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Tuerie aux États-Unis : "On a une sorte de danse de la mort avec les armes" dans le pays, déplore l'écrivain américain Douglas Kennedy

"J'ai entendu une personnalité politique républicaine dire : 'C'est une grande tragédie, mais ce n'est pas nous'. Désolé monsieur, c'est nous", regrette Douglas Kennedy qui dépeint régulièrement dans ses livres une Amérique sans faux-semblants.

Article rédigé par franceinfo
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L'écrivain Douglas Kennedy, le 20 octobre 2019. (ULF ANDERSEN / ULF ANDERSEN)

"Aujourd'hui aux États-Unis, on a une sorte de danse de la mort avec les armes", constate l'écrivain américain Douglas Kennedy auteur du livre Les hommes ont peur de la lumière, publié le 5 mai dernier aux éditions Belfond, qui dépeint la société américaine divisée par les années Trump.

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Mardi, un jeune homme de 18 ans a tiré sur les élèves et les professeurs d'une école primaire d'Uvalde au Texas, faisant 21 morts dont 19 enfants. "Même après quatre, cinq cauchemars comme celui-là, tout le monde refuse de changer la loi."

franceinfo : Quelle a été votre réaction, avant-hier, quand vous avez appris la tuerie dans cette école du Texas et ces 19 enfants abattus ?

Douglas Kennedy : Comme d'habitude, c'était franchement l'horreur. Ça continue, ça continue. Ted Cruz, le sénateur du Texas, qui est très extrême, a dit : "Nos pensées, nos prières sont avec les familles des victimes pendant cette tragédie totale, mais ce n'est pas la faute des armes." C'est extraordinaire. Même après quatre, cinq cauchemars comme celui-là, tout le monde refuse de changer la loi. Hier, le sénateur du Connecticut a supplié le Sénat : "S'il vous plaît, messieurs mesdames, il faut changer la loi" mais personne ne veut le faire.

Aujourd'hui, les enfants américains ont plus de chances désormais de mourir par arme à feu que dans un accident de voiture. Et pourtant, rien ne change. Comment l'expliquez-vous ?

Les grandes entreprises des armes sont très impliquées dans le Congrès. Elles soutiennent beaucoup de sénateurs avec leur fric, c'est un lobby immense. Mais il y a autre chose. Greg Abbott, le gouverneur du Texas, a signé il y a quelques semaines une des lois les plus extrêmes contre l'avortement. Et comme quelqu'un a dit hier soir : 'Comment on peut être obsédé par les fœtus, mais pas par les vrais enfants ?' Mais bienvenue aux États-Unis aujourd'hui. On est au milieu d'une vraie guerre culturelle, il y a deux versions d'un même pays. Et franchement, le parti républicain est devenu l'extrême droite. Il y a vingt ans pendant l'époque de Reagan, même si pour moi Reagan était un clown, le parti Républicain était plus centriste que maintenant.

Ça veut dire que le "Trumpisme" s'est vraiment immiscé dans tous les lieux de pouvoir, dans tous les organes de contrôle ? L'Amérique a basculé du côté Trump pour les années, les décennies peut-être même, à venir ?

Non, parce qu'il y a beaucoup de gens contre Trump. Mais c'est vrai que ça crée une frontière entre le trumpisme et les progressistes. Et le centre tend de plus en plus à disparaître. Ça crée un gros problème maintenant chez nous, aux États-Unis. Il y a 30 ans, pendant les années 1990, après la chute du communisme, on a eu par exemple ici, en France, Chirac au centre droit, au Royaume-Uni, il y a eu Blair et avant cela Major du centre gauche, centre droit. Même chose avec Bush premier, centre droit, Clinton, centre gauche. Aujourd'hui, Biden est centriste mais je pense que ce sera malheureusement une parenthèse et que des choses extrêmes vont arriver. Aujourd'hui aux États-Unis, on a une sorte de danse de la mort avec les armes. Je peux aller dans une boutique avec mon permis de conduire et parce que je n'ai pas de dossier criminel, je peux acheter une arme.

Comment expliquez-vous qu'aux États-Unis, rien ne change justement ? C'est uniquement à cause du "fric" de la NRA, ce lobby puissant des armes ou bien c'est aussi une question de mentalités ?

Il y a aussi une question de mentalités. C'est dans la Constitution, c'est le deuxième amendement, le droit d'avoir des armes. C'est aussi dans le mythe américain, le western. C'est aussi un thème de roman, il y a deux Amériques et l'une déteste l'autre. Clairement, il y a beaucoup d'Américains qui sont contre les armes et qui pensent qu'un autre cauchemar comme ça serait insupportable. C'est rare que j'allume la télé mais après cet événement, je l'ai allumée, et j'ai entendu une personnalité politique républicaine dire : "C'est une grande tragédie, mais ce n'est pas nous". Désolé monsieur, c'est nous.

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