comme un membre du département de renseignement de la garde nationale aérienne du Massachusetts. Selon le quotidien, un certain nombre d'éléments le désignaient comme l'un des responsables des fuites. Le Wall Street Journal* écrivait lui aussi que l'auteur des faits était un membre de la garde nationale aérienne. Son interpellation jeudi soir a confirmé les premières informations des médias américains.

CNN rapporte que l'US Air Force a publié les états de service de Jack Teixeira, montrant qu'il était " Airman 1st Class", soit un rang juste sous celui de sergent. Le New York Times précise qu'il a été décoré de l' Air Force Achievement Medal, qui récompense de jeunes militaires de l'armée de l'air pour des faits notables. Entré dans l'armée américaine en 2019, il occupe le poste de "Cyber Transport Systems journeyman", c'est-à-dire chargé de s'assurer que le "vaste réseau de communications" de l'armée "fonctionne correctement", selon l'armée de l'air américaine, citée par CNN.

2 Où les documents ont-ils été publiés ?

Le suspect utilisait en ligne le pseudonyme "OG", une abréviation populaire aux Etats-Unis pour dire "Original Gangster". Il est soupçonné d'avoir publié, pendant des mois, des documents issus de la base militaire où il travaillait sur un groupe privé du réseau social Discord. Initialement utilisée par les amateurs de jeux vidéo, cette plateforme permet d'échanger avec des personnes de son choix, de partager des documents (audio, vidéo, PDF, etc.) grâce à un système de messagerie et de forums.

"OG" avait demandé aux autres membres du groupe de ne pas diffuser les documents, assurant qu'il n'avait pas l'intention d'être un lanceur d'alerte, écrit le Washington Post. Sur Discord, "OG" se montrait critique envers l'Etat fédéral américain – qu'il accusait d' "abus de pouvoir" – les forces de l'ordre et la communauté du renseignement.

Son groupe de discussion, composé d'environ 24 personnes, dont certaines originaires de Russie et d'Ukraine, s'est formé dès 2020 autour d'une passion partagée pour les armes à feu, le matériel militaire et la religion. D'après le Washington Post, qui a interrogé deux membres du groupe, il leur arrivait d'échanger des blagues racistes.

A la fin du mois de février, un membre du groupe partage les données confidentielles dans un autre canal Discord. Les photos circulent alors dans d'autres discussions et continuent de se répandre tandis que certaines se retrouvent modifiées. Les services de renseignement américains constatent la fuite début avril.

3 Comment a-t-il eu accès à des documents aussi sensibles ?

Le jeune homme de 21 ans était un employé subalterne. Mais il était chargé du bon fonctionnement du réseau de communications au sein de l'armée américaine. En conséquence, il pouvait avoir accès à des documents hautement confidentiels.

Mark Hertling, un ancien général de l'armée américaine, a expliqué à CNN* que certains documents hautement confidentiels sont parfois accessibles à un grand nombre de personnes. D'une part, parce que les différents commandements ont besoin de partager des documents pour se coordonner. D'autre part, parce que les analystes et spécialistes du renseignement ne sont pas les seuls à consulter les documents. Ces derniers passent également entre les mains de "Powerpoint rangers", c'est-à-dire des militaires chargés de mettre en page les documents pour réaliser les présentations. "Il y a beaucoup de gens qui voient ces choses", a-t-il commenté.

Le ministre de la Défense, Lloyd Austin, a assuré, jeudi, avoir ordonné un "audit des accès à notre renseignement (...) et des procédures de contrôle au sein du ministère pour mieux orienter nos efforts visant à éviter que ce genre d'incident ne se reproduise". Le Pentagone a d'ores et déjà décidé de restreindre plus strictement l'accès à ce type d'informations sensibles, a déclaré à la presse la porte-parole de la Maison Blanche, Karine Jean-Pierre.

Les autorités américaines n'ont pas publiquement confirmé l'authenticité de ces documents publiés en ligne, et leur véracité n'a pas encore été vérifiée de manière indépendante. Beaucoup de ces documents ne sont plus disponibles sur les sites où ils sont initialement apparus, et les autorités travailleraient à ce qu'ils soient tous retirés.

* Les liens suivis d'un astérisque renvoient vers des contenus en anglais.

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